Corneille a mis en chantier La Toison d'or dès l'année 1656. Elle est destinée à M. de Sourdéac, un riche original installé en Normandie. Mais des difficultés surgissent entre les deux hommes, et les choses traînent. Il doit s'agir d'une production somptueuse, une pièce à machines, avec de magnifiques décors, de la musique, et tout cela a un coût élevé. Les comédiens du Marais annoncent la pièce au début de 1660, mais doivent rapporter les représentations. Finalement le spectacle est donné à Neufbourg, chez M. de Sourdéac par les comédiens du Marais, mais il se serait agi seulement d'une partie du spectacle (« échantillons ») puis les machines sont données aux comédiens qui dès le début du mois de décembre jouent la pièce dans leur théâtre parisien, avec un succès certain, la publication suivra de près (1661). La pièce a été très peu reprise depuis, le compositeur de la musique qui l'accompagnait est inconnu, et la musique semble perdue.
La création intervient l'année du mariage de
Louis XIV avec l'infante d'Espagne,
Marie Thérèse, ce mariage marquant la paix entre la France et l'Espagne après une guerre longue et épuisante. Cela donne lieu dans le pays à une année entière de fêtes, et l'oeuvre de
Corneille s'inscrit dans ces festivités.
Dans un long prologue, des figures allégoriques, comme La Victoire, La Paix, et L'Hyménée commentent l'actualité, au final l'instauration de la paix grâce au mariage royal est glorifiée. Les bienfaits de la paix sont mis en valeur. Il s'agit donc d'un morceau de circonstances, après lequel la pièce en tant que telle peut commencer.
Nous sommes en Colchos (Colchide). Jason et les Argonautes partis conquérir la Toison d'or sont là, ils ont défait les ennemis du roi Aète. Une intrigue amoureuse est nouée entre Jason et
Médée, la fille du roi et puissante magicienne. le roi Aète propose une récompense à Jason, qui demande la Toison d'or, au dépit de
Médée qui pensait que sa main serait le prix demandé par Jason. Une prophétie annonçant la chute du roi suite à la perte de la Toison d'or fait que ce dernier n'est pas prêt à se dessaisir de l'objet précieux. Mais tenu par sa parole, il laisse les Argonautes tenter de se l'approprier, tout en les mettant en garde contre les dangers de l'entreprise.
Médée est la seule à pouvoir contourner les sortilèges qui protègent la Toison, mais elle en veut maintenant à Jason, d'autant plus que Neptune fait aborder dans la contrée Hypsipyle, une princesse à qui Jason a promis le mariage. Elle finira toutefois par se laisser convaincre, et les Argonautes repartiront avec la précieuse Toison et avec
Médée, Hipsipyle épousant au final Absyrte, le frère de
Médée ( qui échappe donc à la mort par les mains de sa soeur).
Nous sommes dans une vision un peu édulcorée du mythe de
Médée, qui ne tue pas son frère, et qui n'est pas aussi terrible que dans d'autres version de l'histoire, ni même que dans la pièce de
Corneille qui porte son nom. Il faut dire que l'essentiel ici est de donner un cadre mythologique pour du grand spectacle, des décors, des machines, des dieux qui descendent et montent, un dragon qui crache du feu etc.
Corneille a écrit à propos de cette pièce :
« ...cette pièce, que je nommerais la plus belle des miennes, si la pompe des vers y répondait à la dignité du spectacle. L'oeil y découvrira des beautés que ma plume n'est pas capable d'exprimer.. »
Il considérait donc que l'intérêt principal de la pièce était dans le spectacle visuel, et non pas dans le texte lui-même. Même si on retrouve sa patte dans les vers, il est difficile de considérer ce texte comme essentiel dans l'oeuvre de
Pierre Corneille. Une curiosité donc, qui illustre ce théâtre à machines qui suscita un grand engouement dans la deuxième moitié du XVIIe siècle.
Challenge Théâtre 2017-2018