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EAN : 9782357801059
216 pages
Domens (25/09/2020)
4/5   7 notes
Résumé :
Edition intégrale (texte et illustration) établie, présentée et annotée par François BOGLIOLO

Voici le double projet - jamais encore réalisé- de cette édition: publier de façon autonome et dans son unité mots-photos "Misère de la Kabylie", enquête d'Albert Camus parue dans Alger Républicain du 5 au 15 juin 1939 : onze articles du reporter, accompagnés des vingt-trois photographies qui depuis quatre-vingt ans échappent au regard du lecteur de Camus. Or... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Pascal Pia, rédacteur en chef d'Alger Républicain raconte pourquoi il intégra Camus dans l'équipe du journal en septembre 1938 : « Le maigre budget prévu pour la rédaction ne permettait ni d'embaucher autant de journalistes qu'il en eût fallu, ni d'attirer de bons professionnels. Force m'était de recruter des débutants et de pourvoir à leur apprentissage. Sans me targuer de la moindre perspicacité, je dois dire que Camus m'apparut sur-le-champ comme le meilleur collaborateur que je pouvais trouver… »
Ainsi, à Alger Républicain, Camus fait ses vrais premiers pas en tant que journaliste. (Néanmoins, il avait, auparavant, écrit quelques chroniques consacrées à l'art, la poésie… dans la revue Alger Étudiant) .
C'est ainsi qu'Albert Camus publia une série d'articles sur la Kabylie du lundi 5 juin - numéro 242 au jeudi 15 juin 1939 - numéro 252.
En 1958, dans Chroniques algériennes 1939-1958, il en reproduisit l'essentiel, en supprimant certains passages contenant des « considérations trop générales » et des « articles sur l'habitat, l'assistance, l'artisanat et l'usure ».
Cette publication reprend l'intégralité des onze articles et intègre les vingt-trois clichés , ainsi, mots et photographies contribuent à mieux décrire la misère de ce peuple, à la rendre plus palpable, plus féroce.
Ces articles sont de véritables plaidoyers, sincères, réalistes, pour dénoncer l'insupportable injustice , l'abandon des populations frappées par la famine, stigmatiser l'incurie de l'administration, il fait une analyse pour tenter d'expliquer les causes de cette misère et propose quelques solutions . En écrivant de tels articles, Camus prit des risques certains : Dans un rapport au président de la République daté du 30 mars 1935, Marcel Régnier, Ministre de l'intérieur écrivait « la presse, … n'est pas moins dangereuses pour l'influence et l'autorité françaises. Or, vis-à-vis des populations arabo-berbères, une autorité désarmée est une autorité sans prestige. le projet de décret que nous vous soumettons tend à combler cette lacune. Sans porter atteinte aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881, il crée des infractions nouvelles et édicte des peines que la sécurité de l'Algérie rend indispensables… »
Cet ouvrage, attendu depuis longtemps, ne permet pas, cependant, de lever un mystère : qui est l'auteur des clichés accompagnant les textes ? Vingt-trois photographies qui resteront , peut être, à jamais, en quête d'auteur. Mais François Bogliolo de conclure « Alors, oui ou non, Camus tenait-il l'appareil qui prit les clichés pour son enquête ? Les mots crèvent le silence, les photos saisissent les ombres coloniales, et apporteront au lecteur leur réponse. » D'autres diront « Le poids des mots »…


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Alger Républicain est connu, dans le paysage médiatique de l'époque, pour son orientation politique et, surtout, pour ses enquêtes et reportages plus sociaux, économiques et politiques que touristiques et pittoresques. Bien sûr, on a quelques exceptions (?!)... à la limite du ridicule, toutes relevées dans la presse appartenant aux gros colons. Ainsi, en mars 1937, «La Dépêche algérienne» parlait de «la grande pitié du Sud» pour décrire «la misère» de la région qui va de Bordj Bou Arréridj jusqu'à la frontière tunisienne..., mais ladite «misère» de cette région se limitait, selon le journal, «à la grande chaleur». Seul le climat était responsable de cette misère ! Et, en décembre 1938, «L'Echo d'Alger» publiait un «reportage» sur la Kabylie... défendant la thèse que «la raison de la misère n'est nullement le colonialisme..., mais l'émigration en France, l'usure...». Bien de (futures) grandes plumes francophones nationalistes et révolutionnaires sont passées par «Alger Républicain» : Mohammed Dib, Kateb Yacine...

Albert Camus, donc, a produit des reportages sur la «Misère en Kabylie» durant dix jours. Tout y est passé dans une région qualifiée de «Grèce (pour la simplicité de la vie et du paysage et pour l'amour pour la liberté) en haillons» : la vie quotidienne avec son dénuement total (avec «un peuple qui vit d'herbes et de racines..., parfois vénéneuses»), le travail et les salaires insultants («un régime d'esclavage»), l'habitat aménagé n'existant pas ou si peu, l'assistance au compte-gouttes («pour 100 Kabyles qui naissent, 50 meurent»), l'enseignement rare («avec des Palais (quelques écoles) dans les déserts»), l'artisan «exploité», l'usure qui ruine («Des taux d'usure à 110 pour cent»)... de l'émotion, beaucoup d'émotion mais aussi de la révolte. Un reportage qui avait fait grand bruit à l'époque... et qui reste la plus belle oeuvre journalistique de Camus... et un modèle du genre pour les candidats journalistes.

En annexe, il y a le discours d'Albert Camus prononcé, lors de la remise du prix Nobel à Stockholm, le 10 décembre 1957.
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Albert Camus rédige pour le journal Alger Républicain en 1939 une enquête sur l'état de la Kabylie. Pour cela il se rend sur les lieux faire une étude économique et sociale fondée sur l' observation des réalités du terrain et sur l'écoute des besoins des kabyles par eux-mêmes. Il est à noter que Camus est né en petite Kabylie et on comprend qu'il ne peut que se sentir concerné. Toutefois il fera cette étude en onze articles sans a priori, de manière très factuelle en évitant de critiquer certaines factions de l'Algérie les politiques et les coloniaux car on est a une époque où tout ne peut être dit sans être voilé. le fait de dénoncer un fait comme celui-ci peut valoir de sérieux ennuis. Comme il le dit lui-même «Il paraît que c'est, aujourd'hui, faire acte de mauvais Français que de révéler la misère d'un pays français.»
le constat c'est avant tout la misère générale de la Kabylie. Un niveau de vie du moyen âge pour des Kabyles trop nombreux sur une terre
qui ne produit aucun céréale mais seulement des olives et des figues avec pour conséquence une pauvreté endémique.
Une malnutrition mais surtout une famine qui ne porte pas son nom sévit à longueur d'année bien plus cruelle en hiver laissant la population exsangue.
Un habitat exigu où il faut partager le peu de place avec les bêtes, une assistance sanitaire inexistante sur l'ensemble de la Kabylie, une enseignement très restreint, un artisanat en perte de vitesse et des taux d'usure disproportionnés tous les facteurs sont réunis pour figer la Kabylie dans le marasme économique et sociale malgré quelques réussites locales.
Cette étude très factuelle, comptable et rigoureuse difficilement contestable pèche néanmoins par l'absence de prise en compte de la religion pourtant forte de ses imams omniprésents dans la vie courante alors même, que la France fait tout arabiser l'Algérie (dixit Camus). Comme il fait remarquer l'influence négative du caïdat, du colonialisme il aurait pu faire figurer l'aspect spirituel de la Kabylie. Ce n'est pas un oubli de la part de Camus mais un choix pour ne pas parler de choses qui fâchent même à cette époque.
Il a choisit globalement de ne pas dire « Voyez ce que vous avez fait de la Kabylie », mais «Voyez ce que vous n'avez pas fait de la Kabylie. » (sic) c'est déjà bien et tout le monde comprend.
Camus est jeune et on sent bien une certaine naïveté aussi bien dans sa foi dans les institutions de Paris qui pourraient fait mieux et des résolutions des problèmes économiques et commerciaux sans parler des parties de blocage de l'économie: les colons. Une certaine candeur littéraire qui lui est volontiers pardonnée car il réussit à dire la vérité mais surtout toute la vérité ensuite on sait ce qu'il est advenu.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Quant on aborde les premières pentes de la kabylie, à voir ces petits villages groupés autour de points naturels, ces hommes drapés de laine blanche, ces chemins bordés d'Oliviers, de figuiers et de cactus, cette simplicité enfin de la vie et, du paysage comme cet accord entre l'homme et sa terre, on ne peut s'empêcher de penser a la Grèce.
Et si l'on songe a ce que l'on sait du peuple kabyle, sa fierté, la vie de ces villages farouchement indépendants, la constitution qu'ils se sont donnée (une des plus démocratiques qui soit), leur juridiction enfin qui n'a jamais prévu de peine de prison tant l'amour de ce peuple pour la liberté est grand, alors la ressemblance se fait plus forte et l'on comprend la sympathie instinctive qu'on peut vouer a ces hommes.
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Ce n'est peut-être pas tant de crédits que nous manquons, que d'acharnement. Rien de grand ne se fait sans courage et lucidité. Pour mener cette politique à bien, il ne suffit pas de la vouloir de temps en temps. Il faut la vouloir toujours et ne vouloir qu'elle» (p 108)
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«Si jamais l'idée de prestige pouvait recevoir une justification, elle la recevra le jour où elle s'appuiera, non sur l'apparence et l'éclat, mais sur la générosité profonde et la compréhension fraternelle» (p 77).
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Pour aujourd'hui, j'arrête ici cette promenade à
travers la souffrance et la faim d'un peuple. On aura
senti du moins que la misère ici n'est pas une formule,
ni un thème de méditation. Elle est. Elle crie et elle désespère.
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«La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante» (p 125, Discours prononcé à Stockholm, le 10 décembre 1957. Extrait).
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Videos de Albert Camus (159) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Albert Camus
Rencontre avec Denis Salas autour de le déni du viol. Essai de justice narrative paru aux éditions Michalon.
-- avec l'Université Toulouse Capitole


Denis Salas, ancien juge, enseigne à l'École nationale de la magistrature et dirige la revue Les Cahiers de la Justice. Il préside l'Association française pour l'histoire de la justice. Il a publié aux éditions Michalon Albert Camus. La justice révolte, Kafka. le combat avec la loi et, avec Antoine Garapon, Imaginer la loi. le droit dans la littérature.


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02/02/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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