L’émotion est absolument involontaire, elle est un pur événement intérieur, elle arrive, c’est tout, vous surprend, vous désarme, insiste et bouleverse l’ordre des pensées comme tout autre ordre d’ailleurs.
Altérations
Le sexe, lui, n'aime rien tant que le mélange. Mélange des peaux, des salives, des humeurs, des organes, des mots jusqu'au délire, des images aussi, il fait avec tout, et tout peut lui servir.
Et pourtant le sexe s'est retrouvé disposant du même alibi que la philosophie, à savoir une méfiance instinctive envers toute forme d'émotion. On voua bercé de cette idée-là, vous la reconnaître aisément : le sexe n'est pas l'amour, le sexe n'est pas l'émotion, le sexe n'est rien d'autre que du sexe, une pure recherche de plaisir qui culmine dans l'orgasme et fait oublier tout ce qui n'est pas "ça".
Le sexe n'est pas l'amour, il a besoin du cru, de la sensation, rien d'autre, l'émotion vient presque altérer la jouissance, elle l'entraîne du côté de l'amour de l'autre, de la perte, de l'abandon, du renoncement, elle vient perturber ses figures y mêlant autre chose que le sexe.
Cette méfiance envers l'émotion est un héritage lourd, un verrouillage très ancien ; encore aujourd'hui, il est risqué de s'y frotter, d'oser dire, mais si, le sexe c'est de l'amour, il n'interdit pas l'émotion, il s'en nourrit comme la philosophie s'en nourrit, elle aussi. Pas de vraie pensée sans émotion, pas de sexe non plus. L'émotion est la signature de l'altérité. Elle est signe, précisément, qu'il y a de l'autre et que cet autre nous atteint.
L'émotion esthétique, par exemple, ne survient que si le paysage entre à l'intérieur de vous, devient une autre peau, se substitue un instant à la vôtre. Et pour que cela advienne, il faut qu'une certaine conscience du monde ait lieu.
L'émotion est une affliction surmontée, un immense chagrin que l'on surmonte de justesse, pour ne pas y être englouti. Quelquefois elle confine au sublime mais sans cesse elle retourne à la douleur, première, "existentielle", d'être séparé. L'émotion est absolument involontaire, elle est un pur événement intérieur, elle arrive, c'est tout, vous surprend, vous désarme, insiste et bouleverse l'ordre des pensées, comme tout autre ordre d'ailleurs.
On vous a parlé de cette idée-là
Jalousie 1 de l'essence
De quoi parlons-nous quand nous parlons d'essence ?
De fait, "essence" (essentia) est un terme qui désigne simplement, si l'on peut dire, le fait d'être ; et il n'y a rien de si secret ni de si technique. Seulement, avec l'essence, la philosophie se pose un problèmes qui n'intéresse qu'elle (croit-elle) et part d'une hypothèse qu'elle seule (croit-elle) peut confirmer ou infirmer. A savoir le mot "être" n'a-t-il de valeur grammaticale ou exprime-t-il quelque propriété fondamentale réellement attribuable à cette chose dont on dit qu'elle "est" ?
Qu'est-ce donc que l'essence ? Ce nom français qui dérive du latin essentia, Sénèque le tenait pour un néologisme indispensable, nulle autre forme latine ne pouvant rendre exactement le grec ousia.
Mais en bon français classique "essence" signifie d'abord l'être, c'est à dire le réel même, ce qui est. Tel est bien le sens que les Grecs donnent à ousia, que Platon utilise pour désigner l'Idée, comme Aristote pour désigner la substance.
Le problème de l'être et de l'essence se pose à nous à partir d'une phénoménologie de l'existence, à savoir comment les indéfinies possibilités de l'essence se déterminent à "exister". Or, l'être n'est pas seulement tout ce qui existe mais tout ce qui aurait puissance d'être, c'est à dire une pensée, un désir, un rêve, un manque, autrement dit quelque chose d'à peine existant et qui côtoie dès lors assez vertigineusement le vide.
L'être, remarque Hegel, en tant qu'essence est la plus abstraite des notions, donc " il ne peut rien y avoir pour la pensée qui ait moins de contenu que l'être. "
Que se passe-t-il alors quand on va jusqu'à penser que l'être peut aussi bien admettre le néant ? La question est d'autant plus cruciale qu'elle concerne Dieu. Dieu comme essence de toute essence, ou être contenant en lui tout être et tous les êtres, ou encore "pure essence" s'identifie alors au retrait, au "rien" d'Angelius Silésius et des maîtres rhénans de la théologie négative.
Du côté de l'essence (comme on irait du côté de Guermantes), il y a l'être contenant tout existant (l'être de l'étant heidggerien) et l'être qui est tellement indéfini qu'il devient à son tour "néant". Or, l'écart de pensée est abyssal, puisque alors l'essence contiendrait aussi bien toutes les déterminations qu'aucune, de l'espace vide des mathématiciens au Dieu omniscient.
La philosophie use de concepts comme autant de petits barreaux de bois magique pour construire une échelle éternelle. Et pour atteindre quoi ? les vérités célestes ? non, le désir.
C’est la même force qui pousse un homme, une femme à aimer et à penser.
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Philosopher ensemble !
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Avec la participation de:
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