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EAN : 9782907293136
148 pages
Editions Espace 34 (30/11/-1)
2.62/5   4 notes
Résumé :
Cette oeuvre très personnelle de Diderot est centrée sur la figure du Père, attentif et bon, qui doit faire face à la rébellion du fils. Les personnages doubles, à l'exception de la pure Sophie, s'affrontent dans un conflit de génération, qui malmène l'ordre social, et mettent en avant leur propre conception de la notion d' honnête homme .
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Cette pièce a été éditée en 1758, c'est à dire un an après le fils naturel, le premier drame de Diderot. Les persécutions de la censure ont retardé la parution, incertaine jusqu'à la dernière minute. Elle connaîtra une création rapide en province, à Toulouse, avant d'être jouée dans d'autres villes. La Comédie Française la donnera en 1761, il y aura sept représentations. Une reprise en 1769 sera un succès et elle restera au répertoire jusqu'en 1839, et connaîtra plusieurs traductions.

Nous sommes toujours dans un drame mélodramatique comme dans le fils naturel, les deux pièces semblent relativement proches à un lecteur moderne. Diderot pensait pourtant que les deux pièces appartenaient à des genres différents : le fils naturel tire vers la tragédie, alors que le père de famille « prendra une teinte comique ». Il faut préciser que ce que Diderot considère comme appartenant à la comédie, est un personnage de méchant homme, il s'agit donc de dépeindre des vices pour les donner en horreur, comme le revendiquait Molière. le comique ne consiste pas dans des répliques ou péripéties amusantes, mais dans une satire, fort cruelle d'ailleurs. Et comme il se doit dans toute comédie, le méchant finira par perdre l'ascendant qu'il a pris sur la famille et partir.

Nous sommes dans une famille composée d'un père, de sa fille et de son fils. le frère de la défunte épouse du père de famille vit avec eux, il est riche, et il promet l'héritage aux enfants, s'ils se montrent sages et respectueux. La maisonnée est complétée par un jeune homme, Germeuil, fils d'un ami décédé du père de famille. Des intrigues amoureuses se nouent : Saint-Albin, le fils, est tombé amoureux d'une jeune fille pauvre et à l'origine obscure, Sophie. Il délaisse la demeure familiale, causant beaucoup d'inquiétude à son père. Cécile, la fille, est amoureuse de Germeuil, qui est aussi amoureux d'elle. Ils ne s'avouent par leur amour, persuadés que le mariage est impossible, en grande partie par les remarques aigres du beau-frère, qui déteste Germeuil. Il va aussi vouloir faire enfermer Sophie grâce à une lettre de cachet, lorsque l'intrigue amoureuse de Saint-Albin sera découverte. Mais la famille déjouera victorieusement toutes les embûches grâce à la noblesse des caractères de chacun. Et il va s'avérer que Sophie est une nièce du beau-frère, donc tout à fait respectable, même si pauvre, et donc épousable. le père de famille va accorder un double mariage, au grand dam du beau-frère, qui n'a plus qu'à plier bagage.

Cela est très daté, et l'intérêt de la pièce, comme pour le fils naturel vient davantage du projet d'un nouveau théâtre qu'elle annonce, plus que dans la pièce elle-même. Un théoricien du théâtre n'est pas forcément un bon auteur dramatique, mais les écrits de Diderot, ainsi que toutes les discussions qu'ils ont provoqués, ont été une étape de l'évolution de l'art de la scène.
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Le Père de Famille n'a rien de révolutionnaire en soi, surtout pour un lecteur du 21e siècle habitué à toutes les audaces théâtrales. Il mérite toutefois que l'on s'y intéresse, à condition de replacer la pièce dans son contexte d'écriture.

L'histoire s'établit sur la trame classique du mariage entravé par l'obstacle parental. Ici, le père s'oppose au désir d'union de son fils, épris d'une jeune couturière orpheline. Obstacle parental qui révèle des dissensions sociales puisque, au 18e siècle, l'opprobre pèse encore sur le mélange des différentes classes. Toutefois, les premiers signes d'un changement apparaissent et la pièce du Père de famille s'en fait l'écho. Ses personnages semblent en effet évoquer les prises de positions diverses que l'on peut trouver au cours de cette période.

Saint-Silvain, le fils amoureux, remet en question les traditions par amour de Sophie. Fougueux et passionné, il se trouve confronté à la modération de son père. Si on sent que celui-ci est réticent au désir de son fils, son comportement prouve toutefois que derrière sa façade de respect des conventions, un esprit plus souple se développe, prêt à faire entorse à des moeurs dont la pertinence semble de moins en moins évidente. le développement de cette réflexion est entravé par le Commandeur, frère du Père de Famille, personnage dont le seul plaisir semble être celui de créer la discorde autour de lui. Pour cette raison, il se veut le représentant de la vieille morale, non qu'il en approuve les vertus, mais dans le seul but égoïste de conserver une réputation chèrement acquise et de jouir du malheur qu'il a provoqué chez ses semblables.
Diderot nous dévoile ainsi les fondements de la morale bourgeoise : intérêts égoïstes et superficiels avant toute chose. Cela peut sembler caricatural. Heureusement, le comportement opposé, celui de Saint-Silvain, n'est pas valorisé davantage. Aucun personnage ne se veut être le représentant d'une vérité absolue. La meilleure chose qui puisse les caractériser est la raison, accompagnée de son corollaire la modération. Dans ce sens, les personnages les plus intéressants sont le Père de Famille et Sophie dont on suit l'évolution de la réflexion –non exempte de dualité- jusqu'à son terme.


Cette pièce est instructive d'une époque, même si aujourd'hui, le propos a perdu une partie de sa vitalité. La mise en évidence de la primauté de la raison chez l'homme juste, appliquée à la question du mariage entre des individus appartenant à des classes sociales différentes, semble mal adaptée aux temps actuels. le principe mériterait peut-être d'être appliqué à un autre domaine de la vie moderne, si tant est que l'on pense encore que la Raison est le seul moyen d'acquérir une vision lucide ?

Plus novatrice, la mise en scène théâtrale proposée par Diderot révèle son statut de théoricien du théâtre au 18e siècle. Fondateur d'un nouveau genre –le drame-, il met en application ses théories dans le Père de Famille. Les mots ne sont plus seuls à exprimer de manière éloquente la multitude des sentiments que peuvent éprouver les hommes. Les gestes sont au moins aussi significatifs, et leur importance se traduit par l'abondance des didascalies. le silence n'effraie plus, l'action n'est plus absolument recherchée. La dimension purement divertissante du théâtre devient beaucoup moins évidente à percevoir que dans les pièces de la comédie. Les personnages ne sont plus des héros ou des grands hommes, comme dans la tragédie.


Toutes les intentions de Diderot sont louables. Elles transparaissent malheureusement trop clairement dans sa pièce et l'emmurent dans un carcan théorique. le comble de cette pièce, c'est de tuer toute émotion à force de vouloir la faire ressortir. Bien que basée sur des principes qui semblent incontestables, le Père de famille ne réussit pas à les mettre en pratique et ne présente qu'un aperçu froid des émotions que Diderot aurait aimé transmettre.

Lien : http://colimasson.over-blog...
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Le Père de famille. – […] A mesure que vous avanciez en âge, j’ai étudié vos penchants, j’ai formé sur eux le plan de votre éducation, et je l’ai suivi sans relâche. Combien je me suis donné de peins pour vous en épargner ! J’ai réglé votre sort à venir sur vos talents et sur vos goûts. Je n’ai rien négligé pour que vous parussiez avec distinction ; et lorsque je touche au moment de recueillir le fruit de ma sollicitude, lorsque je me félicite d’avoir un fils qui répond à sa naissance qui le destine aux meilleurs partis, et à ses qualités personnelles qui l’appellent aux grands emplois, une passion insensée, la fantaisie d’un instant aura tout détruit ; et je verrai ses plus belles années perdues, son état manqué et mon attente trompée ; et j’y consentirai ?
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Le Père de famille.- […] Mon ami, les larmes d’un père coulent souvent en secret…
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Le Père de famille.- […] Ah ! mon ami !... Qu’attendre d’un jeune homme qui peut tout à coup se masquer, et se contraindre à ce point ?... Je regarde dans l’avenir ; et ce qu’il me laisse entrevoir me glace… S’il n’était que vicieux, je n’en désespèrerais pas ; mais s’il joue les mœurs et la vertu !...
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Le Père de famille. – […] Mademoiselle, ne me parlez jamais de couvent… Je n’aurai point donné la vie à un enfant ; je ne l’aurai point élevé ; je n’aurai point travaillé sans relâche à assurer son bonheur, pour le laisser descendre tout vif dans un tombeau ; et avec lui, mes espérances et celles de la société trompées… Et qui la repeuplera de citoyens vertueux, si les femmes les plus dignes d’être des mères de famille s’y refusent ?
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Le Commandeur. – […] C’est un étrange homme que ton père ; toujours occupé, sans savoir de quoi. Personne, comme lui, n’a le talent de regarder et de ne rien voir…
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Vidéo de Denis Diderot
Rencontre avec Christian Grataloup autour de Géohistoire. Une autre histoire des humains sur la Terre paru aux éditions des Arènes, et de L'Atlas historique de la terre (Les Arènes).
Christian Grataloup, né en 1951 à Lyon, agrégé et docteur en géographie, successivement enseignant du secondaire, professeur de classes prépas, formateur d'instituteurs puis de PEGC, maître de conférences à l'université de Reims et finalement professeur à l'université Paris Diderot. Les recherches et les publications de Christian Grataloup se sont toujours situées à la charnière de la géographie et de l'histoire. Une grande partie de ses travaux concernent la didactique, en particulier par la mise au point de «jeux» pédagogiques. Il a notamment publié: Atlas historique de la France (Les Arènes, 2020), L'invention des continents et des océans. Comment l'Europe a découpé le Monde (Larousse, 2020), Cabinet de curiosité de l'histoire du Monde (Armand Colin, 2020), Atlas historique mondial (Les Arènes, 2019), Vision(s) du Monde (Armand Colin, 2018), le Monde dans nos tasses. Trois siècles de petit-déjeuner (Armand Colin, 2017), Introduction à la géohistoire (Armand Colin, 2015).
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20/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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