Un an plus tard
Chloé Cruchaudet revient nous livrer sa lettre d'amour à
Proust et surtout son aidante : Céleste et la famille Albaret qui ont été d'une aide précieuse à la réalisation du grand oeuvre de ce écrivain désormais culte.
Entre temps, j'ai eu la chance d'aller voir l'Exposition
Proust à la BNF et je me suis encore plus familiarisée avec l'écrivain, rendant cette lecture encore plus intime et touchante, mais surtout me permettant de réaliser le travail incroyable de
Chloé Cruchaudet pour adapter et évoquer la vie de l'artiste. Bluffant !
Dès le début, on ne peut qu'être époustouflé devant ses prouesses graphiques mais quand en plus on connait mieux l'auteur, on se rend compte d'à quel point cela colle à la virtuosité maladroite et travaillée de
Proust, à sa rapport à sa corps, à son esprit et aux mots qui s'écoulent de lui. C'est splendide ! Dans cette seconde partie qui s'intéresse un peu plus à la métamorphose de ses écrits de petit texte intimiste à chef d'oeuvre reconnu, elle nous offre encore des pages marquantes et très symboliques ou plutôt remplies de symboles à l'image de celles relatant sa réception du Prix Goncourt ou encore celles où il se noie dans les souvenirs des Albaret, relançant son amour et son envie d'écrire. J'ai adoré la palette colorimétrique de l'autrice avec toujours de vert tilleul si cher à l'auteur. J'ai adoré la fluidité brumeuse de l'atmosphère qui ainsi nous enfume et nous pénètre. Ça représente si bien l'atmosphère de l'oeuvre et la fin de vie de
Proust. C'est une magnifique réussite formelle.
Mais cela va encore plus loin, l'autrice parvient ici sous couvert de poésie à relater avec intensité la personne de
Proust, son rapport à son oeuvre, la genèse de celle-ci et son devenir, ainsi que le rôle de la famille Albaret et de Céleste notamment auprès de lui à chaque instant. On retrouve ses allures souffreteuses, son côté un peu geignard, mais sa nature simple quand il s'agit d'écouter sa chère Céleste. On le voit également aller d'un logement à l'autre, poussé à chaque fois par le destin. On le voit se confronter avec difficulté à son oeuvre, qui s'allonge sans cesse et à laquelle il a du mal à mettre le fameux point final dont il a si souvent parlé à Céleste. La représentation de ce dernier, tout comme des derniers instants de
Proust est magique, et rend si bien hommage à la fin de celui-ci, que j'en suis ressortie toute émue. Qu'est-ce que l'autrice utilise bien les silences, de la BD comme de la vie !
On sent la riche documentation dont elle a fait preuve mais sans que cela soit du bourrage de crâne. Elle intègre parfaitement tout ce qu'elle a appris de l'oeuvre et la vie de cette homme dans une vraie narration terriblement émouvante et très poétique où Céleste se voit porteuse d'un regard privilégié, elle, qui aura souvent été la plus fidèle héritière du maître après sa mort. L'histoire, comme les pages et les mots de la Recherche, coule entre nos doigts et se déroulent avec une fluidité folle, tandis qu'on le voit s'isoler, réussir, se remettre difficilement à l'ouvrage et peu à peu succomber à ses vieux démons. C'est émouvant.
Superbe biographie non pas de
Proust l'auteur mais de
Proust l'homme vu à travers le regard de sa gouvernante et amie Céleste, ce diptyque est aussi beau que bon. Je suis définitivement tombée sous le charme de la poésie du trait et de la palette de l'autrice, tandis que ses mots et sa mise en scène m'ont énormément touchée, de même que l'angle de vue choisi, très intimiste et en même temps réaliste. Une très belle façon de plonger dans l'intimité d'un grand artiste et de celle qui l'a accompagné dans son épopée.
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