Flora la belle Romaine /
Jacques Cellard (1920-2004)
Nous sommes en l'an 227 en la belle ville romaine de Nîmes sous le règne de l'empereur Sévère Alexandre, quatrième de la dynastie des Sévère ; la jeune Flora d'origine berbère de Numidie (Tunisie) dicte le roman de son enfance, qui fut le plus souvent celui de ses plaisirs, à Caïus son amant qui pour l'heure n'est que son scribe.
Née de l'autre côté de la mer vers l'an 200, en Afrique donc sous le règne de l'empereur romain Septime Sévère, elle débarqua avec toute sa famille en la ville de Massilia (Marseille) où ses parents acquirent une auberge dans le quartier du port où florissaient les amours vénales qui plus tard firent la richesse de Flora, devenant alors une jeune femme heureuse et considérée. À l'époque, les auberges offraient divers services : le boire et le manger puis clandestinement les douceurs accordées par les hétaïres esclaves.
Dès cette première partie du roman l'auteur nous offre un aperçu très intéressant et détaillé, de plus dans un beau style travaillé et truculent à souhait, des moeurs sous la domination romaine, la pax romana, qui régna notamment sur la Gaule durant les deux premiers siècles de notre ère. Les esclaves alors et les filles de salle portaient le bracelet de fer à la cheville droite, symbole de leur condition, ce qui était plus léger et moins avilissant que le collier de plomb des filles à soldats qu'elles portaient encore à Carthage d'où elles venaient. C'est le père de Flora qui leur adoucit la vie en leur accordant la faveur d'enlever ce collier.
Puis Flora évoque ses souvenirs de « femme » comme elle dit, elle qui n'a que sept ans. Au début elle parcourt les ruelles où vont les femmes consacrées aux travaux de Vénus et vouées au plaisir des hommes. Elle se lie d'amitié avec une de ces filles, une berbère comme elle, âgée de quinze ans nommée Murrula. Elles deviennent comme deux soeurs. Celle ci l'invite un jour à se joindre à elle en l'académie d'amour avec son amant Marcus. Se mêlant au jeu de l'amour des deux partenaires, Flora a vite fait de découvrir la raideur priapique de Marcus sous la conduite manuelle de Murrula et de s'abandonner aux délicieuses caresses éhontées et déterminées du garçon ce qui fait dire à Flora après cette bacchanale : « Puisse ainsi l'Anadyomène (Aphrodite) bénir mon premier plaisir ! Je garde le sesterce, je l'ai gagné en femme et non en enfant.»
L'auberge familiale communique avec les thermes voisins où les filles de salle accordent aux clients argentés un bain accompagné de faveurs et d'un voyage vers Cythère. C'est là que Flora, nymphette prépubère délurée et appétissante, parfait son éducation en se cachant derrière les tentures pour observer une scène d'accouplement inédite pour elle entre Eschara une des filles de salle et Colea son amant d'un jour. Découverte, elle va se soumettre aux caresses de Markus vers son coquillage et vouer hardiment un culte à Junon fellatrice et à la déesse Callipyge pour quelques sesterces, la morale étant une chose et l'argent une autre. Complice avec Eschara, elle lui « prépare » dans l'auberge ses futurs clients pour un bain très spécial par quelques caresses adroites, insidieuses et stimulantes. Un rabattage lucratif afin d'aider son père à payer les traites dues pour l'acquisition de l'auberge. Comme disait
Aristote selon la légende, « le cul, c'est la petit mine d'or du pauvre. »
Ne rien voiler et ne rien farder est ressenti comme un devoir pour Flora, dictant pour un Caïus ébahi et lui contant son bain avec Anella l'autre fille de salle avec un client un peu particulier, découvrant alors qu'elle peut par ses caresses amener Anella à des voluptés orgastiques insoupçonnées et redonner de la vigueur au client en flattant sa mentule ensommeillée le temps d'une clepsydre.
À douze ans, Flora est devenue la complice d'Eschara et d'Anella et participe en tandem régulièrement à leur « travail » tout en ayant pris en main la gestion de l'auberge avec l'intendant, son père étant devenu dépressif et négligent dans ses affaires. Flora désormais nubile s'amatine au fil des jours mais préserve avec persévérance son trésor unique, sa caverne des Nymphes, le « voisin étant là aussi pour ça » ! Aussi avec Eschara aux heures creuses ne dédaigne-t-elle pas s'adonner aux plaisir de Lesbos auxquels son amie l'a initiée. Déjà elle est une très jeune femme recherchée des hommes et elle en éprouve un immense plaisir.
Une poignée de thymaterion jetée à la braise pour éveiller avec l'aide expérimentée d'Anella la vigueur du jeune Cincinna intimidé car à peine âgé de quinze ans et novice en toute chose de l'amour, et Flora subissant les caresses manuelles et buccales découvre la feuille de rose et le forçage du détroit avec un immense plaisir et devient ainsi au trois quart une femme.
Mais Anella son amie met Flora en garde : elle n'est pas une esclave et ne doit pas devenir esclave de son plaisir. Rester une femme libre et savoir se refuser. À quatorze ans, Flora est déjà une petite femme d'affaire qui règle avec son père l'association avec Dioclès, un riche proxénète grec, afin de rénover et développer l'auberge après l'affranchissement d'Anella et de Titus le cuisinier.
Flora a maintenant quinze ans et gère au mieux la venue de deux artistes peintres, le maître et son mignon alors que l'auberge affiche complet. La belle a plus d'un tour sous sa tunique et leur offre sa chambre pour des libations telles que Bacchus faisant, cette soirée qui l'avait vue commencer vierge la vit devenir femme, les artistes du « pinceau » faisant montre de leur art.
Plus tard, d'aventures en aventures, le doux Rufus entre dans sa vie comme esclave destiné entre autres à satisfaire ses besoins de femme parfois lassée de la clientèle occasionnelle. Elle a déjà dix sept ans !
Adoptée par le richissime curateur Maximus Gallo, Flora devient Flora Publia Gallo et son héritière légitime, lui-même étant veuf et sans descendance.
À la mort du père, sa mère vend l'auberge pour aller s'installer à Nîmes. Et Flora veut connaître le bonheur… …jusqu'à ce que la barque de Charon l'emmène sur les eaux sombres du Styx.
Ce roman serait selon l'auteur basé sur des faits avérés suite à la découverte en la bibliothèque du Vatican de rouleaux de papyrus relatant les us et coutumes de l'époque. ( !) On remarquera tout au long du récit les notes nombreuses qui attestent des connaissances linguistiques en latin et grec de l'auteur, et aussi son érudition concernant la mythologie et l'histoire des dieux et déesses. En y prenant garde on notera aussi au fil du texte que se profilent des personnages secondaires aux noms qui rappelle des personnages réels connus, comme l'édile écrivain à ses heures Maximus Gallo ou le perruquier coiffeur Alexandros et bien d'autre encore comme le poète fabuliste Fontanus . Un clin d'oeil de l'auteur !
« Il faut vivre pour pouvoir philosopher, mais il n'est pas nécessaire de philosopher pour vivre. » C'est la morale de l'histoire.
Saviez-vous que les Romains buvaient leur vin coupé d'eau tiède afin de l'adoucir et l'échauffer ? Aphrodisiaque? À voir !
Un petit roman historique de 200 pages bien écrit et joliment érotique.