Comment parler d'une oeuvre qui a révolutionné le roman narratif sans la trahir, sans parler de son auteur, de sa genèse.
Premier roman, autobiographique comme l'ensemble de l'oeuvre, c'est cependant l'épisode deux d'une sorte de saga personnelle,
mort à crédit étant l'épisode un. Céline n'observera jamais u
n ordre chronologique rigoureux dans la rédaction de son histoire. Il reviendra parfois en arrière pour passer un épisode à la loupe (
casse-pipe). Il mêlera la réalité à la fiction pour en faire son histoire. Mythomane ? peut-être, je n'en sais rien.
La première mouture est une pièce de théâtre écrite en deux temps,
L'église, d'abord les trois premiers actes auxquels il viendra en ajouter deux, l'un né de son experience à la SDN (audit des usines Ford), l'autre fortement antisémite. le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas rencontré le succès avec ce genre. Il voulait tant créer un rôle de danseuse pour Elisabeth Craig.
L'homme est un animal paradoxal qui n'est pas à une contradiction près. On peut s'interroger et je m'interroge depuis quarante ans sur ce paradoxe qu'est Céline. Voilà un homme qui est (violemment, hé oui) pacifiste, qui dénoncera toute sa vie l'horreur, l'atrocité, la barbarie de la guerre et qui écrira des
pamphlets antisémites d'une violence jamais atteinte, telle que même "je suis partout" refusera d'en publier certains (cf les cahiers de l'herne), qui dans le même temps ne dénoncera pas son voisin juif (ib).
Qui aurait pu embrasser une carrière confortable de medecin pour une clientèle aisée à Rennes et qui choisira un dispensaire à Courbevoie après une longue mission pour la SDN entretenant les meilleurs relations avec le Docteur Rachjman.
C'est le même paradoxe, le même homme cynique qui méprise ses semblables qui continuera de soigner les indigents contre un poulet ou un lapin etc... à Meudon.
Être ou non-être, être ou paraître, je n'ai pas la réponse à la question. Alors je fais abstraction de ce qui me gêne sans l'oublier pour ne voir que l'écriture.
L'humanité est un paradoxe qui a engendré Gandhi et Hitler pendant le même siècle.
Arthur Rimbaud a révolutionné la poésie, comme un météore, il a, en trois ou quatre ans, vraiment tout réinventé.
Louis Ferdinand Céline a complètement bouleversé l'art de la narration sur une période d'une trentaine d'années à l'issue d'une lente maturation.
Un ado boutonneux lui aussi sacrément paradoxal et un adulte marqué par la guerre... tout est chamboulé en cent ans.
Je est un autre, c'est aussi ça, le voyage.