J'attendais avec impatience le second tome de cette histoire sexuelle des français - et surtout des françaises pendant la seconde guerre mondiale. Déjà, j'avais grandement apprécié le premier volume.
Je n'ai pas été déçue par le second car on en apprend d'encore plus belles sur cette facette de la grande histoire peu exploitée jusqu'ici, le sous-titre de ce second tome étant "De la Grande Prostituée à la revanche des mâles". Et il est vrai que jamais sans doute on ne s'est autant dévergondé que pendant cette sombre période de l'Occupation.
Il y avait bien des excuses : entre 1941 et 1944, de 500 000 à 1 200 000 Allemands jeunes et célibataires stationnent en France tandis que 100 000 Français sont morts durant les combats et deux millions sont en captivité. Ce manque d'hommes conduit ainsi à une sorte "d'état de nécessité" qui pousse au crime. Et puis, comme disait Arletty : "Les Allemands, il n'y avait qu'à pas les laisser entrer !" Les hommes de France subissent donc un très fort déficit d'image et bien des femmes fragilisées et seules succombent entre les bras des beaux guerriers blonds.
Pour vous donner envie, voici quelques têtes de chapitres ou de paragraphes : Jouir ou souffrir, il faut choisir ; le "pouf" ou le triomphe du bordel prophylactique ; "Franc-tireuses" ou "mitrailleuses à tréponèmes" ? ; Des résistants méconnus : les gonocoques ; une épuration sexuelle encadrée et légalisée ; La sainte alliance de la faucille et du goupillon..etc.
Ainsi
Patrick Buisson nous emmène au coeur des soirées mondaines où les jeunes premières du cinéma français s'affichent avec leurs amants en uniforme vert de gris - Mireille Balin,
Corinne Luchaire, Martine Carol, Arletty - ou restent plus discrètes - comme Coco Chanel. Ainsi, le prude Etat français autorise-t-il - sous la pression allemande - l'institutionnalisation des bordels qui n'ont jamais été aussi florissants. La "collaboration sentimentale" peut avoir pour origine l'appât du gain, le défi aux convenances, mais aussi l'amour vrai, rarement l'attrait pour l'idéologie nazie. Des centaines de milliers d'"Enfants de Boches" subiront toute leur vie l'opprobe de leur origine.
A la Libération, les femmes "de mauvaise vie" seront traquées en tant que coupables d'intelligence avec l'ennemi, tondues, exhibées nues, frappées....pauvres "saucisses" ou encore "embochies" ! Car le retour de bâton sera terrible, comme toujours.
Voici un livre passionnant, éclairant et parfois nauséabond. Mais l'étude est fondée sur des sources hélas irréfutables. le style de P. Buisson est clair malgré un usage parfois abusif de mots rares - j'ai noté :(plusieurs occurrences) holisme (la définition est ICI), alentie (adjectif), anomie (très souvent utilisé), polysémie, contretype, gyrovague.....parfaitement à leur place mais qui vous indiquent du coin de l'oeil "Hein, on est entre puristes !"
A travers cette autre vision de "La vie des français sous l'occupation", ce livre nous donne aussi la vision idyllique de ce qui aurait dû se passer : l'héroïque résistance passive de la nièce du narrateur du "Silence de la mer", chef d'oeuvre de Vercors édité clandestinement pendant la guerre....