Voleurs de sucre

Voleurs de sucre ? un OLNI (objet littéraire non identifié) à mi-chemin entre les "Contes du chat perché" et "Le tambour". La parole est ici à l'enfant dont on suit les apprentissages: la marche, la parole et la manipulation. Il s'agit donc d'un très jeune enfant qui découvre le monde et ses contradictions, interprète son entourage, se forge des opinions et fantasme sa toute puissance, lui qui échappe à presque toutes les contraintes que les adultes tentent de lui imposer. On est dans un réalisme fabuleux ou affabulé — un moyen d'expression que j'ai trouvé aussi dans "La fiancée américaine": réalisme par les descriptions et l'inspiration qui semblent largement autobiographique mais réalisme décalé, distancé empreint de fantaisie qui permet que se dégage, à travers une observation caricaturale de la société déformée par la vision de l'enfant, une sorte de leçon comme on en trouve dans les fables. Il m'en reste le souvenir d'une lecture agréable et recommandable. C'est le premier roman d'Éric Dupont et on sent déjà l'étoffe d'un très bon auteur.

Éric est un bambin dont nous suivons l'évolution de sa dépendance au sucre. Celle-ci a débuté lorsque sa mère a ajouté du sirop d'érable à son biberon à l'âge de neuf mois. Nous suivons les tribulations d'Éric et sa soeur Marie-Josée dans leur quête de glucose. Au fil de leurs péripéties, ils tenteront d'écarter de leur chemin leurs ennemis, les voleurs de sucre.

En tant que grande amatrice de sucreries, ce récit m'attirait énormément! J'ai souvent fait bien des détours pour obtenir des bonbons... Je me suis reconnue à quelques reprses dans cette fable. L'histoire est originale, et traite de la dépendance à la poudre blanche qu'est le sucre. Plusieurs analogies avec la réalité de la drogue sont amenées de façon amusante. le langage du garçon représente peu celui d'un enfant de son âge, mais je crois que c'était voulu par l'auteur. Ça ne m'a d'ailleurs pas dérangé.

Nous sommes dans la tête d'Éric. Éric est un bébé quand nous commençons à suivre ses aventures, ou plutôt, ses mésaventures. Tout jeune, il fait déjà l'expérience de la drogue la plus addictive qui existe : le sucre.

Sa mère mettait du sirop d'érable dans son biberon pour qu'il se sente rempli et cesse enfin de pleurer. Les problèmes surviennent rapidement; notamment, avec le sucre, celui du l'embonpoint. Il faut dire que chez un si jeune enfant, cela devint rapidement problématique. S'ensuivent quelques années de désintoxication, où le jeune Éric fait tout son possible pour y échapper et emmener sa soeur avec lui dans l'enfer de la drogue. Tout d'abord, il multiplie ses fournisseurs de drogue; la gardienne, les amies de sa mère. Ce n'est cependant pas très fructueux.

Plus vieux, il découvre une véritable mine d'or : les canettes et autres bouteilles consignées. Il convainc ensuite sa soeur de s'adonner avec lui à ce commerce. C'est une période bien triste de sa vie, car il fréquente alors des motards, traine sur le stationnement du casse-croute toute la journée et ment à sa famille. Lorsque celle-ci le découvre, elle l'envoie de nouveau en cure de désintoxication à l'hôpital de leur petite ville de Gaspésie. C'est alors qu'Éric développe une véritable haine pour les médecins, ses némésis qu'il n'aimait déjà pas beaucoup.

Quelque temps après sa cure, Éric et sa soeur font une fugue en ville. Bien vite, la serveuse d'un restaurant où ils s'arrêtent les reconnait et signale leur présence à leur père. Afin d'éviter que son fils gâche davantage sa vie avec la drogue du sucre, la jeune famille décide de déménager afin de changer d'environnement et, accessoirement, d'emploi. Avant de quitter le village qui était désormais son repère, Éric décide cependant de partir sur un coup d'éclat, afin de propager son amour du sucre et de se venger des médecins de l'hôpital.

Écrit avec humour, intelligence et cocasserie, un roman qui vous permettra d'entrevoir la réalité d'un regard différent pendant un instant et vous offrira un véritable moment de détente.
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