Le métier d'écrire : Correspondance (1940-1985)

Cher Marcello, tu dis que tu gaspilles ton énergie en écrivant. C’est grave. Écrire, c’est toujours utile. Si tu écris des choses qui ne vont pas (et si, bien sûr, tu t’en aperçois), tu apprends à éviter tes erreurs. Si tu écris des choses qui vont bien, elles resteront toujours bien et que tu les publies aujourd’hui ou dans cinq ans (…) Ce qui compte, c’est d’y aller, de se cogner la tête, moi, tu vois, je rate encore deux récits sur trois, et de lire, de bien lire les quelques auteurs qui sont vraiment importants (il n’y en aura pas plus de 20 ou de 30) et de vivre, aussi, de regarder, le reste vient tout seul.

Pour bien écrire sur le monde élégant, il faut le connaître et le supporter jusqu’à la moelle, comme Proust, Radiguet et Fitzgerald, l’aimer ou le détester, cela n’a aucune importance, mais il faut connaître clairement la place qu’on occupe par rapport à lui.

L’amour est une grande explication de la vie, il te donne l’illusion (et pourquoi l’illusion, en fait ?) d’être proche de comprendre le but de ton existence au sein de l’univers.

À Venise, je me suis follement épris de deux Suissesses : de l’une par un transport de l’âme, de l’autre par la cupidité de la chair.