Elle livre des lignes d' l'
Lola, Lili, Léone, Lucette, Laura, Lise, Lucienne, Louise, Ludovine, Lucie, Lydie, Léopoldine, Laurence et Lilas : des nouvelles d'elles qui se promènent dans les rues de Paris « ville femelle ».
Les phantasmes au féminin déambulent place Clichy, prennent le train gare de Lyon, entrent dans une église, rêvent d'ailleurs. Les corps se livrent, se partagent puis « au bas des marches, ils se disent adieu et s'en vont, lui vers Montparnasse, elle vers l'Odéon, accompagnés du chant des cloches ». Beaucoup de solitude au travers de ces croisées féminines, teintées de joie et de moments volés sans fausse pudeur.
Ces nouvelles sont joliment écrites et font la part belle à Paris. L'auteur aime cette ville, ses quartiers, ses rues. « Les soirs d'été, tout le monde était dehors, on sortait les chaises et d'une maison à l'autre on parlait. » « Maintenant, la télé a tué tout ça... Ils ne prennent même plus le frais... Mais ce qui est plus grave, c'est qu'ils se sont mis à avoir peur. » Elle montre sa tristesse quand des rues entières disparaissent sous les engins des promoteurs « pour faire des choses comme ça, faut pas aimer les gens... »
Et puis, au travers de ces nouvelles
Régine Deforges fait des renvois à des auteurs, ce qui colore le texte et m'a beaucoup plu.
S'agissant de la place Dauphine : « A la suite d'
André Breton, elle considérait cette place comme le sexe de Paris et, à coup sûr, un des endroits magiques de la capitale. Elle y venait souvent en toute occasion, sauf en hiver où la place lui faisait peur et où un violent courant d'air décourageait toute flânerie, à moins que la neige ne la recouvrît. Dans ces moments-là, le côté théâtral de la place devenait évident. Dans cet univers blanc, dès la nuit tombée, les arbres noirs et dépouillés étaient prêts à se mettre en marche à la conquête de l'anneau entraîné par Bilbo le Hobbit, les bancs semblaient d'énormes insectes ayant pris l'apparence de banc pour pouvoir se déplacer sans encombre, les façades des hautes maisons allumaient çà et là leurs yeux aux regards inquisiteurs »
ou encore : « villa
Verlaine ou villa
Rimbaud... Tu trouves pas que c'est bien qu'ils les aient rapprochés ces deux-là, même dans un coin perdu de Paris ? »
Un mot concernant la dernière nouvelle « Lilas ou le mois d'août rue de Buci ». Ce texte évoque une femme écrivain, assise devant sa machine, cherchant l'inspiration pour écrire un texte érotique en réponse à la pique de son éditeur qui lui avait lancé « Vous, en matière d'érotisme, vous en êtes restée à
Paul Bourget et à
Rachilde ». J'ai aimé cette pirouette car elle fait écho à la première phrase de la préface du livre. En effet,
Régine Deforges écrit : « dans quel piège ne suis-je pas tombée, le jour où j'ai pensé : moi aussi je pourrais écrire de ces histoires qui vous plaisent ».
Pour moi c'est un joli hommage, tout en résonance aux mots de
Pauline Réage.