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Bernard Pingaud (Préfacier, etc.)Samuel Silvestre de Sacy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070366446
336 pages
Gallimard (09/12/1974)
3.65/5   153 notes
Résumé :
Dominique a longtemps été classé comme un chef-d'œuvre du "roman psychologique".

L'œuvre n'est-elle pas comme hantée par le souvenir d'un amour de jeunesse? Mais cette tradition n'est pas conforme à la vérité. Dominique, nous révèle Pierre Barbéris, est aussi fondamentalement un des plus grands romans politiques de la littérature française, un roman de l'Histoire et un roman dans l'Histoire.

Ancien combattant de 1848 et de tout un "roma... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
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Vont-ils enfin faire l'amour ?
Vont-ils enfin s'en sortir ?
Je n'aime pas trop les romans de passion ( c'est plus qu'un roman d'amour ), car j'ai souffert comme Dominique, et peut être comme Eugène, … mais j'ai été séduit par la couverture du livre !
Le scénario est bien construit, et va crescendo. Dominique, homme mûr, exploitant agricole du XIXè siècle, expose au narrateur sa passion amoureuse qu'il a eue pour Madeleine. Cette passion durera une dizaine d'années, entre ses 17 et 27 ans, environ.
.
Le début est celui d'un roman d'atmosphère ( je déteste, car il n'y a pas d'action ) provincial, où il est question de vignes et de chasse. Ce qui m'agace, c'est qu'on ne sait ni où l'on est ( connaît t-on une région française avec des vignobles, la mer, et des falaises ? ), ni en quelle date, mais peu importe…
Puis vient le flash-back, la naissance de la passion non déclarée, car Dominique est timide, puis, alors que Madeleine se marie, Dominique serait prêt à tout dire, mais il y a maintenant le tabou du mariage. Elle le prend comme son meilleur ami, et c'est terrible pour lui.
Enfin, plus tard, il s'aperçoit qu'elle l'aime aussi…

Les sentiments des deux protagonistes, qui se voient à intervalles irréguliers, me semblent très bien décrits et j'apprécie douloureusement le crescendo des sentiments, avec pas mal de destruction, comme souvent dans la passion.
.
Le sentiment que j'ai est celui d'une certaine oppression, avec une trame de "devoir plus fort que la passion", un peu comme La Princesse de Clèves, et une analyse psychologique fine qui rappelle Paul Bourget, ou " le mépris" d'Alberto Moravia.
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le Roman Pastoral, Eugène Fromentin,
un amour de jeunesse dans «Dominique»

A /

La pastoral est un thème littéraire datant de l'antiquité (nostalgie des citadin pour la nature et, par extension, pour un passée mythique ou l'empreinte de l'homme sur la nature était nulle) évoquant une forme d'harmonie originelle entre l'homme et la nature.
Pastorale est une nouvelle de Marcel Aymé.
En peinture : le thème pastorale est particulièrement en faveur dans la peinture française aux 17e et 18e siècles.

Le genre pastoral ce définit par trois caractéristiques communes qui définisse avec précision ce genre.
1- Les personnages sont des bergers non pas de misérables gardiens de troupeaux mais des fils et filles de personnes bien nés qui ont choisi de vivre à la campagne loin des intriques et des envies

2- Les personnages passent leur temps à parler de l'amour, soit d'une façon quelque peu abstraite évoquant la fidélité, les devoirs de l'amant..., soit en racontant leurs amours malheureux. La chasteté des rapports amoureux va de soi.

3- Les personnages disparaissent pratiquement du récit lorsqu'ils sont mariés


Les trois caractéristiques précédentes montrent que la littérature pastorale est une littérature d'évasion, par laquelle le lecteur ou la lectrice peut rêver à ce qu'aurait pu être sa vie sentimentale dans un monde sans intrigues, sans envies et sans problèmes matériels.

La littérature pastorale s'inspire de deux sources, l'un de la littérature antique dont les auteurs les plus marquants sont Théocrite ( vers -300 av. J.C. ) et Virgile, l'autre pour des relations homme/femme, avec de la littérature courtoise (dénouement de l'amant à la dame, fidélité requise, chasteté)

Il est préférable de parler de «littérature pastoral» parce que le genre comprend des noms et des pièces de théâtre.

(Le roman dont l'Astrée 1607 - d'honoré d'Urfé, le retour à la nature était en vogue au 18e siècle qui permet de noter l'influence de la littérature pastoral, il faut noter que Marie-Antoinette aimait beaucoup la lecture de l'Astrée et qu'elle fit construire alors le hameau du Trianon à Versailles en 1783. Au 20e siècle le genre tombe dans l'oubli. L'Astrée n'est pas édité une seule fois du siècle, devenant communément introuvable jusqu'en 2006 rendu disponible sur internet. En 2007, le cinéaste Eric Rohmer réalise de ce livre une adaptation filmique sous le titre «Les amours d'Astrée et de Céladon» Il redonne par là à la culture collective française la mémoire d'un pan de son histoire littéraire.

B/

Eugène Fromentin est né, en 1820. On observe un renouveau d'intérêt assez général pour
l'écrivain aux replis subtils qui à conçu «Dominique (1862-1863)» et pour l'incomparable auteurs «des maîtres d'autrefois (1862-1863)» cet ouvrage connaît un succès considérable et nombreuses rééditions et une des meilleures études de critique d'art, en particulier pour les pages sur Rembrandt et Rubens sur la peinture hollandaise et flamande (récit d'après un voyage de quelques jours en Belgique et en Hollande)

La peinture de Fromentin n'est qu'une facette de son génie qui s'est aussi manifesté dans la
littérature avec moins de profusion.

Le style de Fromentin en peinture est influencé par Eugène Delacroix. Ses oeuvres se distinguent par leur composition frappante, leur dextérité et l'utilisation de couleurs brillantes. Elles traduisent la grandeur inconsciente des attitudes barbares et animales.

En 1846, à l'insu de sa famille, il visite l'Algérie avec deux amis et peut ainsi remplir ses carnets de croquis des paysages et des habitants de l'Afrique du Nord, s'inscrivant en cela dans le mouvement de l'orientalisme.

Inspiré par une idylle de son adolescence, «Dominique», publié pour la première fois dans la
revue des deux mondes et dédicacé à Georges Sand, est, parmi les roman autobiographique
de son siècle, l'un des plus remarquables.


C/

Quelques-uns des premiers manuels de Fromentin contiennent des griffonnages, petits
soubresauts artistiques d'une époque où sa formation était surtout littéraire.

Lorsqu'il eut 16 ans, Eugène eut le bonheur d'avoir un professeur exceptionnel, une des ces
figures qui souvent, traversent la jeunesse des grands artistes et intellectuels :
«Léopold Delayant» qui dirigeait aussi la bibliothèque Municipale de la Rochelle. Il eut pour son élève une affection et une estime durable. Il écrivit dans une note, conservé à la bibliothèque
Municipale de la Rochelle : «Il donna de bonne heure de justes espérances. Il ne se distinguait pas seulement par sa vive intelligence, mais par un talent plus rare dans un élève, celui d'écouter»

Ainsi, cet homme qui allait se rendre célèbre par son éloquence «On l'écouterait toute la vie»
disait Georges Sand - commença par écouter avec une exceptionnelle intensité son professeur,
ses parents, mais avant tout «la nature»...

Mais, incontestablement, les liens les plus importants de ces années de collège n'étaient pas d'ordre familial ou amical : Il s'agissait d'une aventure avec une femme mariée.

On sait aujourd'hui que c'est Jenny-Caroline-Léocadie Chessé mariée à Emile Béraud, employé des contributions indirectes et membre d'une famille de notable de la Rochelle, quatre jours seulement avant le quatorzième anniversaire de Fromentin, qui allait par la suite inspirer au jeune homme sa première passion romantique. Bien qu'on eu affirmé que cette relation resta platonique, tous les témoignages qui subsistent suggèrent fortement le contraire.

Léocadie Chessé née à l'iles Maurice quatre ans avant Fromentin, vivait avec sa mère veuve,
à Saint Maurice, c'est à dire non loin de Fromentin. le père d'Eugène avait été témoin de son
mariage. Bien que plus proche de Charles (frère d'Eugène) par son âge, elle avait toujours été plus attachée à Eugène. Il est improbable que celui-ci ait perçu l'intensité de ses sentiments pour elle avant son mariage. Une fois mariée, elle continua à le voir en public et en privé. Les parents
d'Eugène s'inquiétaient de leur intimité. Celle-ci s'était particulièrement développée pendant une
interruption d'un an dans les études de leur fils, après qu'il eut remporté tous les prix au collège de la Rochelle. Ceci contribua à leur décision de l'envoyer à Paris faire des études de droit.
L'affection de Fromentin pour Léocadie apparaît en détail dans «Dominique» modifiée et recréée d'une façon tout à fait intéressante.

En s'engageant sur une voie si contraire aux critères établis de la société, s'épanouissant
sexuellement et émotionnellement quand précisément, il s'isolait socialement, ce jeune homme d'un naturel timide cultivait, non sans une certaine perversité, des ressources cachées qui allaient modeler les plus significatifs de ses accomplissement esthétiques et critiques. Si, en apparence, il parvenait toujours à être un fils modèle une partie importante de son être intérieur était dangereusement pris de devenir quelque chose d'autre : Un artiste

Ses sentiments romantiques pour Léocadie stimulèrent sans aucun doute son éveil artistique.
Malgré quelque dessins, les tentatives littéraires prévalaient. de l'âge de 15 ans jusqu'à 20 ans passés, il écrivit des poèmes sans effort. Beaucoup de ses poèmes étaient inspirés par Léocadie Béraud et en fait beaucoup lui furent envoyés. L'influence dominante qui s'exerçait sur
Fromentin était probablement celle de Victor Hugo. Certains, des poèmes se rapportent aux
enfants de Léocadie. L'un de ses poèmes, «Noémi», décrit le développement de l'enfant qu'elle
espérait avoir -«Teint brun, dans le regard un peu de sang créole» - et relève également la conscience qu'avait Fromentin du style anglais par l'intermédiaire de la poésie et de l'estampe.

Vous avez bien souffert, n'est-il pas vrai, madame ?
Beaucoup en peu de temps, oh ! beaucoup ! Pauvre femme,
A cette heure où j'écris votre corps est brisé,
La fièvre anime encore votre pouls épuisé,
Et votre front qui cherche une obscurité douce,
Reste encore ébranlé de l'horrible secousse,...
Votre coeur seul, ô mère, a gardé, triomphant,
Des forces pour répondre aux cris de votre enfant.
...




Parmi les meilleurs poème de ses débuts figure le sonnet «Un nuage qui passe» dans lequel les deux quatrins offrent la description d'un nuage qui vient momentanément assombrir une belle journée et qui est composée dans les tercets à la tristesse vue au milieu de la joie. le début est
particulièrement expressif :

«Souvent, par un beau jour, quelque nue incertaine,
Sale et triste, égarée, au fond du ciel serein,
Passe sur votre tête ; et son aile qui traîne
Vous jette une grande ombre et tache le chemin


Et, sur le sol ombré, tandis qu'il tombe à peine,
Un rayon à travers le nuage d'airain.
Un chaud soleil jaunit autour de vous la plaine.
Et les villages blancs vous rient dans le lointain.



Souvent de même aussi, sur le chemin des hommes,
Il advient qu'en passant par ce monde où nous sommes,
Où tout, vous le savez, n'est qu'heur et que malheur,

Nous voyons de ces fronts sur qui le chagrin sombre
Comme un voile a jeté sa pâleur et son ombre...
Tout autour d'eux, aussi, resplendit de bonheur

Eugène Fromentin., Mars 1838


D/

Une des trouvailles les plus significatives reliant le peintre et l'écrivain chez Fromentin est un
dessin, récemment retrouvé, qui offre la seule représentation certaine que l'artiste ait réalisée du grand amour de son adolescence, «Léocadie Béraud». Après la mort tragique et prématurée en juillet 1844 de celle qu'il allait inspirer la Madeleine de «Dominique» tout témoignage de cette liaison à été détruit. Il en est resté cependant, ce dessin vaporeux dont un ami de Fromentin Félix Sainton, s'est servi pour peindre une miniature ovale de Léocadie Béraud en 1845


C'est une oeuvre inexpressive.
Assise sur une chaise-Longue, la jeune femme à un air passé, ses longs cheveux noirs «relèves sur la nuque» comme ceux de Madeleine
(Dominique Chapitre VI)

En revanche, il a bien saisi les yeux bleus et rêveurs de Léocadie Béraud ainsi que son nez aquilin et sa petite bouche fine et ferme. La tête qui s'incline légèrement en avant, d'une manière vivace et alerte, ajoute à l'impression dominante d'un être à la fois sensible et volontaire.



E/

En évoquant sa bien aimée, Fromentin à adopté une technique qui confère mystère et beauté au visage de la jeune femme. Entouré, d'ombre, ses yeux rayonnent et sa petite bouche fine est à la fois qu'un croquis, ce dessin fait valoir le «Large et éclatant regard» (Dominique Chapitre XIII ) qui revient, à de nombreuses reprises, dans la représentation de l'héroîne de «Dominique» : c'est un regard tendre et en même temps sondeur de secrets. Après avoir contempler ce dessin, on comprend mieux les émotions «de douleur et de joie» éprouvées par le héros éponyme du roman, lorsqu'il considère le portrait de madeleine et fait état de ce «fantastique entretien d'un homme vivant et d'une peinture» (Dominique - Chapitre XVI )

Il n'est pas impossible que le dessin qui subsiste soit une étude préparatoire en vue d'une miniature ou d'un tableau de Fromentin, que Sainton aurait copié avant que cette oeuvre ne soit détruite : Déjà ces images constituent un accompagnement iconographique au compte rendu, dans «Dominique» du portrait de Madeleine au Salon.

Tous les détail ne correspondent pas, mais, dans l'ensemble, la similitude est frappante:

Ce portrait coupé à mi-corps conçu dans un style ancien, avec un fond sombre, un costumes indécis, sans nul accessoire : deux mains splendides, une chevelure à demi perdue, la tête présentée de face, ferme de contours, gravée sur la toile avec une précision d'un émail, et modelée, je ne sais dans quelles manière sobre, large et pourtant voilée, qui donnait à la physionomie des incertitudes extraordinaires, et faisait palpiter une âme émue dans la vigoureuse incision de ce trait aussi résolu que celui d'une médaille (Dominique chapitre XVI )

Dans le roman, «Dominique» confirme l'identité du modèle en trouvant dans le livret les initiales de Madeleine de Niévres. Mais il n'avait pas besoin de ce témoignage, surtout à cause des yeux,
l'indéfinissable dessin de la bouche donnaient à cette muette effigie des mobilités qui (lui) faisaient peur. (Dominique chapitre XVI )

Le mystère qu'Eugène Fromentin à volontairement entouré le personnage de Madeleine, idéal rêvé aussi bien qu'amour impossible...

Pour découvrir cet article dans son intégralité, vous-pouvez le retrouver sur www.PhRPeinture.fr
( Recherche sur Google.fr = Accueil mon Site Web ) et trouver dans le menu général « Les Peintres - Mes divers écrits »...

Article réalisé par : Philippe Rousseau












Article détaillé sur l'héroine du chef d'oeuvre d'eugéne fromentin le roman "Dominique" (premier grand amour de jeunesse avec Léocadie Béraud qui est morte tragiquement en juillet 1844 d'un cancer du sein.
Sainton (1815-1878) ami du peintre et son maître artistique (peintre) a éxécuté une miniature de léocadie beraud d'aprés un unique dessin d'eugéne fromentin de léocadie (voir LA VIDEO CONFERENCE du professeur Barbara Wright, critique ci-dessous)
L'article sur léocadie Beraud:
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1987_num_78_1_347677#

LA VIDEO CONFERENCE SUR EUGENE FROMENTIN :
http://www.bm-saintraphael.fr/podcast.html
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N°590– Juillet 2012.
DOMINIQUEEugène Fromentin (1863).

Ce roman est une sorte de récit-gigogne où le narrateur raconte comment il fait la connaissance, un peu par hasard, de Dominique de Bray avec qui il sympathise. Son nouvel ami, apprenant le suicide manqué d'Olivier d'Orsel avec qui il fit ses études, remonte le temps et narre à son tour son histoire personnelle en évoquant son enfance aux « Trembles », un domaine campagne où il étudie sous la direction d'Augustin, son précepteur, pour ensuite partir pour le collège où il rencontre Olivier. Dominique ne tarde pas à rencontrer une des deux cousines de ce dernier, Madeleine et, bien sûr, en tombe amoureux. Malheureusement il s'aperçoit qu'elle est promise à un autre, M. de Nièvres. Au moment du récit, Dominique et marié, père de deux beaux enfants, à la tête de son domaine et de sa commune, bref il semble heureux, en apparence seulement.

On peut aisément classer ce texte d'Eugène Fromentin , né à La Rochelle en 1820 et mort à St Maurice (faubourg de la Rochelle) en 1876, parmi les romantiques. C'est d'ailleurs l'unique roman de cet auteur, connu davantage comme peintre, critique d'art (« Les Maître d'autrefois ») et chroniqueur de ses propres voyages (« Un été dans le Sahara »(1854) et « Une année dans le Sahel »(1857). Il est admis que « Dominique » est un texte autobiographique puisque, au cours de ses études, Eugène tomba amoureux de Jenny-Caroline Chessé, une jeune fille de 17 ans, une voisine, mais cet amour fut sans suite puisqu'elle épousa Béraud, un modeste fonctionnaire de la Rochelle. Quand elle mourut à l'âge de 28 ans, il en fut bouleversé. En réalité, ce roman prit forme dans sa tête à l'âge de 22 ans et Fromentin attendit quinze années pour y mettre le point final, pour s'en libérer peut-être ? Dans ce texte, plein de sensibilités et d'émotions, Eugène Fromentin se livre à une analyse des sentiments amoureux de Dominique autant qu'à ses états d'âme tourmentés par la désillusion et la mélancolie dues à un amour déçu. En effet, le narrateur confesse « assister à sa vie comme un spectacle donné par un autre ». En, fait, il s'y ennuie. de plus, Dominique, amoureux d'une femme qui lui échappe souffrira et devra renoncer à sa passion. Madeleine qu'il aime profondément, sans le savoir au début, puis passionnément sans être payé de retour autrement que par une sincère amitié et une estime constante voit cette jeune fille devenue Mme de Nièvres lui échapper complètement [« Madeleine était perdue pour moi et je l'aimais »]. Quand il était en sa présence, cela tenait pour lui d'une apparition, d'un moment de félicité et il ne savait pas, compte tenu de ses sentiments, s'il était « torturé ou ravi », ce qui n'était pas sans provoquer chez lui des maladresses. Il est tellement déçu qu'il en vient à se mépriser lui-même[« En me démontrant que je n'étais rien, tout ce que j'ai fait m'a donné la mesure de ceux qui sont quelque chose »]. L'auteur précise même les choses plus avant « Tout homme porte en lui plusieurs morts ».
Mais ce récit est aussi un hymne à la nature, à la chasse, à la terre qui fait ici figure, pour Dominique, de remède à ce mal d'amour dont il souffre. le roman s'ouvre sur la présentation de Dominique en propriétaire foncier bienveillant, vigneron amoureux de sa terre, maire généreux et aimé de tous. Fromentin parsème son récit de descriptions picturales et poétiques, scènes champêtres ou paysages maritimes qui évoquent en lui le peintre influencé par Eugène Delacroix. On peut d'ailleurs aisément les mettre en perspective avec la psychologie du personnage principal. Dominique est obsédé par ce passé au point de se complaire dans l'évocation de cette vie qui semble s'être déroulée hors du temps et peut-être malgré lui et dans laquelle on sent qu'il ne s'est pas épanoui. Dominique a renoncé à tout, à une carrière littéraire prometteuse, à un rôle politique important, se cantonnant à un rôle de notable de province, à cause de cet amour contrarié. C'est un peu l'histoire d'un échec, une vie où il s'ennuie d'autant que Madeleine, sans céder en rien à cet amour impossible a parfois des attitudes équivoques. ll y a du « bovarysme » dans ce roman et Fromentin dissèque avec la précision d'un chirurgien l'âme de ce malheureux, ses pudeurs, ses hésitations, son insatisfaction, sa timidité maladive[«Je la fuyais. L'idée de lever les yeux sur elle était un trait d'audace »], son penchant pour la solitude.
Olivier en revanche se voue à l'hédonisme, mais lui aussi, dans un autre registre rate tout, jusqu'à sa mort. Pourtant, tout oppose ces deux amis puisque Julie, sa deuxième cousine, est amoureuse de lui mais il ne l'aime pas. L'amitié qui lie les deux hommes fait d'Olivier le témoin privilégié des tourments de Dominique qu'il tente d'apaiser, mais en vain. Seul Augustin, le précepteur de Dominique, semble se tirer d'affaire et vit un amour heureux.
George Sand à qui ce texte est dédié ne s'est pas trompée sur le talent de son auteur, non plus d'ailleurs que Sainte-Beuve qui salua lui aussi ce créateur polyvalent.

Eugène Fromentin est un écrivain injustement oublié à qui les Rochelais ont consacré un monument, une rue et un lycée de leur si belle ville mais qui, malheureusement n'est plus guère lu aujourd'hui [Je remarque que certaines éditions de ce roman sont illustrées de délicates aquarelles de Louis Suire ou d'eaux-fortes colorées de Henri Jourdain]. Au risque de paraître ringard et amoureux des choses surannées et dépassées à notre époque, je dis que j'ai aimé ce livre non seulement pour la pertinente analyse des sentiments, pour la peinture précise du caractère de chaque personnage, pour la description des lieux dignes du peinte qu'il était. Je note cependant que, malgré les temps qui changent, les choses qui évoluent, comme on dit, nous portons tous en nous une part de désillusions, des regrets, des remords, des illusions définitivement perdues ... Ce roman en est l'illustration, ce qui fait de lui une oeuvre authentique, même si la manière d'exprimer les choses a un peu changé.

Ce qui m'a fait aimer ce roman c'est peut-être avant tout parce qu'il est bien écrit. C'est toujours un plaisir pour moi de lire un texte d'un serviteur si attentif de notre belle langue française.
©Hervé GAUTIER – Juillet 2012.http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Dans ce roman si "classique" et pourtant si singulier, comme dans le poème (ou presque), tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et ... promesse illusoire de volupté. Mais si cette promesse n'est qu'illusoire, elle n'en est pas moins empreinte de ferveur et d'émois vertigineux. On peut aussi jouir de ce qui aurait pu avoir lieu et Eugène Fromentin, peintre, romancier et écrivain-voyageur, sait nous le faire ressentir grâce à une langue et un art de la narration tout-à-fait remarquables :

« Souvent je m'étais demandé ce qui arriverait si, pour me débarrasser du poids trop lourd qui m'écrasait, très simplement, et comme si mon amie Madeleine pouvait entendre avec indulgence l'aveu des sentiments qui s'adressaient à madame de Nièvres, je disais à Madeleine que je l'aimais. Je mettais en scène cette explication fort grave. Je la supposais seule, en état de m'écouter, et dans une situation qui supprimait tout danger. Je prenais alors la parole, et, sans préambule, sans adresse, sans faux-fuyants, sans phrases, aussi franchement que je l'aurais dite au confident le plus intime de ma jeunesse, je lui racontais l'histoire de mon affection, née d'une amitié d'enfant devenue subitement de l'amour.[...] »

Oui, il y a comme une sorte de plaisir régressif à se plonger dans la lecture de Dominique mais pourquoi diantre se priver de ce plaisir-là ?
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Voilà un livre qu'à peine ai-je commencé à lire et que je considère fort intéressant parce que la critique que j'ai trouvé dans 'l'Introduction' de M. Armand Hoog est magnifique. C'est pourquoi, j'ai decidé de la publier sur Babelio.
Il y a des livres (ou des morceaux d'un livre) qui porte en eux des gouttes d'âme de l'auteur qui exprime le mieux la nuance de notre esprit, la nuance de la conscience universelle. Il y a des morceaux de papier qu'on apprend facilement par coeur parce que notre âme s'y identifie. L'âme de l'écrivain a la 'peau de papier' parce que l'acte de l'écriture commence par tremper la plume dans son âme et finit par verser son âme sur le papier.
Un livre qui commence par ces mots ne peut être qu'un livre captivant et attrayant:
'Certainement je n'ai pas à me plaindre - me disait celui dont je rapporterai les confidences dans le récit simple et trop peu romanesque qu'on lira tout à l'heure - car, Dieu merci, je ne suis plus rien, à supposer que j'aie jamais été quelque chose, et je souhaite à beaucoup d'ambitieux de finir ainsi. J'ai trouvé la certitude et le repos, ce qui vaut mieux que toutes les hypothèses. Je me suis mis d'accord avec moi-même, ce qui est bien la plus grande victoire que nous puissions remporter sur l'impossible. Enfin, d'inutile à tous, je deviens utile à quelques-uns, et j'ai tiré de ma vie, qui ne pouvait rien donner de ce qu'on espérait d'elle, le seul acte peut-être qu'on en attendît pas, un acte de modestie, de prudence et de raison. Je n'ai donc pas à me plaindre. Ma vie est faite et bien faite selon mes désirs et mes mérites.'
Dans son Introduction*, M. Armand Hoog parle d'une 'rhétorique de la blessure' dans 'Dominique' et considère Fromentin comme 'ce champion de la nuance'.
Voilà une partie de la belle critique dont je parle:
{Dans la physiologie symbolique de Fromentin les blessures ne se cicatrisent pas. Ajoutez le martyre constant du coeur, thème fidèle du Saint-Sebastien romantique. La mythologie du coeur souffrant est suffisamment riche chez Fromentin: 'coeur orageux, martyrisé de chimères', 'coeur torturé et brûlant', 'coeur qui saigne', 'coeur blessé', 'coeur qui éclate', paroles qui se plantent 'dans (le) coeur comme un coup d'epée', on trouve de ces mots presque à chaque instant dans 'Dominique'. La douleur y bride le coeur, on s'y brise le coeur pour le forcer à battre plus doucement, on invite l'autre à vous retourner le coeur...[...]
Fromentin a trouvé d'amers bonheurs à peindre, chapitre après chapitre, cette immobilité d'un temps anesthesié, chloroformé, cataleptique. Temps pétrifié bien plus que conservé.}

* 'Dominique', Eugène Fromentin, Librairie Armand Colin (Bibliothèque de Cluny), Paris, 1959;
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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Il répétait à ce sujet qu'il n'est donné qu'à bien peu de gens de se dire une exception, que ce rôle de privilégié est le plus ridicule, le moins excusable et le plus vain, quand il n'est pas justifié par des dons supérieurs ; que l'envie audacieuse de se distinguer du commun de ses semblables n'est le plus souvent qu'une tricherie commise envers la société et une injure impardonnable faite à tous les gens modestes qui ne sont rien ; que s'attribuer un lustre auquel on n'a pas droit, c'est usurper les titres d'autrui, et risquer de se faire prendre tôt ou tard en flagrant délit de pillage dans le trésor public de la renommée.
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Certainement je n'ai pas à me plaindre - me disait celui dont je rapporterai les confidences dans le récit simple et trop peu romanesque qu'on lira tout à l'heure - car, Dieu merci, je ne suis plus rien, à supposer que j'aie jamais été quelque chose, et je souhaite à beaucoup d'ambitieux de finir ainsi. J'ai trouvé la certitude et le repos, ce qui vaut mieux que toutes les hypothèses. Je me suis mis en accord avec moi-même, ce qui est bien la plus grande victoire que nous puissions remporter sur l'impossible. Enfin, d'inutile à tous, je deviens utile à quelques-uns, et j'ai tiré de ma vie, qui ne pouvait rien donner de ce qu'on espérait d'elle, le seul acte peut-être qu'on en attendit pas, un acte de modestie, de prudence et de raison.
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Les bœufs rentraient du labour, et c’était le moment où la ferme s’animait. Accouplés par deux ou trois paires,- car à cause de la lourdeur des terres mouillées on avait du tripler les attelages, - ils arrivaient traînant leur timon, le mufle soufflant, les cornes basses, les flancs émus, avec de la boue jusqu’au ventre. Les animaux de rechange qui n’avaient pas travaillé ce jour-là mugissaient au fond de l’étable en entendant revenir leurs actifs compagnons. Ailleurs, c’étaient les troupeaux déjà renfermés qui s’agitaient dans la bergerie ; et des chevaux piétinaient et hennissaient, parce qu’on remuait du fourrage, au dessus de leurs mangeoires.
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Je me suis mis d'accord avec moi-même, ce qui est bien la plus grande victoire que nous puissions remporter sur l'impossible.
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Je me mis à courir comme un fou, en pleine nuit, emportant comme un lambeau du cœur de Madeleine, ce paquet de fleurs où elle avait mis ses lèvres et imprimé des morsures que je savourais comme des baisers.
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Vidéo de Eugène Fromentin
Des lettres inédites de la célèbre écrivaine, révélant des échanges inconnus avec de grandes personnalités du XIXe siècle. Un livre exceptionnel ! Lettres réunies et présentées par Thierry Bodin.
Ces 406 nouvelles lettres retrouvées couvrent presque toute la vie de George Sand, depuis ses quinze ans jusqu'à ses derniers jours. La plupart, du court billet à la longue missive, sont entièrement inédites et viennent s'ajouter au corpus de sa volumineuse correspondance. D'autres, dont on ne connaissait que des extraits, sont ici publiées intégralement pour la première fois. Plus de 260 correspondants — dont une cinquantaine de nouveaux — sont représentés, des moins connus aux plus illustres, comme Barbey d'Aurevilly, Hector Berlioz, Henri Heine, Nadar, Armand Barbès, Eugène Sue, Victor Hugo, Louis Blanc, Eugène Fromentin, Jules Favre, Pauline Viardot, la Taglioni, ainsi que les plus divers : parents, familiers, éditeurs, journalistes et patrons de presse, acteurs et directeurs de théâtre, écrivains, artistes, hommes politiques, domestiques, fonctionnaires, commerçants, hommes d'affaires... On retrouve dans ces pages toute l'humanité et l'insatiable curiosité de l'écrivain, que l'on suit jusqu'à ses toutes dernières lettres, en mai 1876, quelques jours avant sa mort. Les auteurs : George Sand (1804-1876) est une romancière, dramaturge et critique littéraire française. Auteure de plus de 70 romans, on lui doit également quelque 25 000 lettres échangées avec toutes les célébrités artistiques de son temps. Thierry Bodin est libraire-expert en lettres et manuscrits autographes. Ses travaux sont consacrés au romantisme français, en particulier Honoré de Balzac, Alfred de Vigny et George Sand.
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