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Didier Lamaison (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070318841
480 pages
Gallimard (01/09/2005)
4.4/5   10 notes
Résumé :
Carlos Drummond de Andrade (1902-1987) se déclarait sans biographie. L'événement marquant de sa vie reste son «expatriation» vers Rio de Janeiro, où, fuyant son Minas Geiras natal qui avait façonné son tempérament secret, il mena une existence paisible, partagée entre les tâches administratives du fonctionnaire qu'il était, les distractions de la chronique journalistique et le labeur de la littérature, dont il cultiva deux genres : la nouvelle et la poésie. Ni son h... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La lecture d'une citation par mon ami babeliote Pasoa d'un de ses merveilleux poèmes, Métaphysique d'un corps, m'a fait découvrir le poète brésilien Carlos Drummond de Andrade.
Et aussi, un autre poème magnifique cité par mon amie babeliote Géraldine B m'a décidé à le lire.

La lecture (par petits bouts, car la poésie, ça se déguste doucement ) de ce recueil La Machine du monde et autres poèmes, m'a révélé beaucoup plus que ce à quoi je m'attendais, une oeuvre non seulement d'une grande beauté mais surtout d'une extraordinaire diversité, difficile à résumer en quelques lignes.

En effet, les poèmes peuvent être tantôt lyriques et sensuels, dédiés à l'amour et au corps féminin, tantôt prosaïques et intimes, évoquant l'enfance ou le souvenir de celles et ceux qui ne sont plus, tantôt énigmatiques voire surréalistes, avec des pierres qui parlent, ou des apparitions fantastiques, et encore peuvent être ironiques, même complètement loufoques.
Enfin, il y a les poèmes métaphysiques, extraordinaires, qui parlent du temps et d'éternité, de la vieillesse, de la mort, de la création artistique, du sens de la vie, de Dieu. Ceux-là sont parfois très sérieux ou y passe une touche, parfois bien appuyée, d'ironie et de sarcasme.
Et dans toute l'oeuvre, le lecteur que je suis a aussi entendu une voix qui chante la vie, la vie quotidienne, dont chaque moment est éternité.

La préface du traducteur nous explique que ne sont rassemblés dans le recueil que le tiers de la production de Drummond de Andrade, dix mille vers sur les quelques trente mille que le poète a faits en plus de 60 ans; et que cela a été bien difficile de faire des choix, on le comprend.
Et puis, qu'il a essayé de traduire en essayant de recréer la rime lorsque cela lui paraissait important, de respecter la métrique ou de la transposer, ainsi l'octosyllabe français sonne comme l'heptasyllabe brésilien, etc…
J'ai toujours beaucoup d'admiration pour celles et ceux qui traduisent, surtout les traductrices et traducteurs de poèmes. Comment rendre plus que la lettre, l'esprit?

Les poèmes sont de forme extrêmement variée, allant d'une cascade abrupte au fleuve long et tranquille, du sonnet impeccable à la forme libre ou au poème en prose.

Que dire de plus? Tout un monde beau et complexe est contenu dans la poésie de Drummond de Andrade
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À l'esprit curieux, le hasard et les circonstances ne sont jamais avares et lui réservent souvent de belles choses, de belles rencontres. Il en été ainsi pour moi de la découverte de la poésie du très grand écrivain brésilien Carlos Drummond de Andrade.

D'abord inspirée par le surréalisme européen puis par le modernisme, ce qui retient l'attention dans l'oeuvre de Drummond c'est un grand courant de liberté. Une liberté dans le choix des mots, dans les vers (réguliers et libres) mais aussi dans les rythmes et l'abondance des thèmes abordés.

Qu'elle s'inscrive dans le genre populaire ou métaphysique, ce choix de la liberté fait apparaître dans sa poésie une tendre ironie (non dénuée parfois d'humour), un pessimisme un peu acerbe mais surtout un attachement sincère au monde qui l'entoure, une préoccupation constante de dire, de confondre l'intangibilité, le mystère de la vie avec tout ce qu'elle offre à notre regard, à notre expérience, même dans les choses les plus simples du quotidien.
Ce réalisme chez le poète brésilien se révèle être aussi une critique du monde moderne qui ne va pas chez lui sans une attention particulière portée à la justice et la dignité des hommes.

"Je n'ai que deux mains et le sentiment du monde", ce seul vers contient en lui seul tout l'élan d'inspiration et d'écriture qui anime Carlos Drummond de Andrade, toute la richesse d'une poésie unique, originale, presque infinie.

- Mémoire

Aimer le perdu
laisse confondu
ce coeur qui est mien.

Rien ne peut l'oubli
contre le défi
absurde du Non.

Les choses tangibles
se font insensibles
à paume de main.

Mais les choses achevées
au-delà de la beauté,
celles-là demeureront.

(extrait de Claro enigma / Claire énigme)
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Mermed
Mermed 22 mars 2022
Carlos Drummond de Andrade


Au milieu du chemin qui mène à Rio, il y a une pierre; c' est la coupe du monde de football - LA coupe - celle de la meilleure seleçao en 1970; et puis il y a une autre pierre, celle-ci c'est une école de samba, et ils chantent Tom Jobim et Vinicius de Moraes, satisfaits d‘avoir leur rythme, pour nous qui vivons
dans le royaume des mots,
là se trouvent les poèmes en attente d'être écrits…
Et nous avons tout notre temps,
il y a des réserves colossales de temps,
Pendant lequel nous aussi nous désapprendrons le langage et resterons dans nos mémoires seuls les mots qui ne naissent pas enchaînés.

Nous resterons des lecteurs et comme le dernier lecteur de Dante - celui du quinzième étage - nous lirons ce poème entièrement composé de phrases empruntées à Machado de Assis - vous savez l'auteur de cette autre grande digression littéraire, Les mémoires posthumes de Bras Cubas .

Dans la machine du monde, pour toujours il est un poète précaire, et c'est Carlos Drummond de Andrade.


Nous le lirons à Rio en écoutant toutes les sambas que l'on aime ou les quatuors de Beethoven; on mangera un feijoado en buvant les mots de Carlos et en s'enivrant de la fureur des écoles de samba.



J'ai demandé à ces poèmes de m'assister: Au milieu du chemin, Moi aussi, j'ai été Brésilien, Grand Monde,, Considération du poème, Recherche de la poésie, le mythe, A un sorcier avec amour, Durée, Coupe du monde 70 l'instant de bonheur.

Les traductions sont de Didier Lamaison La machine du monde Poésie/Gallimard

© Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Considéré comme un des grands poètes sud-américains du XXème siècle, Carlos Drummond de Andrade est l'équivalent brésilien des grands poètes initiateurs de la modernité que furent en France Rimbaud et Apollinaire. Que ce soit par la libération du vers ou la nouveauté de l'inspiration, sa poésie reste très actuelle, atemporelle en réalité, comme chez tous les grands poètes. Avec un fort penchant lyrique, sa voix produit l'effet d'une douce transe, comme si ses rythmes subtils, le naturel de ses inflexions, décrivaient le flux et le reflux enivrants de l'océan sur le rivage.
Hugues
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Pénètre sourdement dans le royaume des mots.
Là se trouvent les poèmes en attente d'être écrits.
Ils sont figés, mais il n'y a pas de désespoir,
il y a calme et fraîcheur sur leur surface intacte.
Les voici seuls et muets, à l'état de dictionnaire.
Vis avec tes poèmes, avant de les écrire.
Reste patient, s'ils sont obscurs.
Calme, s'ils te provoquent.
Attends que chacun se réalise et se consume
avec son pouvoir de parler
et son pouvoir de taire.
Ne force pas le poème à se déprendre des limbes.
Ne ramasse pas par terre le poème qui s'est égaré.
N'adule pas le poème. Accepte-le
tout comme il acceptera sa forme définitive et concentrée dans l'espace.
Approche et contemple les mots.
Chacun d'eux a mille faces secrètes sous sa face neutre
et te demande, sans égard pour la réponse,
pauvre ou terrible, que tu lui feras:
as-tu apporté la clé?

(Extrait du poème "Recherche de la poésie")
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[...]

Et les paroles seront serves
d'étrange majesté. Tout est étrange.
Médite, par exemple,
les herbes,

tant que tu es encore petit et que ton instinct, souple, joyeusement s'aventure
jusqu'au cœur des choses. Pourquoi est venue, que peut,
combien dure

cette discrète forme verte, parmi les formes ?
Et imagine être pensé
par l'herbe que tu penses. Imagine un lien, une affection
sourde, un passé

articulant les bêtes à leurs visions, le monde à ses problèmes ;
imagine le roi avec ses angoisses, le pauvre avec ses diadèmes,

imagine un ordre nouveau : tout désordre nouveau qu'il sera, ne sera-t-il pas beau ?
Imagine tout : le peuple, avec sa musique ; avec sa donzelle,
le petit oiseau ;

l'amoureux, avec son miroir magique ; l'amoureuse, avec son mystère ;
la maison, avec sa chaleur propre ; la séparation, avec son visage austère ;

le physicien, le voyageur, le rémouleur, l'Italien diseur de
bonne aventure, et son manège ; le poète, toujours un peu compliqué ; le parfum natif des choses et son arpège ;

l'enfant qui est ton frère, et la spontanéité de sa science
aux yeux liquides et bleus, faite de malicieuse innocence,

qui parcourt en ce moment des énigmes extraordinaires ;
pour ta part, la recherche
te sollicitera un jour, message bouleversant dans la brise.

Il faut créer de nouveau, Luís Maurice. Réinventer yorubas et latins,
et les plus sévères inscriptions, et autant d'enseignements et
les modèles les plus fins,

par cette façon la vie nous grandit et nous devons l'affronter
avec des moyens puissants.
Mais qu'elle soit humble, ta vaillance.

[...]

(extrait de "À Luis Maurice, l'infant") - pp 165-167
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CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA PEUR

Provisoirement nous ne chanterons pas l'amour,
qui s'est réfugié plus bas que les souterrains.
Nous chanterons la peur, qui rend stériles les embrassades, nous ne chanterons pas la haine car elle n'existe pas, seule existe la peur, notre mère et compagne, la grand-peur des sertões, des mers, des déserts, la peur des soldats, la peur des mères, la peur des églises, nous chanterons la peur des dictateurs, la peur des démocrates, nous chanterons la peur de la mort et la peur d'après la mort, et puis nous mourrons de peur et sur nos tombes pousseront des fleurs jaunes et craintives.
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AIMER

Que peut une créature sinon,
entre créatures, aimer?
aimer et oublier,
aimer et malaimer,
aimer, désaimer, aimer?
aimer, et le regard fixe même, aimer?

Que peut, demandé-je, l’être amoureux,
tout seul, en rotation universelle, sinon
tourner aussi, et aimer?
aimer ce que la mer apporte à la plage,
ce qu’elle ensevelit, et ce qui, dans la brise marine,
est sel, ou besoin d’amour, ou simple tourment?

Aimer solennellement les palmiers du désert,
ce qui est abandon ou attente adoratrice,
et aimer l’inhospitalier, l’âpre,
un vase sans fleur, un parterre de fer,
et la poitrine inerte, et la rue vue en rêve, et un oiseau de proie.

Tel est notre destin : amour sans compter,
distribué parmi les choses perfides ou nulles,
donation illimitée à une complète ingratitude,
et dans la conque vide de l’amour la quête apeurée,
patiente, de plus en plus d’amour.

Aimer notre manque même d’amour, et dans notre sécheresse
aimer l’eau implicite, et le baiser tacite, et la soif infinie.
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Pendant longtemps j’ai cru que l’absence est manque.
Et je déplorais, ignorant, ce manque.
Aujourd’hui je ne le déplore plus.
Il n’y a pas de manque dans l’absence.
L’absence est une présence en moi.
Et je la sens, blanche, si bien prise, blottie dans mes bras,
que je ris et danse et invente des exclamations joyeuses,
parce que l’absence, cette absence incorporée,
personne ne peut plus me la dérober.
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