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EAN : 9782849531563
64 pages
La Boîte à Bulles (04/10/2012)
4.36/5   11 notes
Résumé :
Du 25 avril au 12 mai 2008, Gildas Chasseboeuf et Emmanuel Lepage se sont rendus dans la région de Tchernobyl en Ukraine. Les deux aquarellistes ont donc découvert le sarcophage de béton, des terres abandonnées mais également le retour de la vie, celle de la nature, celles des hommes... L'objectif de leur voyage était de voir, dessiner et écouter pour, à leur retour, éditer un livre et monter une exposition au profit de l'association "Les Enfants de Tchernobyl". Les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dans Un monde de ressources rares, l'explosion de la centrale nucléaire Tchernobyl est définie de la sorte : « Tchernobyl fut davantage un accident post-soviétique qu'un accident nucléaire ». Sur l'échelle internationale de classement des événements nucléaires (INES), l'explosion de Tchernobyl est de niveau 7, le niveau maximum. En 2011, la centrale nucléaire de Fukushima subit un accident nucléaire de niveau 7 - c'est le deuxième accident de cette ampleur de l'histoire. Cette-fois ci, l'URSS ne saurait être la cause car elle a volé en éclats causant d'autres problèmes aussi majeurs que ceux liés au nucléaire et notamment des problèmes humains : entre autres, le déracinement (des populations) dont (de mémoire) Heidegger disait que « Nous n'avons plus besoin de la bombe atomique car le déracinement est déjà là ». On pourrait qualifier Fukushima d'accident (post-)capitaliste faisant de celui-ci le pendant de Tchernobyl. Pour certains, l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima a été causé par un séisme et un tsunami mais n'est pas nucléaire. Étrangement, ce tsunami fait écho à celui que Günther Anders notait, dans le journal qu'il a tenu lors lors de sa participation en 1958 au 4ème congrès international contre les bombes atomiques et les bombes à hydrogène, « La constance qu'ils[les survivants] mettent à ne pas parler des coupables, à taire que l'événement a été causé par des hommes ; à ne pas nourrir le moindre ressentiment, bien qu'ils aient été les victimes du plus grand des crimes - c'en est trop pour moi, cela passe l'entendement […] De la catastrophe, ils parlent constamment comme d'un tremblement de terre, comme d'un astéroïde ou d'un tsunami."

À l'invitation de Pascal Rueff, un ingénieur du son* et poète - il signe la préface de ce livre -, Gildas Chasseboeuf et Emmanuel Lepage sont allés dans la région de Tchernobyl en résidence d'artistes pendant une quinzaine de jours. De cette expérience, Emmanuel Lepage a publié une bande dessinée : Un Printemps à Tchernobyl et avec Gildas Chasseboeuf un [Carnet de voyage] en terre irradiée intitulé Les fleurs de Tchernobyl. Dans ce carnet de voyages, c'est un mélange de superbes aquarelles, de quelques photos et de réflexions sur la vie en terre irradiée par les deux dessinateurs et des personnes qu'ils ont rencontré sur place : leur traductrice, des adolescents pour lesquels entraient dans la Zone d'exclusion constituera un initiation, une espèce de rite de passage, des adultes qui se sont purgés des radiations avec de l'alcool,… La force de cet ouvrage est de montrer que « la vie crie, exulte » y compris sur cette terre irradiée qui n'est d'ailleurs pas conforme aux attentes des deux auteurs : en effet, « Où sont les monstres, les animaux mutants, où sont les arbres déchirés, la terre carbonisée ? La mort peut-elle donc avoir ce visage paisible? Ici les semblants vacillent, les fantasmes sont balayés... Je suis face à autre chose. Moi-même ? Comment, alors, saisir l'invisible ? J'inscris la dose du rayonnement au-dessus du dessin, espérant traduire ainsi la tragédie dans l'oxymore. » La situation est tellement différente que les deux auteurs en oublient presque certaines des règles de prudence et les radiations.

Dans La violence : oui ou non : Une discussion nécessaire, Günther Anders - des quatre césures, coupures dans sa vie, il considérait Hiroshima comme la coupure la plus nette après l'horreur de la Première Guerre Mondiale, l'arrivée d'Hitler au pouvoir et l'annonce des camps de concentration - écrivait : « Aussi cynique que cela puisse sembler, je suis pour faire de Tchernobyl un symbole, comme celui d'Hiroshima, tout comme j'ai, en tout cas, essayé de faire d'Hiroshima un symbole. Il était parfaitement légitime qu'à mon insu on ait forgé, à partir de mon slogan « Hiroshima est partout », le slogan « Tchernobyl est partout ». Ce second slogan a même un sens encore plus fort que le premier : « Hiroshima est partout » signifiant : « Ce qui s'est passé à Hiroshima, cela peut aussi se passer en n'importe quel autre lieu du globe ». « Tchernobyl est partout » signifie en revanche : s'il arrive un malheur dans un seul lieu comme Tchernobyl, alors ce malheur peut « co-arriver » partout, c'est-à-dire n'importe quel point de la Terre. Cela devient alors, d'une certaine manière, une « épidémie ». »

Tout autant lieu de mémoire que de « dark tourism », Tchernobyl doit devenir le symbole qu'appelait de ses voeux Günther Anders et le carnet de voyage de Gildas Chassebouef et Emmanuel Lepage y contribue très largement par son espèce de poésie noire.

* Au sujet du son dans la Zone d'exclusion de Tchernobyl, les field recordings "4 rooms" (gymnase, piscine, église et auditorium de la Zone d'exclusion de Tchernobyl) du danois Jacob Kirkegaard ont été publiés pour marquer le vingtième anniversaire de l'accident de Tchernobyl.
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Une couverture nous accueille, souple et gaufrée, sur laquelle une tour apparait. En fond : un ciel bleu. On ne sait pas si ce ciel se dégage ou s'il s'assombrit, il est chargé sans l'être, on est dans un entre-deux… le temps de savoir qui de la pluie ou des éclaircies vont finalement l'emporter.

Au-dessus de cette aquarelle, un titre : Les fleurs de Tchernobyl – [Carnet de voyage] en terre irradiée. A son tour, il nous renvoie à l'incertitude. On hésite, on tangue entre nos représentations colorées et parfumées d'un bouquet de fleurs et celles, plus inquiétantes, d'une vision de chaos.

Irradiée… Mort ? Drame ? Malformations ? Zone désertique ? Fleur… Vie ? Printemps ? Poésie ? Rire ?

Où aller ??

Commençons par les prémices de ce projet que je vous avais décrit dans ma chronique sur Un Printemps à Tchernobyl. On est en 2007, l'Association Dessin'Acteurs se mobilise pour mettre en place, non loin de Tchernobyl, une résidence d'auteurs pour quatre artistes : Pascal Rueff (poète, photographe, ingénieur du son), Morgane Touzé (chanteuse et musicienne), Gildas Chasseboeuf (aquarelliste et dessinateur) et Emmanuel Lepage (dessinateur et scénariste de bande dessinée). le projet aboutit et en avril 2008, Emmanuel Lepage et Gildas Chasseboeuf prennent le train pour leur premier voyage en Ukraine, un séjour de 15 jours à Volodarka (village situé à une trentaine de kilomètres de Tchernobyl). Là-bas, ils retrouveront Pascal Rueff et Morgan Touzé qui les ont précédé de quelques jours.

Le but de cette démarche est de rendre compte du quotidien des habitants qui sont restés vivre sur les lieux du sinistre survenu en 1986.

Ce carnet de voyage s'ouvre sur les propos de Pascal Rueff dans une préface intitulée « La lune est verte… ». On a l'impression qu'il couche ses mots sur papier avant que les sensations et les souvenirs ne se dissipent. Il décrit l'état d'esprit particulier dans lequel il est à chaque fois qu'il séjourne à Tchernobyl (en 2008, Pascal Rueff et Morgan Touzé effectuaient leur troisième voyage en terre irradiée). Il décrit cette étrange alchimie dans l'atmosphère, un mélange entre sérénité et tension. Une sensation difficilement descriptible, à la fois déstabilisante et apaisante…

(...)

Puis, la préface laisse place aux croquis réalisés par Emmanuel Lepage et Gildas Chasseboeuf durant cette quinzaine d'avril 2008. Les croquis sont parfois annotés succinctement, l'image se suffisant à elle-même. D'autres croquis sont commentés plus longuement et contextualisent une rencontre ou rappellent que le temps se rappelle en permanence à leur souvenirs via les crépitement du dosimètre. Lorsque l'artiste est « sur site », le temps est compté et le force à croquer rapidement ce qu'il voit.

Le contexte historique et géographique tétanise le dessinateur puis, peu à peu, il prend confiance. Les couleurs apparaissent d'abord timidement dans les croquis et s'imposent peu à peu. Leur présence finit par nous étourdir.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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Carnet de voyage à Tchernobyl d'un groupement d'artistes autour d'une association Les Enfants de Tchernobyl, en particulier ici Gildas Chasseboeuf et Emmanuel Lepage, si j'ai bien tout compris , mais pas sûr....
Drôle d'idée comme voyage ! Les peurs incontrôlées , le dosimètre qui perd la tête, des dessins à l'encre comme enfouis dans la nuit et le brouillard (bon, ma référence n'est pas neutre, j'avoue...), sombres au début puis de plus en plus de couleurs, du bleu surtout, un ciel immensément bleu , les arbres ardoise, le bleu d'un clôture ou d'un volet.
Voyage en terres irradiées comme lunaire ou tout est abandonné, rouillé et pourtant ou la nature reste vigoureuse, une fête foraine, un village fantôme, kolkhozes désertés....Et enfin, des hommes et des femmes, enracinés à leur terre natale, à leur vie d'avant, à leurs histoires, vivant non plus dans la zone rouge car interdite mais aux alentours, réunit aussi autour de leurs morts, les yeux tristes de se souvenir. Et puis les enfants que rien n'atteint et qui jouent au loup comme tous les enfants du monde . La vie a repris sauf que le dosimètre crépite...
Un très bel album ou réflexions, impressions ,encre, pastel, fusains, dessins crayonnés se mêlent .
je retiendrai aussi ces derniers mots : un frisson me parcourt . Est -ce notre chemin que de vouloirs approcher la mort pour se sentir vivant ?
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Un très bel album où les auteurs rendent compte de leur voyage, de leur peur d'aller dans cette zone contaminée et de leurs rencontres avec la population.

Les deux dessinateurs ont décidé de partir pour un séjour de quelques semaines à Volodarka, à 45 kilomètres de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine. Ils deviennent les témoins des conséquences d'une catastrophe : le terrible accident nucléaire survenu le 26 avril 1986 et qui laisse toujours et encore de terribles séquelles. Pourtant, au fil des pages, les couleurs prennent le pouvoir sur le noir et le gris, les visages souriants apparaissent et la végétation devient plus luxuriante ; on passe de paysages ravagés pour longtemps par les radiations à des aquarelles verdoyantes et poétiques ; puis apparaissent ces visages humains dont les voix disent la vie qui continuent. Mais attention, il y a la « zone interdite » : pour accéder aux abords de la centrale, il faut passer le check-point et tout est contaminé à des kilomètres aux alentours de celle-ci : on ne peut s'asseoir par terre, ni s'y rendre sans masque et sans gants, et il est plus que conseillé d'y consulter fréquemment son dosimètre.
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critiques presse (1)
BulledEncre
15 avril 2013
Ce Carnet de voyage en terre irradiée, comme l’indique le sous-titre, semble être un support très apprécié de Gildas Chasseboeuf qui n’en est pas à son coup d’essai. Les aquarelles, les pastels, les encres, les dessins traités aux fusains ou aux crayons, s’entremêlent autour de textes et de photographies.
Lire la critique sur le site : BulledEncre
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
EMMANUEL

Où sont les monstres, les animaux mutants, où sont les arbres déchirés, la terre carbonisée ? La mort peut-elle donc avoir ce visage paisible? Ici les semblants vacillent, les fantasmes sont balayés... Je suis face à autre chose. Moi-même ? Comment, alors, saisir l'invisible ? J'inscris la dose du rayonnement au-dessus du dessin, espérant traduire ainsi la tragédie dans l'oxymore.
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Nous sommes des intrus. Nous sommes sur la lune et elle est verte. J’aime cette sorte de paix primitive. L’instant suivant, je panique. Ou d’un jour sur l’autre. D’une heure sur l’autre. Le ciel change. Les bruits changent. Je change. Je sue. Le masque m’agace. Le dosimètre me chauffe. J’entends des bruits. Il faut filer. Retraverser vingt kilomètres d’ombre. Et c’est la mienne. Révélée par ce beau désert. Comme si vingt-deux ans suffisaient à souffler les quelques millénaires de bordures que notre espèce inventive a su poser sur la vie brute. Chvetechnko, Rudnia Ossuchnia, Malenki Minki, Shishlovka sont des puits : qui s'y penche se voit. Volodarka semble traîner un temps en arrière. Un temps en avant ? J'ai pris l'habitude de penser que les zones contaminées de Tchernobyl constituent le premier parc de décroissance, un nouveau nouveau monde. On ne se refait pas une virginité. Et je ne connais pas d'autre moyen pour en témoigner, que d'oser se pencher. J'essaye, j'essaye de toute ma raideur.

Pascal Rueff
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EMMANUEL

Chaque soir Vassia se plonge dans notre livre d'images de la catastrophe. Cette zone qui lui est interdite jusqu'à ses 18 ans le fascine. Il connaît les récits des liquidateurs,ceux de ses parents, de ses amis, du moins ceux qui ont survécu. Il a bu les forfanteries de Victor, il n'a pas peur, bien sûr...
"Un jour, j'irai". Ce sera son initiation. Un frisson me parcourt. Est-ce notre chemin que de vouloir approcher la mort pour se sentir vivant ?
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Nous sommes sur la Lune et elle est verte. J’aime cette sorte de paix primitive. L’instant suivant, je panique. Ou d’un jour sur l’autre. D’une heure sur l’autre. Le ciel change. Les bruits changent. Je change. Je sue. Le masque m’agace. Le dosimètre me chauffe. J’entends des bruits. Il faut filer. Retraverser vingt kilomètres d’ombre. Et c’est la mienne
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Carnet de voyage aquarellé, réflexion sur notre monde , tendresse sans complaisance vis à vis des habitants. On part dans l'enfer et on arrive dans un monde humain où l'alcool fait plus de mal que la radioactivité J'en ai aime les couleurs , les dessins et les textes ...
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Vidéo de Gildas Chasseboeuf
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