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EAN : 9782844184368
184 pages
La Part Commune (05/10/2023)
4.15/5   17 notes
Résumé :
Le corps d’une femme sans vie sur une grève est le point de départ de ce roman qui s’articule autour de trois récits, trois versions parallèles d’une même histoire : celle d’Anna, de François, son mari, et de Paul, son amant. Tour à tour, les personnages racontent : l’amour fou et désespéré de Paul pour Anna, l’adultère de cette dernière aux prises d’une culpabilité dévastatrice, l'incompréhension de François dont les valeurs se voient bousculées. De Lisbonne à l’oc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Une femme sur une dune, démantibulée comme une poupée. « La mort lui fait une drôle de tête. » Féminicide, accident ou suicide ? le regard hésite. Il y a bien ces marques sur le cou qui prouveraient que… À moins que… Et plus loin, ce roman de Paul Constant abandonné plus haut, pourquoi lui ? Beaucoup de questions sans réponse. Et y en aura-t-il une au bout du compte ? Ce n'est pas le paysage qui désignera le coupable, mais peut-être si finalement. La vérité dès le départ semble incertaine, soumise aux vents et aux vagues. Chacun son eau, chacun sa marée… Au fait qui raconte cette macabre découverte ? Est-ce François, le mari ? Est-ce Paul, l'amant ou un simple promeneur égaré sur la lande ? Nous n'aurons par la suite que les récits de Paul et d'Anna, la morte, entrecoupés de ceux de François, chacun des trois personnages racontant l'histoire à sa manière, selon son point de vue, son point de vie, pourrait-on dire. Flux et reflux, c'est selon leur subjectivité que se dessine au fil des pages une vérité, mouvante, sans fin, à l'image de l'océan,
Est-on vraiment libre de sa vérité ? Les protagonistes semblent tous prisonniers d'eux-mêmes et de l'autre, comme colonisés par leur obsession, fondus en l'autre, sous emprise, sans existence propre bien assurée. Ils luttent tous contre leur lot de failles et d'entraves : travail, famille (en arrière-plan deux enfants pour Anna, des ados ; pour Paul, une séparation en cours, une mère inquiète, un père malade), pesanteur, insatisfaction, désillusion, blessures personnelles, non-dits, jalousie, douleur, attente, alcool, culpabilité, violence… Dans ce contexte, il existe différentes façons de se retrouver soi-même  ou de se perdre. Par exemple en plongeant dans les vagues, corps et âme, comme si celles-ci pouvaient tout laver, tout engloutir, ou bien en partant loin et pour toujours, en attendant éternellement, en supprimant aussi peut-être le motif de sa douleur…
Dans cette « histoire de corps et d'eau », chacun semble être dépendant de son amour : le coeur qui aime, celui qui attend, celui qui enquête. Personne ne comprend vraiment l'autre, ne se comprend soi-même non plus, tiraillé entre ses contradictions internes et externes. « Attendre Anna », quand Anna s'attend elle-même… le lecteur s'interroge sur certains comportements qui le désarçonnent. Pourquoi Anna commet-elle cette erreur alors que justement il y a peu… ? Pourquoi Paul change-t-il si soudainement d'attitude ? Pourquoi François est-il si obtus et si vulgaire tout à coup ? Même si chacun bien sûr avance ses raisons. On remarquera que l'amour est si fusionnel entre les amants que certaines images et situations se répètent de l'un à l'autre : Paul à un moment se définit comme un « pantin cassé », faisant ainsi écho au « pantin cabossé » d'Anna.
« Il arrive que la peur du bonheur l'emporte sur le bonheur lui-même, nous révélant toute notre faiblesse et notre lâcheté. » le topos du triangle amoureux bien connu dans la littérature, surtout lorsqu'il est assorti d'une passion dévorante, impossible, peut présenter de nombreux écueils, du type « roman noir à l'eau de rose », mais Virginie Ducay le revisite de manière personnelle, dans un récit choral rythmé, bouleversant par bien des aspects, qui s'inscrit dans deux lieux forts : un rivage océanique battu par les vents et la ville de Lisbonne au Portugal. Quel pouvoir exercent ces lieux sur les personnages ? Sur leur insatisfaction profonde, leur mal-être, leur solitude, leurs désirs inavoués, leurs illusions ? Un lieu peut-il les sauver d'eux-mêmes et de l'autre ? Même endroit, même décor : entre la scène macabre décrite dès l'ouverture et le romantisme des rencontres clandestines dans les dunes, du temps s'est écoulé, lourd de tergiversations et d'incompréhensions. Quelle vague mauvaise a tout fait chavirer ? Et pourquoi est-ce toujours la femme qui en paie le prix ?
C'est au lecteur de reconstruire, témoignage après témoignage, le fil des événements, leur temporalité, leur causalité. Il doit ajouter sa vérité à celle des personnages. On remarquera qu'aux trois voix d'Anna, de François et de Paul, qui ont tous entre 40 et 50 ans, se superpose celle de l'auteur qui questionne, détaille, fouille, analyse. Cinq voix en somme se partagent ce récit puzzle, celle de Paul, l'amant écrivain étant prépondérante (28 récits sur les 47) d'où peut-être l'impression d'une identification accrue de l'auteur avec ce personnage. Anna l'infirmière intervient 12 fois, François le cadre à responsabilités 7 fois, si on excepte le premier récit de source ambiguë.
Est-ce pour cette raison que la romancière privilégie la distance narrative apportée par le passé, notamment par le subjonctif imparfait, très souvent utilisé, concordance oblige ? Certes l'histoire est racontée selon le mode du retour en arrière, excepté parfois par Paul plongé à Lisbonne dans le présent sans fin de l'attente. Ses récits sont les seuls à être précisément situés avec une indication de l'heure, la plupart des événements se trouvant finalement rapportés à partir de ce point focal.
« L'amour, comme l'amitié, ne peut être exclusif. » Quoi qu'il en soit, on se dit, en relisant les différentes versions de chacun, qu'il se plaît ici à conjuguer le subjectif imparfait à l'impératif de la douleur.


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Le mari, la femme , l'amant. Sujet traité depuis toujours sur le mode comédie ou tragédie.
V.Ducay prend le parti de donner la place la plus importante de son roman au désir qui afflue ou qui reflue selon l'habitude ou La rencontre.
A deux amants solaires répondent un mari et des enfants. Dilemme déchirant pour une épouse qui ne s'attendait pas à ce qui lui arrive.
L'amant , lui, se sent capable d'attendre Anna qui se dérobe à lui non sans chagrin et sans tourments.
Il part au Portugal, vit et revit son histoire , il attendra, attendra...
Sauf que les premières pages du roman content la découverte du cadavre d'une femme sur « leur » plage.
Et la part du mari dans cette histoire ? Autant l'écriture , les mots choisis sont soignés pour les amants, autant ils sont bruts voire vulgaires pour le mari, ce n'est plus la même écriture.
C'est un beau livre sorti du coeur et des tripes de l'autrice avec les qualités et les défauts d'un premier roman.
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Des chapitres courts dont les mots nous accrochent d'emblée tant ils sont emprunts de précision, d'émotions et d'une certaine urgence, comme si le temps nous était compté…Comme si « attendre » était un impossible pour le lecteur.

Une plongée introspective dans l'intimité et la subjectivité de trois destins, une rencontre sentimentale qui s'annonce dans l'éclat, celui du verre brisé dont on voudrait rassembler tous les morceaux afin de reconstituer l'ensemble de ce paysage amoureux.

Paul nous fait vivre son attente en pagayant avec ses mots et sa douleur.

Anna nous écharde avec sa culpabilité, son idéal amoureux estampillé de conformisme.

François nous rappelle que la norme peut être contrainte, contorsionnée par la fulgurance des sentiments.

« Attendre Anna » nous parle de ce tsunami amoureux, d'un amour qui prend toute la place, un amour qui devient « tout » et fou, couvre tout, habille intégralement l'identité, un amour qui devient nom. Au nom de quoi rien d'autre ne peut se vivre si ce n'est dans la suspension de l'attente et l'errance.

Virginie Ducay évoque avec modernité une thématique quasi ancestrale. Ses mots portent avec beaucoup de respect les croyances, les certitudes, les espoirs et les ratés de chacun de ces trois personnages.

Une plume remarquable par sa dextérité à incarner des voix si singulières.

Je ne peux que vous inviter à découvrir cette lecture en apnée, à vous laisser emporter par la vague.

Merci à Babelio et les éditions La part commune pour m'avoir permis de découvrir cette écrivaine qui sera dorénavant pour moi incontournable.
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Paul a fui l'annonce, l'abandon de la femme qu'il aimait et qui l'aimait. Lisbonne. Sous ses pas claquent les pavés mais il n'entend rien, autour de lui s'agite le monde mais il ne voit rien, concentré sur lui-même, pris au piège d'une attente, d'un impossible retour, ce qu'il ne veut ou ne peut admettre, Paul continue de faire ce qu'il fait depuis des années : Paul attend Anna. Emprisonné dans une histoire où il ne peut régner que sur l'ombre, n'être qu'une ombre, patient, lui qui serre les dents pour ne pas laisser s'échapper la colère, lui qui ferme les yeux pour ne pas voir l'évidence, Paul s'enferme dans son fantasme, garde la force, le courage ou l'inconscience de consoler, en s'oubliant, accepte sans un mot les reculades, la culpabilité, les regrets – l'égoïsme – de la femme qu'il aime, de la femme mariée qu'il aime. Lisbonne mais alors, ici ou ailleurs, avant et maintenant, relégué, Paul. Mis entre parenthèses, incapable d'avancer, de s'écrire un futur, il tourne et retourne cette histoire en boucle, cherchant l'indice qui le rassurera, guettant le signe qui le revigorera, se souvenant des débuts comme d'une douceur, se rappelant leur folie, leur désir. Occupant son présent, son attente, en ressassant leur passé, Paul, même loin, reste près de son amour, le caresse, le chérit et s'y blesse.

Anna regarde autour d'elle son monde s'effondrer et perd pieds, prise en étau, tiraillée, rien ne lui apporte de réconfort, ni ce nouvel amour qui devrait la mettre en joie, ni celui qu'elle connaît depuis si longtemps, qui ne l'émeut plus, mais la détruit, de jour en jour, car elle aussi enfermée, ne voyant que l'impasse, tâtonnant dans le noir à la recherche d'une issue, se tournant vers Paul pour saisir une main, refusant de s'en emparer pourtant, Anna désemparée. Anna victime ou Anna coupable, de ne pas savoir choisir, de ne plus réussir à concilier ses anciens rêves et les nouveaux, se les avouer, se l'avouer – pourquoi trancher, pourquoi ne peut-elle pas se décider ? le temps passe et s'étiole, la vie comme une vague qui poussent les amants l'un vers l'autre puis les sépare aussi brutalement. le temps, s'il passe, ne peut se figer, et malgré les peurs d'Anna, malgré la douleur de Paul, adviendra ce qui adviendra.

Il faut du talent pour réécrire une histoire aussi vieille que l'amour est vieux, de l'audace pour se jouer des rebours, pour oser une construction qui fera commencer par une fin, par une mort, de la finesse pour décrire des sentiments, des personnages si humains qu'ils sont tout et son contraire, et une grande sensibilité pour donner voix, donner la voix aux uns et aux autres, changer de focale, s'ajuster, que chacun raconte sa vérité sans qu'elle ne soit ni mensonge ni trahison. Virginie Ducay possède justesse de forme et justesse de fond. le lecteur secoué par ce ressac, ces remous, sort des Sables blancs lessivé, ayant lui aussi perdu l'horizon des yeux, bousculé dans ses certitudes, chamboulé par le voyage qu'il vient de faire. Est-ce si simple de se dire que la vie se plie aux principes, qu'elle doit accepter la morale, que la raison devrait l'emporter sur la passion ? À écouter Paul, à écouter Anna, se dit-encore que tout est question de choix, qu'il faut savoir, se montrer raisonnable ? Est-ce possible de leur donner raison à tous deux, à tous trois, d'accepter le vertige des réalités multiples ? Grâce à Virginie Ducay, et à son premier roman, oui, il le faut, et accepter aussi que la fiction parfois donne les clefs de la réalité. Une vraie réussite, littérairement et émotionnellement parlant.

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L'amour et la haine...

💓 Alerte coup de coeur ! 💓

C'est l'histoire d'un homme et d'une femme. Et puis d'un amant. Il en faut du culot pour oser s'attaquer à la plus vieille histoire du monde !
Mais Virginie Ducay relève le défi haut la main.

Tout commence par cette scène (et quelle scène !!) qui nous happe en quelques lignes : une grève, des dunes, un corps, un sac à main.
Et puis c'est Paul, l'amant, que nous suivons dans les rues portugaises. Il s'est enfui quand Anna l'a quitté. Paul est perdu. Paul rêve et ressasse. Paul attend Anna. Indéfiniment.
De son écriture magnifique, l'auteure équilibre avec grâce la voix des trois protagonistes dans un triangle amoureux si dangereux, toujours sur le fil du rasoir... L'atmosphère orageuse maintient un niveau de tensions sans aucun répit.
On se questionne : tout cela est-il bien raisonnable ? Quelles sont les limites à ne pas franchir ? Et puis on se requestionne : mais faut-il vraiment être raisonnable ?

Quelle écriture, quelle poésie, quelle beauté ! Un talent inouï pour un roman qui se termine en apothéose, laissant le lecteur pantois, chancelant, seul face à ce drame dont on ne ressors pas indemne.

Cette critique ne sera jamais à la hauteur de ce que j'ai pu ressentir à la lecture de ce bijou, je ne trouve pas mes mots. Alors je vais résumer tout cela très simplement : lisez Virginie Ducay ! Une autrice à suivre immanquablement !!
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Extrait, Page 30 : Elle nageait au large, moulée dans une combinaison et un bonnet de bain noirs, silhouette lointaine dans la bruine dont la vue, bizarrement, me troubla. Je venais de terminer une série de brasses et reprenais mon souffle. Ses mouvements étaient précis, maîtrisés, lents, sensuels, mélange de force et de douceur d’où se dégageait une énergie sinon palpable, en tout cas magnétique. D’emblée j’eus envie de toucher son corps, m’y coller, m’y fondre, disparaître à l’intérieur. Je ne m’explique toujours pas cette attraction immédiate, et qui n’a jamais cessé depuis. Tout ce que je sais c’est que je l’ai aimée instantanément, que je voulais soudain être le corps intriguant, mouvant, aérien, à la fois lourd et en apesanteur, mon propre corps aimanté, happé par cette créature aquatique et volatile, sans que j’en comprenne le phénomène et encore moins le pourquoi.
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On arrête.
Précisément pour ne pas laisser se terminer notre histoire, tenter de respirer à nouveau, sentir l’air emplir mes poumons dévastés, mon cœur anéanti, contrecarrer l’absence par l’absence, le silence par le silence, le manque par le manque, le vide par le vide, le rien par le rien ou le tout peut-être, un ailleurs, d’autres parfums d’autres lumières d’autres couleurs le soleil le vent la langue la distance, une tentative d’être au monde sans elle, hors d’elle, hors d’elle et de moi qui suis elle.
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