Un cadavre.
Une réflexion non utopiste sur l'écologie.
C'est un roman noir éclaboussé de vert.
Deux couleurs contrastantes à l'image du centre névralgique de ce roman qui est le massif des Arbailles :
Un sous-sol sombre avec ses cavités et ses grottes.
Une surface verdoyante avec sa forêt et ses prairies.
Et du contraste il n'y en a pas que dans la géomorphologie.
Entre un groupe d'écologistes qui testent un mode de vie alternatif en réduisant leur empreinte carbone, une thésarde qui étudie l'origine et le cheminement des écoulements d'eau chaude jusqu'à la surface, financée par un groupe souhaitant développer une centrale géothermique, des agriculteurs-chasseurs autochtones qui ont dû suivre le mouvement de la surproduction, un gendarme spéléologue, et un écrivain poète.
Avec cinq voix qui nous exposent leurs sentiments et ressentiments, les interactions qui sonnent juste entre ces groupes appellent à revoir nos discours souvent extrémistes sur le sujet de l'écologie, quelle que soit notre position.
Ambiance pesante dans un décor apaisant.
Oui, parce que je le rappelle, il y a un cadavre, au départ. Cadavre dont on doute de l'identité au début de l'histoire, et dont le meurtrier pourrait être tout le monde au milieu.
Un assortiment noir/vert détonnant et réussi.
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Un roman chorale qui pourrait presque être un huis-clos: le coeur de l'intrigue est centré sur un village et ses alentours, les déplacements des personnages sont courts et les ramènent toujours dans les Arbailles. Ce roman pourrait être un coup de coeur pour plusieurs raisons: d'abord c'est la nature qui est le vrai personnage principal de ce livre. Elle est accueillante, apaisante, étonnante mais aussi secrète, rebelle, hostile. C'est en cela que ce roman parle d'écologie car tous les personnages incarnent un lien à la nature choisi ou subi (respect, retour aux sources, profit, échappatoire, abri...), elle est derrière les choix des uns et des autres, et c'est l'occasion de relier écologie, politique, responsabilité et engagement. Avec un peu de bon sens aussi et une dose de science. Mais ce n'est pas un roman bobo-gauchiste-écolo-prosélyte. On ne nous oblige pas à choisir un camp, on nous donne des clés, on nous embarque dans des choix de vie concrets, on suit l'évolution de la pensée des personnages sans dogme, sans manichéisme. C'est la deuxième raison qui m'a fait aimé le livre: pas d'angélisme, pas de collapsologie plombante, juste de vraies réflexions quasi-philosophiques et érudites avec un arrière-plan de thriller. Pareil pour les personnages: ne cherchez pas LE ou LA méchant.e... Il n'y en a pas vraiment, tant chacun vit avec ses paradoxes, ses hésitations et ses pulsions. Mais une mort à élucider quand même et une ribambelle de suspects!
Dernier point: c'est un roman chorale sur un rythme de valse. Les voix des personnages s'entremêlent, racontent, mettent en perspective tel ou tel évènement, donnent des points de vue différents d'un même moment. C'est très agréable pour la lecture mais c'est ce qui m'a gênée quand j'avais envie que l'intrigue avance plus vite.
Merci à Babelio et aux éditions Cairn pour cette virée littéraire dans les paysages du pays Basque.
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Pays basque, Béarn, écologie, expérience écoresponsable, recherche scientifique, trésors enfouis et mort suspecte : les arguments pour me faire sélectionner ce livre ne manquaient pas.
Nous voilà donc dans le massif des Arpailles, en pleine Soule, dans une zone où les grottes calcaires attirent spéléos et paléontologues, où les anciens membres de l'ETA sont parfois venus se cacher des recherches de la Guardia Civil.
Audrey veut y mener, loin de tout, un projet environnemental qui tendrait à démontrer qu'on peut, en respectant certaines règles, cesser de maltraiter la planète et se comporter en citoyens écoresponsables. Elle constitue son équipe : le couple Guillaume-Mathilde (chargée de convertir chaque geste en équivalent carbone) et Sara, jeune fille libre, fragile, naïve et délurée à la fois, qui sera l'amante d'Audrey tout en faisant fantasmer les hommes et tomber aisément dans leurs bras.
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Aux alentours, on trouve Pierre dit le Colombien, mêlé autrefois aux luttes basques, expatrié de nombreuses années et devenu écrivain, Jeff, le gendarme spéléo, Nicolas, descendant du propriétaire de la fermette lieu de l'expérience et ses beaufs de copains chasseurs ; Julia, thésarde sous la direction de Christelle (l'ex de Pierre!).
Tout ce petit monde se rencontre, se côtoie, se retrouve dans les mêmes draps, partage les moments de liberté que procure la vie dans la montagne, se renvoie ses émotions, ses colères, ses désirs. La sexualité est omniprésente, les couples se font et vivent l'amour soit successivement soit de façon simultanée : un assez joli méli-mélo !
Au milieu de tout cela, il y a une douce jeune fille qui rêve de rencontrer la chauve-souris albinos, le rhinolophe, qui hiberne dans les grottes (c'est Julia) et un petit garçon nommé Quentin qui ne parle plus depuis très longtemps mais dessine ce qui l'émeut et se montre impressionné par les laminak, ces êtres fantastiques de la montagne basque.
L'histoire met en scène des personnages qui ne manquent pas d'intérêt, pas si mal esquissés, sur fond de réflexion écologique et humaniste. Malheureusement, on a souvent une impression de laisser-aller dans l'écriture, avec notamment un emploi totalement artificiel et inapproprié du passé simple. le livre étant en quelque sorte l'assemblage de morceaux de journaux intimes écrits par les différents protagonistes, le style pseudo-littéraire vient là un peu comme un cheveu sur la soupe.
Lu dans le cadre de Masse critique sur Babelio.
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« Quand un arbre sent qu'il va mourir, il cherche à se reproduire, davantage. C'est pour cela que certains arboriculteurs font des tailles de fructification sévères, ou bien courbent fortement certaines branches : l'arbre se sent en danger et fait des fleurs, des fruits. Il produit, il produit, puise dans ses ressources, dirige toute son énergie vers les fruits, les graines, la reproduction ! Mais au bout de vingt ou trente ans, tu peux l'arracher : il est épuisé et se défend moins bien contre les parasites, même si tu l'as aidé en traitant avec des pesticides, des fongicides. Dans votre verger, les arbres qu'avaient plantés le vieux Ardiburu, c'étaient des arbres en port libre, pour les générations futures : ils donnent peu mais ils sont encore là, vigoureux ; le souci c'est qu'il faut prendre l'échelle pour cueillir leurs fruits. C'est un choix de société. Du durable qui demande plus de travail ou bien du court terme, polluant et jetable. »
Oui, à mes copains de promo [...] je dis que c'est ça la vraie vie : vivre au grand air avec trois nanas à la maison, à moitié à poil pendant l'été et bien au chaud sous la couette pendant l'hiver. Mais c'est pour les faire baver. La réalité est plus complexe, comme d'habitude. D'ailleurs, j'en ferai un chapitre spécial dans ce livre que nous voulons publier sur notre expérience. J'y parlerai de la condition de l'homme dans une société dirigée par les femmes - car ici elles ont la majorité absolue ! Et je parlerai de charge mentale : celle qui consiste à ne pas pouvoir laisser traîner ses chaussettes sous peine de se faire houspiller par une femme aux aguets, celle qui m'attribue l'abattage des animaux que l'on consomme et la réparation de ce qui ne marche plus.
Je suis un être humain, c'est tout. J'ai des goûts, des désirs, des envies. Ils ne regardent que moi et ceux et celles avec qui je les partage. Même si, ici, je partage mes pensées intimes avec des inconnus. Parce qu'écrire c'est se dénuder. Tiens, je me suis sentie obligée un peu plus haut d'écrire "ceux et celles", décidément il nous manque un genre neutre dans la langue française, un genre qui ne serait pas un genre. Ça éviterait à certains de chercher à nous massacrer la fluidité de la langue française avec une écriture dite "inclusive". Le masculin a souvent un sens neutre, il suffirait de l'officialiser ?
La vie est livrée sans mode d'emploi. C'est pour ça qu'on cherche à en construire, des modes d'emploi.
[...]
Oui, des modes d'emploi, des interdits, des règles. Et c'est ainsi que les hommes fondent des sociétés, basées sur des textes sélectionnés par quelques érudits il y a plus de mille ans, ces textes se référant à des parchemins encore plus anciens, voire à des traditions orales venues de peuples qui élevaient des chèvres... Et puis tout se craquelle au fil des siècles, on finit par se rendre compte que c'étaient des foutaises tout ça, mais on a peur de ne plus y croire, de sentir le sol vaciller sous nos pieds à tout remettre en cause.
Napoléon flancha devant une jeune Polonaise, lui qui pourtant faisait trembler les monarques. Beaudelaire trouvait son inspiration chez ses muses. Marie Curie, veuve, eut une relation amoureuse sérieuse avec un savant marié. Voilà ce qui mène le monde : la passion. Appelons cela l'amour ou le cul, mais les objectifs les plus nobles ne sont pas suffisants pour mobiliser les énergies, il leur faut autre chose. Une sève.