Pascal Pia, rédacteur en chef d'Alger Républicain raconte pourquoi il intégra Camus dans l'équipe du journal en septembre 1938 : « Le maigre budget prévu pour la rédaction ne permettait ni d'embaucher autant de journalistes qu'il en eût fallu, ni d'attirer de bons professionnels. Force m'était de recruter des débutants et de pourvoir à leur apprentissage. Sans me targuer de la moindre perspicacité, je dois dire que Camus m'apparut sur-le-champ comme le meilleur collaborateur que je pouvais trouver… »
Ainsi, à Alger Républicain, Camus fait ses vrais premiers pas en tant que journaliste. (Néanmoins, il avait, auparavant, écrit quelques chroniques consacrées à l'art, la poésie… dans la revue Alger Étudiant) .
C'est ainsi qu'
Albert Camus publia une série d'articles sur la Kabylie du lundi 5 juin - numéro 242 au jeudi 15 juin 1939 - numéro 252.
En 1958, dans Chroniques algériennes 1939-1958, il en reproduisit l'essentiel, en supprimant certains passages contenant des « considérations trop générales » et des « articles sur l'habitat, l'assistance, l'artisanat et l'usure ».
Cette publication reprend l'intégralité des onze articles et intègre les vingt-trois clichés , ainsi, mots et photographies contribuent à mieux décrire la misère de ce peuple, à la rendre plus palpable, plus féroce.
Ces articles sont de véritables plaidoyers, sincères, réalistes, pour dénoncer l'insupportable injustice , l'abandon des populations frappées par la famine, stigmatiser l'incurie de l'administration, il fait une analyse pour tenter d'expliquer les causes de cette misère et propose quelques solutions . En écrivant de tels articles, Camus prit des risques certains : Dans un rapport au président de la République daté du 30 mars 1935, Marcel Régnier, Ministre de l'intérieur écrivait « la presse, … n'est pas moins dangereuses pour l'influence et l'autorité françaises. Or, vis-à-vis des populations arabo-berbères, une autorité désarmée est une autorité sans prestige. le projet de décret que nous vous soumettons tend à combler cette lacune. Sans porter atteinte aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881, il crée des infractions nouvelles et édicte des peines que la sécurité de l'Algérie rend indispensables… »
Cet ouvrage, attendu depuis longtemps, ne permet pas, cependant, de lever un mystère : qui est l'auteur des clichés accompagnant les textes ? Vingt-trois photographies qui resteront , peut être, à jamais, en quête d'auteur. Mais
François Bogliolo de conclure « Alors, oui ou non, Camus tenait-il l'appareil qui prit les clichés pour son enquête ? Les mots crèvent le silence, les photos saisissent les ombres coloniales, et apporteront au lecteur leur réponse. » D'autres diront « Le poids des mots »…