Tout comme il existe des romans historiques, des romans introspectifs, des romans d'amour, d'aventure, de science-fiction, il y a des romans d'ambiance. Plus précisément des romans à ambiance.
La « comète » de Coulonges en est un singulier exemple.
D'abord les lieux. Une montagne âpre et désertée des hommes ; les seuls qui y vivent possèdent cette rugosité de l'âme qui les fait paraitre asociaux aux manières frustres et à la rareté des mots.
Le Haut Jura, plus exactement cette bande de hauts plateaux qui s'étire le long de la frontière Suisse et qui vient mourir contre le haut Bugey, autre lieu oublié, juste séparé par la faille de Bellegarde, comme un gigantesque coup d'épée donnée par un quelconque géant mythologique.
Nous sommes pourtant à deux pas de la brillante Genève où un avion n'atterrira jamais cette nuit-là, préférant s'écraser dans ces lieux paumés.
Frédéric, un jeune gendarme un brin solitaire, vivant avec sa mère à l'orée des bois et connaissant les lieux mieux que sa poche, est dépêché sur les lieux en première ligne afin de localiser l'épave dans une tourmente brumeuse et neigeuse à souhait comme il est d'ordinaire en ces lieux peu accueillants.
Voilà pour l'approche technique des choses.
Dans l'avion, une jeune virtuose qui se rend à une audition importante pour la suite de sa carrière. Elle voyage en compagnie de son professeur et d'un tout nouvel instrument dont l'origine reste incertaine… Un magnifique Guadagnini. Les mélomanes sauront en apprécier la valeur.
Si les chapitres relatant les secours font la part belle à cette fameuse ambiance dont je parlais précédemment, l'histoire de cette jeune fille et du violon ont une tout autre saveur. On nage en plein Zweig, tant pour la prose précise et minutieuse que pour les tons empreints de cette nostalgie particulière au romancier du « monde d'hier ».
Entrent en scène un maitre-professeur belge, un élève surdoué et tourmenté et cette beauté diaphane (imaginez l'actrice Christa Théret) autour de la passion des notes parfaitement jouées et de l'instrument. Car le personnage principal, on l'aura compris, c'est ce violon qui porte en lui de troublants secrets.
Revenu sur les lieux du drame, on croise aussi un italien charmeur, en la personne de Flavio, qui donnera la conclusion de ce court roman aux intonations musicales. Brahms et Beethoven seront conseillés lors de la lecture.
Le décalage entre la finesse des notes exécutées à la perfection tant par la violoniste que par le romancier et le carnage d'un atterrissage forcé dans la neige, cette dichotomie entre les regrets et les espoirs, se distille dans une écriture magnifique, aussi simple que forte.
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