Une couverture nous accueille, souple et gaufrée, sur laquelle une tour apparait. En fond : un ciel bleu. On ne sait pas si ce ciel se dégage ou s'il s'assombrit, il est chargé sans l'être, on est dans un entre-deux… le temps de savoir qui de la pluie ou des éclaircies vont finalement l'emporter.
Au-dessus de cette aquarelle, un titre : Les fleurs de Tchernobyl – [Carnet de voyage] en terre irradiée. A son tour, il nous renvoie à l'incertitude. On hésite, on tangue entre nos représentations colorées et parfumées d'un bouquet de fleurs et celles, plus inquiétantes, d'une vision de chaos.
Irradiée… Mort ? Drame ? Malformations ? Zone désertique ? Fleur… Vie ? Printemps ? Poésie ? Rire ?
Où aller ??
Commençons par les prémices de ce projet que je vous avais décrit dans ma chronique sur Un Printemps à Tchernobyl. On est en 2007, l'Association Dessin'Acteurs se mobilise pour mettre en place, non loin de Tchernobyl, une résidence d'auteurs pour quatre artistes : Pascal Rueff (poète, photographe, ingénieur du son), Morgane Touzé (chanteuse et musicienne), Gildas Chasseboeuf (aquarelliste et dessinateur) et Emmanuel Lepage (dessinateur et scénariste de bande dessinée). le projet aboutit et en avril 2008, Emmanuel Lepage et Gildas Chasseboeuf prennent le train pour leur premier voyage en Ukraine, un séjour de 15 jours à Volodarka (village situé à une trentaine de kilomètres de Tchernobyl). Là-bas, ils retrouveront Pascal Rueff et Morgan Touzé qui les ont précédé de quelques jours.
Le but de cette démarche est de rendre compte du quotidien des habitants qui sont restés vivre sur les lieux du sinistre survenu en 1986.
Ce carnet de voyage s'ouvre sur les propos de Pascal Rueff dans une préface intitulée « La lune est verte… ». On a l'impression qu'il couche ses mots sur papier avant que les sensations et les souvenirs ne se dissipent. Il décrit l'état d'esprit particulier dans lequel il est à chaque fois qu'il séjourne à Tchernobyl (en 2008, Pascal Rueff et Morgan Touzé effectuaient leur troisième voyage en terre irradiée). Il décrit cette étrange alchimie dans l'atmosphère, un mélange entre sérénité et tension. Une sensation difficilement descriptible, à la fois déstabilisante et apaisante…
(...)
Puis, la préface laisse place aux croquis réalisés par Emmanuel Lepage et Gildas Chasseboeuf durant cette quinzaine d'avril 2008. Les croquis sont parfois annotés succinctement, l'image se suffisant à elle-même. D'autres croquis sont commentés plus longuement et contextualisent une rencontre ou rappellent que le temps se rappelle en permanence à leur souvenirs via les crépitement du dosimètre. Lorsque l'artiste est « sur site », le temps est compté et le force à croquer rapidement ce qu'il voit.
Le contexte historique et géographique tétanise le dessinateur puis, peu à peu, il prend confiance. Les couleurs apparaissent d'abord timidement dans les croquis et s'imposent peu à peu. Leur présence finit par nous étourdir.
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