C'est bien parti ce petit bouquin, j'ai cru pouvoir me dire quand j'ai lu le premier chapitre :
« La théorie-cadre, ici, sera la mécanique quantique relativiste, le mariage relativité-quanta avec, dans la corbeille des noces, l'algèbre des probabilités de Laplace comme bibelot-souvenir, et l'algèbre ondulatoire des probabilités de Dirac comme appareil électroménager. »
Voilà un homme qui sait parler aux femmes, leur fournissant l'angle de vue qui leur permettra d'entrer dans le monde de la physique comme dans un petit foyer coquet et bien tenu. Corbeille, bibelot, appareil électroménager, jusque-là je comprenais et j'eus même l'audace de croire que j'allais maîtriser la suite sur le bout des doigts, bien que je ne sois pas encore une fée du logis.
Malheureusement, le grand ménage de printemps tomba à plat. le foyer dans lequel
Costa de Beauregard nous convie à entrer est un foyer situé dans un univers parallèle que je supposai, au fil des pages, être quantiquement superposé au nôtre. Là, point de toiles d'araignées, mais les équations pullulent et tout un passé de physiciens obscurs nous est minutieusement retracé, rien que des bonshommes qu'on ne connaît pas, exceptés les classiques Einstein, Bell, Fermat et deux-trois autres qui passent à Question pour un champion. Alors que je m'apprêtais à ranger dans le placard ma serpillière, quelques ritournelles me rappelèrent à l'ordre du ménage quantique :
« […] ce que je considère être la proposition essentielle du présent Essai : identifier purement et simplement le concept de la causalité physique à celui de la probabilité conditionnelle. »
Pas très explicite pour le moment mais bizarrement, à force de rester plantée là dans cet univers, j'ai fini par m'habituer au mobilier. J'ai beau n'avoir jamais rien compris au paradoxe EPR, il m'apparut que c'est finalement là que tout (ou presque) se résout. Il paraîtrait que les physiciens, pressés de prouver la causalité telle qu'on la connaît (un truc entraîne un autre truc), se sont acharnés à faire l'expérience de la corrélation EPR directe alors qu'ils ont largement négligé de faire l'expérience de la corrélation EPR inverse qui vérifierait l'aspect retardé de la causalité (c'est dans tel but que quelque chose survient). Cet aspect retardé de la causalité, ou rétrocausalité, ne nous permet pas de tisser de nouvelles intrigues SF en nous posant des questions comme : « La rétrocausalité implique-t-elle qu'on puisse tuer son arrière-grand-père au berceau » ? Non, cette rétrocausalité non-hollywoodienne se rattache plutôt « au sens où Lamarck dit que « la fonction crée l'organe » ; pas au sens de réécrire l'histoire ». Cependant, on devine bien que la précognition et la psychokinèse vont pouvoir rappliquer direct, prétendant ouvrir à nouveau un champ qui aurait autrement pris le risque d'être clos. Or, quel être humain peut supporter dignement la conclusion ?
De fil en aiguille, nous nous dirigeons ainsi vers cet horizon magique qui ouvrira les prémices d'une réconciliation entre la physique et les handicapés incapables de comprendre ses théorèmes et ses équations, afin que tout le monde soit bien heureux :
« L'objectivité chère à la science classique doit donc ouvrir le passage à l'intersubjectivité, un paradigme proche de la « maya » de l'hindouisme : celui d'un vaste rêve éveillé collectif, dont le lourd voile peut être à l'occasion percé, comme le montre l'occurrence des « phénomènes paranormaux ». Ne serait-ce pas peut-être « l'inconscient collectif » de Jung qui « collapse le ψ » ? »
Merci pour le thé, à la prochaine.