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Michel Malicet (Autre)
EAN : 9782251601106
184 pages
Les Belles Lettres (01/01/1989)
5/5   1 notes
Résumé :
Édition critique et commentée par Michel Malicet
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Que lire après Richard Wagner, rêverie d'un poète françaisVoir plus
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A gauche. -Le peuple d’où est sortie une telle âme, vous devez
donc avouer que c’est un grand peuple?

A droite. -Qui vous dit le contraire? Comment pouvez-vous me
comprendre si mal? Qui se pencherait sans sympathie sur une
destinée aussi tragique que celle de l’Allemagne? Comment
oublierais-je que pendant ces années de matérialisme où
l’éducation universitaire avait scellé sa dalle sur la tête d’un
pauvre enfant, Beethoven et Wagner furent pour moi les seuls
rayons d’espérance et de consolation? Le Faust et la Critique de
la Raison Pure n’ont jamais fait de bien à personne, mais la
Sonate Waldstein a été pour l’humanité un bienfait plus grand que
la découverte de la vaccine. Et le seul triomphe après tout qu’ait
eu l’art au XIXe siècle, la seule réalisation complète, malgré ses
insuffisances, qu’il ait obtenue et qui nous donne un peu
d’espérance pour l’avenir, c’est en Allemagne que ça s’est passé.
Comparez le sort de Wagner et celui de Berlioz, son égal en génie,
absolument et définitivement étouffé par de noirs imbéciles!
Wagner se joue d’un bout à l’autre de l’Allemagne, quand
entendons-nous les Troyens, même sous une forme tronquée et
défigurée? Songez à Baudelaire, à Verlaine, à Mallarmé, et qu’il
n’y a pas eu en France au siècle passé un seul artiste original
que la coalition que vous connaissez n’ait essayé d’écraser. Même
ce pauvre bonhomme à votre droite, que serait-il arrivé s’il lui
avait fallu se fier pour vivre à ses seuls talents littéraires?

A gauche. -N’achevez pas! Vous me tirez les larmes aux yeux!

A droite. -Songez au cours de quelles années Richard Wagner a
poursuivi sa carrière. C’est l’époque de Darwin, de Herbert
Spencer et de Haeckel, et de la conquête du monde par le chemin de
fer et la machine. Parsifal, est représenté en 1883. C’est l’année
où le triomphe matérialiste connaît son apogée. La gloire de Taine
et de Renan couvre tout; notre poésie se consacre à colorier des
cartes postales, notre roman est le roman naturaliste. On n’ouvre
pas un livre, pas un journal, sans y trouver des attaques et des
railleries contre la religion. La rue elle-même est remplie de
caricatures immondes. Là-bas, dans sa Russie, Dostoïevsky est
profondément ignoré. C’est le moment où seul sur la colline de
Bayreuth au-dessus de l’Europe abaissée, au-dessus de l’Allemagne
qui se crève d’or et de bonne chère, Richard Wagner confesse le
Christ sous sa forme sacramentelle.

A gauche. -C’est admirable!

A droite. -Certainement c’est admirable! Songez à ce qu’est
Richard Wagner, ce fils d’un pauvre acteur, échappé comme un rat
d’un égout du sous-sol d’un théâtre, ce chef d’orchestre ambulant,
ce bohème, cet out cast, sans formation religieuse, sans éducation
morale, dans le pays de Luther et de Kant, livré sans défense à
toutes les erreurs, à toutes les passions, mais au-dessous de
toutes les paroles il écoute, au-dessous de tous les blasphèmes,
de toutes les discussions et de toutes les théories, il est sauvé
par cette voix qui l’appelle, la voix de la musique, cet accent du
Paradis Perdu, cette proposition de mystère, le souvenir de Dieu,
un appel d’une douceur et d’une tristesse déchirante! Et alors ce
n’est pas seulement aux Filles-Fleurs et à Mathilde Wesendonk
qu’il lui faut échapper, c’est aux thiases infiniment plus
frénétiques et plus redoutables des artistes, des journalistes,
des professeurs à lunettes et des pasteurs à fraises!

A gauche. -Vous oubliez le plus cruel ennemi de Wagner, Richard
Wagner lui-même. Au moment même où Parsifal est représenté, il
écrit Religion und Kunst et se livre dans les Bayreuther Blaetter
à un débordement d’inepties.

A droite. -Le génie a souvent de tristes compagnons. Je pense à
celui qui assumait souvent l’apparence de Richard Wagner, à ce
nain clignotant, coiffé d’un béret de velours, affublé à la
manière d’une vieille grue viennoise et bataillant avec une épée
de théâtre pour le « Musique de l’avenir » contre des entrées de
betteraves animées et de navets dansants! Je pense à vous, mon
cher Jules!

A gauche. -Merci!

A droite. -Quand l’art n’est plus là pour imposer sa règle
terrible, quelques gambades sont excusables. Ça ne fait rien. Il a
passé à travers ça, il a passé à travers le matérialisme et le
bouddhisme et le protestantisme et le nationalisme et Schopenhauer
et Kundry et les ennemis et les admirateurs; il a dépassé le rêve
et il a trouvé la présence réelle! Il n’y a plus qu’à se mettre à
genoux devant le Saint-Sacrement et à regarder, il va mourir, il
communie! Les extravagances mêmes de Parsifal, je ne lui en veux
pas. C’est la boue des mauvais chemins dont le pauvre pèlerin est
tout couvert.

A gauche. -J’ai plaisir comme vous à penser que les deux hommes,
les deux incomparables amis à qui Wagner a dû son triomphe en ce
monde sont deux catholiques, l’un l’abbé Liszt et l’autre le
magnanime souverain de Bavière, Sa Majesté Louis II.

A droite. -Les grands hommes sont des paraboles vivantes. Ne peut-
on penser que la vocation de Wagner est l’image de celle de
l’Allemagne? Son oreille est tendue à autre chose que des paroles.
Pays au milieu de l’Europe sans visage et que l’on n’arrive à
comprendre que par ce génie qui l’empêche de parler, et sa
littérature s’effume tout de suite en mystagogies inconsistantes.
On est tenté de lui dire comme Dante à Nemrod au fond de la
Malebolge « Prends ton cor, Géant, et soulage ton âme chargée! »

A gauche. -Cela est vrai, même à ne regarder que le côté purement
technique et artistique. Les qualités qui font défaut à la
littérature allemande, le suc, la vie, tout d’abord, la flamme, la
fraîcheur du vrai, le bon sens et le discernement, la fine et
forte appréciation de l’objet, la domination de soi-même, la
volonté et la raison toujours présente fût-ce au sein de
l’ouragan, le sens des vastes mouvements unanimes et de la grande
composition qui ne range pas des idées mortes dans un ordre
pédantesque, qui ne mutile pas et ne contraint pas ce que
j’appelle la sous-création mais qui, au contraire, la provoque et
la fait jaillir et multiplier de toutes parts en une discipline
spontanée et en toutes sortes d’inventions merveilleuses, elles ne
manquent pas d’une manière plus signalée à Goethe et à Schiller
qu’elles ne sont magnifiquement proposées à notre admiration et à
notre étude dans Bach, dans Haendel, dans Beethoven et dans
Wagner. En ce langage seul des sons pour s’adresser au monde
entier l’Allemagne a été maîtresse. Chaque pays après tout a sa
vocation, en est-il une plus belle que celle-ci?

A droite. -La voie que ses musiciens lui montrent et que Richard
Wagner a suivie d’un bout à l’autre, celle des artistes et non pas
celle des professeurs et des philosophes, c’est celle-là qui est
la bonne.

Mais nous sommes arrivés, au revoir! Paul Claudel.
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En auto par un soir d’automne sur une route du Japon.


A droite. -Mon cher Jules, je vous demande pardon de vous tirer de
votre somnolence, mais j’ai énormément de choses à vous dire.

A gauche. -Je suis tout oreilles.

A droite. -Vous souvenez-vous de cette conversation que nous eûmes
à Lausanne en 1915 avec Stravinsky?

A gauche. -A propos de Wagner, je suppose...

A droite. -Le reproche que Stravinsky adressait à la musique de
Wagner...

A gauche. -C’est une pâte, -disait-il. -Je me souviens.

A droite. -Il n’y a jamais un son pur. Tout est amalgamé. Jamais
n’est donnée à l’oreille la fête d’un timbre limpide. On n’entend
jamais une flûte, ou un alto, ou la voix humaine, mais un mélange
de tout cela.

A gauche. -D’abord n’y aurait-il pas deux musiques, l’une active
et l’autre passive, l’une qui est voix et l’autre qui est oreille,
une musique qui écoute?

A droite. -Nous discuterons cela tout à l’heure. Je vous en prie,
ne lancez pas sous mes pieds cette pomme d’Atalante!

A gauche. -Ce reproche du Russe, je l’ai retrouvé plus tard sous
la plume de Debussy. Il prétend que souvent chez Wagner il est
impossible de distinguer le violoncelle de la clarinette.

A droite. -Si vous voulez mon sentiment, c’est la même chose que
si on blâmait un homme d’avoir une voix de basse au lieu d’une
voix de ténor.

A gauche. -Toutefois l’énervement de Debussy est explicable. Un
artiste a son goût à lui, il a besoin, il attend certains sons,
certaines idées, certaines couleurs, et il en veut au confrère qui
ne lui en fournit pas.

A droite. -C’est drôle, pourquoi est-ce que je pense à Wagner ce
soir? D’où me vient le sombre écho de cette musique qui jadis
m’empoisonnait le coeur, du fond d’un passé là-bas plus lointain
que la mer et que l’Asie? Est-ce le vent dans ces grands arbres
dépouillés? Est-ce ce couchant dramatique qui là-bas ensanglante
l’horizon?

A gauche. -Si chaque homme a un son de voix particulier, c’est
qu’il l’accorde sur un certain diapason intérieur.

A droite. -Que voulez-vous dire?

A gauche. -Tout peintre a une certaine couleur préférée ou plutôt
fondamentale, un certain rapport, par exemple, chez Delacroix, le
cri du rouge contre le vert, et ce bleu-jaune chez Véronèse. De
même chez le musicien il y a un certain timbre vital à quoi tout
le reste vient s’accorder.

A droite. -Alors pour Wagner il n’y a pas de doute, ce timbre
vital, cette Ur-mélodie, cet instrument essentiel que tous les
autres viennent enrichir et amplifier, c’est le Cor.

A gauche. -Vous rappelez-vous quand nous étions enfants à Bar-le-
Duc, le soir près du canal, comme nous l’écoutions derrière les
sapins, là-bas au fond de la forêt?

A droite. -Précisément le Cor a pour caractère de ne pas donner un
son pur. Son rauque appel, ou, comme dit Baudelaire, ses fanfares
étranges, sont toutes chargées d’harmoniques.

A gauche. -Le Cor est l’instrument romantique par excellence.
Arnim, Weber, de Vigny. Et le seul intérêt de la pièce en France
qui inaugure le théâtre romantique est le Cor qu’on entend à la
fin et qui détermine la résorption des personnages.

A droite. -Vous oubliez cette phrase poignante de la Huitième
Symphonie (qui d’ailleurs est tout entière dominée par le Cor
soutenu des sombres colorations de la contrebasse), ce rauque
sanglot, le passé avec nous, ce qui est à la fois et ce qui n’est
plus, ce qui n’a jamais été! un signal du côté de là-bas avec un
accent de douleur et d’interrogation!

A gauche. -La Huitième Symphonie, me disiez-vous, est le Défi à la
Vieillesse.

A droite. -Oui, il y a cela, c’est cela et autre chose.

A gauche. -Ainsi le Cor serait l’instrument du Passé?

A droite. -Plus que le passé, l’irréparable! le coucou dans la
forêt, ces choses que nous avons perdues et que nous ne reverrons
plus jamais, les choses que nous avons manquées sans le savoir,
cette étrange voix qui dit notre nom en vain, le paradis de
tristesse, l’amour aux prises avec le temps, le château dans la
montagne, ces délices derrière nous dont nous sommes séparés par
une distance infranchissable! cette étreinte mortelle.

A gauche. -Déjà dans Beethoven...
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A gauche. -Et alors il réunit tous ses efforts pour la catastrophe
dont vous avez si bien parlé tout à l’heure (ou était-ce moi?)
L’idée d’une catastrophe, je veux dire une belle, une vraie, pour
les Allemands, elle est aussi transportatoire que celle de la
Révolution l’était autrefois pour les Français.

A droite. -C’est ici qu’on regrette de ne pas savoir lire la
musique et de promener des yeux impuissants sur ces grandes pages
carrées couvertes de hiéroglyphes! A la scène c’est un vacarme où
l’on ne distingue rien, des flammes qui jaillissent dans des
tourbillons de poussière, des thèmes vertigineusement empilés qui
s’écroulent l’un sur l’autre comme des montagnes d’assiettes sur
des millions de bouteilles fracassées et Brunnhilde tout en bas
qui hurle silencieusement la bouche toute noire en agitant une
lance au bout de son bras gras! Ce n’est pas seulement cela! Je
voudrais être un prédicateur pour dire Regardez, chrétiens! C’est
un des plus grands génies que la terre ait portés qui constate son
impuissance, l’imagination impuissante à recréer l’Éden, la Force
se débattant sur elle-même et incapable de s’arracher du flanc le
trait invisible de l’amour!

A gauche. -Le Cor s’est tu.

A droite. -Mais les cloches déjà commencent à se faire entendre.

A gauche. -Tannhäuser! le terme de ton pèlerinage approche!

A droite. -Si nous avions un peu le sens de la véritable poésie,
combien la vie de Richard Wagner nous paraîtrait plus merveilleuse
que celle de l’amant de Vénus!

A gauche. -Déjà la rambleur de Tokyo commence à rougeoyer dans le
ciel noir. Cher maître! ne me ferez-vous pas grâce de votre
développement sur Parsifal! Je sais tellement ce que vous allez
dire. Et il m’est venu en vous écoutant deux ou trois idées dans
la tête auxquelles je voudrais réfléchir.

A droite. -Je vais vous étonner, mais je n’ai jamais entendu
Parsifal. Je ne connais que l’ouverture et la scène religieuse de
premier acte, c’est beau! Et l’Enchantement du Vendredi-Saint que
je n’ai pas compris.

A gauche. -Pourquoi n’êtes-vous jamais allé entendre Parsifal?

A droite. -Pourquoi faire? J’étais devenu catholique, qu’est-ce
que Parsifal pouvait m’apprendre? J’en savais plus long que
Wagner. N’importe quel bon enfant du catéchisme en sait plus long
que Wagner. Vous vous rappelez ces mots qui figuraient au dernier
numéro de la Revue Wagnérienne d’Édouard Dujardin « II y a quelque
chose de plus beau que Parsifal, c’est n’importe quelle messe
basse dans n’importe quelle église. » II y a des choses qui pour
l’homme en route sont des approximations méritoires et qui pour
l’homme arrivé sont des déformations sacrilèges. Montsalvat était
un terme pour Wagner, pour moi c’était un point de départ.

A gauche. -II est vrai, cette ouverture, que c’est beau! Il n’y a
pas besoin d’entendre le reste. A la main gauche c’est encore le
Rhin ou les murmures de la forêt, mais la main droite articule
nettement et presque théologiquement les trois thèmes de la foi,
de l’espérance et de l’amour.

A droite. -Elle est donc obtenue, l’Erloesung que réclamait cette
grande âme, et que ni Isolde ni Erda n’ont pu lui procurer, elle a
passé à travers les prestiges de Vénus, à travers le maléfice des
nains et la muraille des géants. Votre critique est bien injuste.

A gauche. -Comment y verriez-vous autre chose que ma profonde
tendresse? Wagner est un héros. La vie des autres artistes du XIXe
siècle est une ébauche, lui seul a fourni la carrière d’un bout à
l’autre. Même cette foi dans les loques ridicules que le théâtre
mettait à sa disposition parmi lesquelles il était aussi à son
aise qu’un matelot au milieu du goudron et des cordages, comme
c’est naïf et touchant! Il ne discutait pas plus les praticables
et la toile peinte, les animaux empaillés et les demoiselles qu’on
enlève vers les cintres avec une ficelle au derrière, que Michel-
Ange ne chicanait le marbre de Carrare. Il croyait! telle est la
force et la masse de ce magnifique génie, que, quand il donne à
fond, nous sommes emportés les pieds par-dessus la tête.
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A droite. -Certainement dans le Faust il y a de la grandeur et de
l’imagination, mais c’est une imagination lugubre. Le paysage est
désolé. Il y a une atmosphère de désespoir, de calamité et
d’égarement, une ambiance de cimetière et de maison de fous. Inter
mortuos liber, comme dit le Psaume. Nous nous promenons au milieu
des simulacres... Cette espèce de réalité soustraite aux
personnages qui en fait des fantômes affreux! Tout le monde a
vendu son âme. C’est l’enfer de Swedenborg, l’intérieur de la
bouteille aux fantômes, la hideuse constatation de l’inconsistance
générale. Et quelle effroyable bouffée de temps en temps de
corruption et de renfermé comme les caves de la Judengasse! Goethe
n’a de talent que quand il est inspiré par Méphisto. Et voilà
l’homme qu’on nous donne comme le représentant de la beauté et de
la sérénité classiques!

A gauche. -Tout finit par les lémures fossoyeurs. C’est déjà
quelque peu la Tétralogie, ce Ragnarok qui, depuis l’Edda, est à
l’horizon de toutes les imaginations germaniques, et dont ils se
donnent pratiquement de temps en temps, comme l’histoire nous le
prouve, la représentation anticipée, fût-ce à leurs propres
dépens.

A droite. -On dirait positivement qu’au début du XIXe siècle on a
rendu de la chaîne au vieux Prisonnier et que toute la littérature
a été envahie par l’émanation Satanique. Pensez par exemple aux
Anglais, à Byron, à Beddoes, à Coleridge, à Quincey et jusqu’au
doux Shelley, on se demande comment ce personnage laiteux a pu se
confiner volontairement pendant des mois dans une atmosphère comme
celle des Cène!

A gauche. -Pour moi, mon objection principale contre Goethe est
que c’est froid, et plus que froid, comme vous dites: inanimé. On
croirait positivement que l’histoire de Faust est vraie et qu’il a
vendu son âme à quelqu’un. Mais l’âme, c’est gênant de s’en passer
pour un homme de lettres. Comment faire pour procéder ensuite à
nos petits travaux?

A droite. -Egmont et les autres drames, c’est aussi mort que les
tragédies de Voltaire, des dialogues de cadavres! Le divan
Oriental-Occidental ne se sauve que par un petit côté phislistin
et Biedermeyer assez rafraîchissant on dirait un fez sur la tête
d’un épicier de Cannstatt! Iphigénie en Tauride, si admirée par
Maurice Barrès, ressemble à l’art grec à peu près comme un plâtras
de Thorwaldsen ressemble à Praxitèle! Les Conversations avec
Eckermann...
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A droite. -Hélas, hélas, trois fois hélas! quelle route, quelle
route pour y arriver! A peine avons-nous quitté le Roc Ardent que
la pluie commence. Vous savez, c’est comme les derniers jours des
vacances quand le déluge engloutit tout le merveilleux territoire
où nous avons si longtemps erré et rêvé. Avec la Goetterdaemmerung
aux âges d’argent, de bronze et d’or a succédé l’âge de fer, la
froide humidité de novembre. Comme ce pauvre Wagner a dû s’ennuyer
à manoeuvrer tous ces corps sans vie et à tricoter mécaniquement
tous ces thèmes en un lugubre pensum pour lequel il semble avoir
reçu les conseils de Beckemesser! Il est tellement détrempé et
découragé que même d’excellentes idées comme Siegfried revenant et
essayant d’amener Brunnhilde qu’il ne reconnaît plus à un époux
adultère, ça ne l’excite plus, il n’en tire point parti. Il
déblaye! il déblaye!

A gauche. -Encore le premier acte, c’est la pluie sur le Hartz ou
le Taunus, mais le deuxième acte, c’est la pluie sur un champ de
betteraves!

A droite. -Vous vous rappelez tous ces Gibichung avec leurs cornes
sur la tête et leurs courroies en losanges? Et ces deux navrants
petits choeurs comme des excursionnistes sous la tempête dans
leurs imperméables qui essayent de se donner du courage en
exécutant des airs patriotiques?

A gauche. -Les plus grands poètes ont leurs effondrements. La
Grâce n’y est plus et ils n’ont pas assez d’habileté pour donner
le change. Rappelez-vous Henry VIII et Mesure pour Mesure. Peut-on
imaginer quelque chose de plus morne et de plus inutile? et
quelque chose de plus bâclé et de plus bousillé que Roméo ef
Juliette, écrit dans un plus abominable jargon? Si Shakespeare
n’avait fait que des choses de ce genre, et il en a fait pas mal,
comme on comprendrait le jugement de Voltaire

A droite. -Le génie revient au troisième acte comme un coucher de
soleil. Siefgried se souvient de Brunnhilde et Wagner se rappelle
qu’il a du génie. Notre grand Wagner! Comme c’est amer et
poignant! Nous l’écoutons le coeur tordu et les larmes aux yeux.
Toute notre jeunesse a suivi le cortège de Siegfried.
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Vidéo de Paul Claudel
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Les Jeux olympiques de littérature Louis Chevaillier Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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