Les peuples guerriers de l'antiquité dévoient pour la plupart à leur situation leur esprit belliqueux. Divisés en petites peuplades, ils se disputaient à, main armée un territoire resserré.
Poussés par la nécessité les uns contre les autres, ils se combattaient ou se menaçaient sans cesse.
Ceux qui ne voulaient pas être conquérants ne pouvaient néanmoins déposer le glaive sous peine d'être conquis. Tous achetaient leur cureté, leur indépendance, leur existence entière au prix de la guerre.
Le monde de nos jours est précisément, sous ce rapport, l'opposé du monde ancien.
Tandis que chaque peuple, autrefois, formait une famille isolée, ennemie née des autres familles, une masse d'hommes existe maintenant, sous différents noms et sous divers modes d'organisation sociale, mais homogène par sa Elle est assez forte pour n'avoir rien à craindre des hordes encore barbares. Elle est assez civilisée pour que la guerre lui soit à charge. Sa tendance uniforme est vers la paix. La tradition belliqueuse, héritage de temps reculés, et surtout les erreurs des gouvernements, retardent les effets de cette tendance ; mais elle fait chaque jour un progrès de plus. Les chefs des peuples lui rendent hommage; car ils évitent d'avouer ouvertement l'amour des conquêtes, ou l'espoir d'une gloire acquise uniquement par les armes.
Lorsque les hommes qui disposent des destinées de la terre se trompent sur ce qui est possible, c’est un grand mal. L’expérience, alors, loin de les servir, leur nuit et les égare. Ils lisent l’histoire, ils voient ce que l’on a fait précédemment, ils n’examinent point si cela peut se faire encore ; ils prennent en main des leviers brisés ; leur obstination, ou, si l’on veut, leur génie procure à leurs efforts un succès éphémère ; mais comme ils sont en lutte avec les dispositions, les intérêts, toute l’existence morale de leurs contemporains, ces forces de résistance réagissent contre eux ; et au bout d’un certain temps, bien long pour leurs victimes, très court quand on le considère historiquement, il ne reste de leurs entreprises que les crimes qu’ils ont commis et les souffrances qu’ils ont causés.
La peur est un mauvais conseiller, là surtout où il n'y a pas de conscience : il n'y a dans l'adversité, comme dans le bonheur, de mesure que dans la morale. Où la morale ne gouverne pas, le bonheur se perd par la démence, l'adversité par l'avilissement.
Cité dans Les Mémoires d'outre-tombe de François-René de Chateaubriand.
Bélinda Cannone, Pourquoi aimez-vous Adolphe de Benjamin Constant ?
Bélinda Cannone nous parle de Adolphe de Benjamin Constant au théâtre de l'Odéon.