Lorsque les enfants doivent apprendre en urgence à gouverner le monde : une étonnante fable para-apocalyptique, hommage à la science et à la philosophie politique.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/04/note-de-lecture-lere-de-la-supernova-liu-cixin/
Pas de note de lecture proprement dite pour ce roman, puisqu'il a fait l'objet de ma part d'un bref article dans le Monde des Livres du 1er février 2024 (daté 2 février, à lire ici). Comme à l'accoutumée en pareil cas, je me contenterai donc ici de quelques citations et de quelques remarques en forme, plus ou moins, de notes de bas de page de l'article en question.
🎯 Bien longtemps avant le succès planétaire du « Problème à trois corps » (2006, prix Hugo 2015) et de ses deux suites, «
La Forêt sombre » (2008) et «
La Mort immortelle » (2010, prix Locus 2017),
Liu Cixin aura mis quatorze ans à achever ce roman précurseur, commencé en 1989 et passé par plusieurs moutures successives profondément remaniées avant sa publication en 2003. Ce n'est finalement qu'en 2024 qu'il aura été traduit en français, par Gwenaël Gaffric pour la collection Exofictions d'
Actes Sud.
👑 le motif d'un « monde » livré aux enfants n'est certes pas neuf :
Liu Cixin a d'ailleurs expressément conçu son roman comme un hommage au
William Golding de «
Sa Majesté des Mouches » (1954) – et comme lui, sans éprouver le besoin de recourir au conflit enfants-adultes, imaginé par exemple par l'
Adolfo Bioy Casares de «
Journal de la guerre au cochon » (1970), pour développer sa métaphore psycho-politique. Mais là où le prix Nobel de littérature 1983, auteur de « littérature générale », même particulièrement ouvert aux « mauvais genres », conduisait son expérience de pensée à l'échelle d'une île et des jeunes passagers survivants d'une catastrophe aérienne (réminiscence que la série « Lost » de
J.J. Abrams,
Damon Lindelof et
Jeffrey Lieber saura souligner de nombreux clins d'oeil dans sa toute première saison en 2004 – mais ceci est une autre histoire), l'auteur de science-fiction n'hésite pas à se donner les moyens – au prix initial d'un subterfuge astrophysique – d'étendre le propos et la spéculation à l'échelle du monde entier, développant donc des enjeux qui s'enracinent au même endroit, mais qui se révèlent naturellement d'une tout autre ampleur.
🎲 Comme il le démontrera amplement aux lecteurs « occidentaux » avec «
le Problème à trois corps » et ses suites,
Liu Cixin, ingénieur électricien de métier, rêve d'une importance bien plus élevée accordée par la société à la science, et ses
romans peuvent systématiquement se lire comme de vibrants plaidoyers de cette cause.
Cela le pousse certainement à « tordre » quelque peu ses intrigues pour l'autoriser à déployer cette passion pour la hard science : dans son passage, ici, de l'astrophysique-fiction (dont témoigne le long extrait initial de cette note, par exemple) à la philosophie politique spéculative, les coutures de son travail – et c'est donc intéressant, notamment quand on observe aussi comment il tente de gommer cette idiosyncrasie, avec de plus en plus de talent, dans ses oeuvres plus récentes – se voient infiniment plus à la lecture que celles de bijoux (moins ambitieux toutefois dans leur visée non globalisante) comme «
Un paysage du temps » (1980) de
Gregory Benford (dont je dis souvent qu'il vaut par bien des aspects, fiction vs. essai, le grand « La vie de laboratoire » de
Bruno Latour) ou même «
L'oeuf du Dragon » (1980) de
Robert Forward. Et par contraste toujours passionnant, «
L'ère de la supernova » nous fait encore davantage réaliser à quel point « La trilogie martienne » (1992-1996) de
Kim Stanley Robinson, avec son étroite association épistémologique de la science et de la politique, constitue bien un chef d'oeuvre absolu.
Lien :
https://charybde2.wordpress...