Malgré son prénom enchanteur qui évoque la steppe, les troïkas sur la piste blanche et les amours du docteur Jivaty-Jiva-Gigot, Natacha , c’est un vrai boudin , croyez-moi Russe ! Un boudin russe ! Elle ressemble à la plus grosse des poupées gigognes qu’on vous vend dans les bazars de Moscou. Dodue, cuissue, ventrues, mafflue, les joues peintes en vermillon, la moustache drue, le cou couleur saindoux, le sein doux parce que mahousse comme un oreiller, le cheveu blond filasse, la bouche en étreinte de limaces, le front bas, la cuisse jambonnière, le mollet en tronc de palmier sous les bas de coton grisâtre, l’œil aussi pétillant qu’une rondelle de truffe sur une tranche de foie gras, cette aimable jeune fille de trente-deux ans est à la volupté ce que Francisco Franco est à la démocratie.
« Oui… » Trois lettres, une syllabe… Le son le plus compromettant de notre valeureuse nation. La source de toutes les conneries, la porte de toutes les turpitudes. Des tas de gens sont morts pour un « oui », et quelques autres, une minorité, pour un « non ».
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Des « oui », j’en ai connu une bougre de flopée au cours de mon aventureuse existence. Depuis le « oui » timide de la pucelle pour la première fois bouchebaisée, jusqu’au « voui » franc et massif du père Ladorure, en passant par des tinettes de « oui mais, de oui merde, de p’t-être ben qu’oui et de ni oui Ninon (de Lenclos) ». Sa vie durant, on glisse sur les « oui », mes drôles. On met le pied dedans. On s’en barbouille le fond de grimpant. Il nous compromet, nous embastille, nous entortille, nous souille, nous déprave tous, mes bien chers tant cons porains et amis. « Oui », c’est comme le début d’une grande dégueulade, le premier effort pour s’extirper les entrailles. Quand le « oui » a passé, le reste passe. On est ses vassaux, faut lui obéir, supporter les conséquences.
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Ce qui particularise surtout un con, c’est son irrationalité. Vous remarquerez (si vous ne l’êtes pas trop vous-mêmes) que le con est toujours prêt à larguer la raison pour foncer bille en tête dans l’impensable. Y a pas de continuité dans sa pensée, comprenez-vous ? Il pointillé du bulbe, le con. Des images sans relations précises se constituent dans sa tronche comme des bulles du cloaque.
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Le Français, ce qui le différencie essentiellement des autres peuples, c’est qu’il fait vite son travail, mais qu’il jouit lentement. Il s’attarde sur les bonnes choses. Il aime pas se mobiliser le sensoriel pour des nèfles. À table ou au plumard, faut qu’il sirote !
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J’oserais pas le dire devant des bêcheurs, mais une pute, Gars, c’est le fondement de la société. Je comprends pas qu’on leur fasse des tracasseries, chez nous, aux tapins ! Vaut mieux payer qui on baise que baiser qui on paie.
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Je me dis que ça serait marrant de jouer les Pygmalion et de transformer ce boudin en pinupe. D’abord la foutre au régime, histoire de lui sucrer quarante livres. Ensuite la virouze chez Carita. Puis à la boutique Dior. Vous croyez qu’on arriverait à la rendre fumable, Natacha ? À lui donner une silhouette élégante ? À remplacer sa graisse par de la grâce ? Son abrutissement par de l’esprit ? C’est là, surtout, que ça grince. La viande, on peut la modeler, mais l’âme ? Dites, l’âme ? Ça s’affûte, la matière grise, ça ne se transforme pas. Vous pouvez toujours éduquer un ahuri, lui lire du Voltaire ou du San-Antonio, s’il est fondamentalement truffe, il restera truffe ! Y a pas de remède, pas de recette, pas d’espoir. On ne change pas le plomb en or, mes fils.
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Mes amis, rappelez-vous toujours ce que je vais vous causer : quand on n’a pas la conscience tranquille, le plus sage est de se comporter exactement comme si on l’avait. Lorsque vous êtes en infraction, au lieu de fuir les matuches, demandez-leur plutôt votre chemin, ça les désarme.
J’ai pas plutôt formulé ce vœu que ça commence à floconner. Oh, léger dans le début. Des duvets se balancent dans le noir. Mais au fur et à mesure que nous avançons, ils deviennent de plus en plus denses et drus. Ils chutent verticalement, preuve qu’ils sont lourds. Ca vase en rideau de perles. On dirait que le capot de la chenillette en écarte les franges à l’infini.
Moi, vous me connaissez. Un sioux à mes heures ! Avisant une petite fenêtre, au fond de la guitoune, je l'enjambe sans crier gare (bien que tout cela se passe en bordure d'une voie ferrée) et je contourne la construction.
Autrefois, comme on ignorait l’allergie, personne n’en souffrait. Maintenant tout un chacun et toute une chacune s’en paye à tour de bras.
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* :
San-Antonio, _Réflexions définitives sur l'au-delà,_ morceaux choisis recueillis par Thierry Gautier, Paris, Fleuve noir, 1999, 120 p.
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