Ce recueil propose 11 nouvelles courtes : un homme seul savourant son oeuf, un autre cherchant sa chèvre dans le froid de la nuit, une femme osant se rebeller contre un Saint Homme et qui reçoit le soutien de tout son village, une autre attendant son fils un soir de Nouvel An. D'autres encore...L'après-midi du majordome, l'ancêtre sur son âne, la femme en rouge,autant de tranches de vie émouvantes, très variées, toujours traitées avec pudeur mais sans concession.
Un très joli moment de lecture.
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J'ai eu l'impression de lire des contes ou des fables, plus que des nouvelles. Certaines sont très émouvantes et pleines de rebondissements, aussi courtes soit-elles. Les héros ont souvent ce point commun : ils vieillissent mais leur esprit est toujours aussi vif et ils n'hésitent pas à aller jusqu'au bout de leurs forces. J'ai aimé certaines nouvelles et d'autres beaucoup moins, sans surprises.
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Des nouvelles d'une grande richesse, aux décors et aux émotions hétéroclites.
Je fus d'abord intriguée par la couverture mystérieuse puis, en voyant le nom de l'auteur, je me suis laissée tenter.
Le format des nouvelles donne une belle dynamique au recueil. Chaque nouvelle opte pour une approche différente, une sonorité unique.
Ce recueil se savoure, avec humour, ravissement et pitié. C'est une belle découverte qui parvient à percuter dans la brièveté.
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LA PUNITION
L'institutrice était insomniaque.
À trois heures du matin, avant l'aube d'une journée
torride, elle allumait sa lampe de chevet et se levait.
Pieds nus, dans sa chemise de nuit à fines rayures
mauves, elle traversait la vaste chambre que nous
partagions pour se diriger vers le lit où je dormais
du plus profond sommeil de l'enfance.
Tournoyant autour de ma couche, elle y tissait – de
ses pas légers et têtus – une danse étrange, en forme de
nasse. L'obstination aiguë de son regard traversait la
couverture bleue dont je m'enveloppais la tête, trans-
perçait le duvet des rêves ; m'arrachait, par lambeaux,
à la nuit, me forçant à me redresser, à m'asseoir, tout
engourdie, hors du moutonnement des draps.
p.44
Cela ne pouvait plus durer ! Son esprit gambadait toujours, son cœur ne s'émoussait pas, son âme faisait peau neuve, sa parole était libre ; pourtant, quelque chose en Julia se heurtait au vieillissement, se murait entre les parois de sa chair.
Se précipiter à la rencontre d'un ami, sauter des repas, traverser les continents, enjamber les nuits, s'éprendre d'un visage, se fondre dans la danse… A présent, tout cela faisait craquer l'enveloppe. Elle se sentait peu à peu réduite à l'impuissance.
Non, elle ne s'y faisait pas ! Elle ne mettrait ni ses sentiments, si ses sensations, ni ses élans en sourdine. Elle refuserait d'apprendre à se défier d'elle-même et des autres, comme on le lui conseillait.
[ Le verbe et la chair ]
Les nuages de poussière n'en finissent pas de se dissiper. Leurs époux ont beau s'éloigner, s'éloigner... jamais elles ne les ont sentis aussi proches. Jamais.
Ce jour-là n'était pas un jour comme les autres.
Ce jour-là, la longue patience avait pris fin.
[La longue patience ]
- Qu'Allah te couvre de bienfaits ! s'exclama le vieillard. Qu'il te bénisse et t'accorde sept autres enfants ! [...]
Ouvrant toute grande la porte de sa masure, elle appela vers l'intérieur :
- Barsoum, Fatma, Osman, Naghi ! Venez. Venez, tous ! Que les grands portent les plus petits dans leurs bras. Sortez, tous les neuf. Montrez-vous !
- Tu es folle !
- Montrez vos bras, vos épaules ! Levez vos robes, montrez vos ventres, vos cuisses, vos genoux !
- Tu refuses la vie ! s'indigna le vieillard.
- Ne parle pas de la vie ! Tu ne connais rien à la vie !
- Les enfants, c'est la vie !
- Trop d'enfants, c'est la mort !
- Amina, tu blasphèmes !
- J'en appelle à Dieu !
- Dieu ne t'écoute pas.
- Il m'écoutera !
- Si j'étais ton époux, je te châtierais.
- Personne, aujourd'hui, ne lèvera la main sur moi. Personne !
Elle saisit au vol le bras de Hadj Osman :
- Même pas toi !... Retire ta bénédiction ou je ne te lâcherai plus !
Elle le secouait pour le forcer à reprendre ses mots :
- Fais ce que je te dis : retire ta bénédiction !
- Tu es possédée ! Recule, ne me touche plus. Moi, je ne retire rien. ("La longue patience", pp. 26-28)
Nos connaissances s'accroissent, mais la question primordiale de notre venue, de notre absence au monde sera-t-elle jamais résolue ?
[ L'ermite des mers ]
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ?
[…]
On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin.
[…]
Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus.
[…]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Angèle Vannier
1:22 - Andrée Chedid
2:07 - Juliette Darle
2:51 - Anne Perrier
3:26 - Claire Malroux
4:01 - Anise Koltz
4:26 - Liliane Wouters
5:20 - Générique
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Références bibliographiques :
Couleurs femmes, poèmes de 57 femmes, Paris, co-édition le Castor Astral/Le Nouvel Athanor, 2010.
La poésie à plusieurs voix, rencontres avec trente poètes d'aujourd'hui, sous la direction de Serge Martin, Paris, Armand Colin, 2010.
Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Paris, Cherche midi, 2016
Images d'illustration :
Angèle Vannier : https://traversees.files.wordpress.com/2020/11/angele-vannier-biographie-cristel-couverture.jpg
Andrée Chedid : https://www.bulledemanou.com/2015/03/andree-chedid.html
Juliette Darle : http://academiereneevivien.unblog.fr/salon-litteraire/salon-litteraire-6-juillet-2019/
Anne Perrier : https://www.recoursaupoeme.fr/auteurs/anne-perrier/#iLightbox[aac8e1aa6f5de8aeaab]/0
Claire Malroux : https://twitter.com/ColeHenri/status/717368378826956801/photo/1
Anise Koltz : https://www.luxtimes.lu/en/culture/anise-koltz-wins-top-poetry-prize-602d5ef2de135b92369270dd
Liliane Wouters : https://www.lezardes-et-murmures.com/2016/10/testament-liliane-wouters.html
Bande sonore originale : Arthur Vyn
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