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EAN : 9782721009111
224 pages
Editions des Femmes (18/11/2021)
4.78/5   9 notes
Résumé :
Figure de proue du féminisme américain, Andrea Dworkin a été prise pour cible de la haine antiféministe. Le milieu de l’édition américaine lui reproche le manque de « féminité » de son écriture, directe et sans compromis, qui choque et décille les consciences. Pour survivre, elle se tourne vers l’art oratoire et se déplace de campus en associations, où elle suscite l’admiration, la colère et le débat.

Publié en 1976 aux États-Unis, enrichi en 1981 d’u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Je reproduis les deux « encarts » ouvrant le livre.

« Pour Barbara Deming

Je considère que si nous sommes prêtes à affronter nos colères qui nous semblent les plus personnelles, dans leur état brut, et nous nous donnons la tâche de traduire cette colère brute en une colère destinée à rechercher un changement, nous nous trouverons dans une position beaucoup plus persuasive pour interpeller les camarades sur la nécessité d'extirper de toute colère la volonté de meurtre. Barbara Deming, On Anger et We Cannot Live Without Our Lives »



« À la mémoire de Sojourner Truth

Alors, les femmes ne réclament pas la moitié d'un royaume, mais leurs droits, et elles ne les obtiennent pas. Quand elles viennent les exiger, n'entendez-vous pas comment les fils houspillent leurs mères comme des serpents, parce qu'elles réclament leurs droits ; et peuvent-elles demander quoi que ce soit de moins ? […] Mais nous aurons nos droits ; regardez voir si nous n'y arrivons pas ; et vous ne pouvez pas nous en empêcher ; regardez voir si vous en êtes capable. Vous pouvez houspiller autant que vous le voulez, mais c'est en train d'arriver. Sojourner Truth, 1853 »

Les grands éditeurs n'aiment pas le radicalisme des féministes. Une puissante autrice comme Andrea Dworkin n'a pas trouvé place dans leurs collections. Il a donc fallu plus de quarante ans pour que ce livre trouve enfin un petit éditeur québecois engagé pour que nous puissions en lire une traduction en français. Merci aussi à Yeun et à Martin.

« J'ai donc pris la parole en public – non pas avec l'étalage improvisé de pensées ou l'effusion de sentiments, mais avec une prose façonnée pour informer, persuader, perturber, provoquer la reconnaissance, autoriser la rage ».

Dans sa préface, Andrea Dworkin aborde, entre autres, l'absence d'édition de ses travaux, ses conférences, la réception de son livre Woman Hating. Elle présente les contextes et les textes ici rassemblés. L'autrice parle aussi du travail d'écriture, de « la présomption systématique d'appropriation masculine du corps et du travail des femmes, la réalité matérielle de cette possession, la dévalorisation économique du travail des femmes », d'écriture « pour une voix humaine »…

Un ensemble de conférences et de textes publiés en 1974 et 1975 :

Le féminisme, l'art et ma mère Sylvia

Renoncer à l'« égalité » sexuelle

Se souvenir des sorcières

L'atrocité du viol et le gars d'à côté

La politique sexuelle de la peur et du courage

Redéfinir la non-violence

Fierté lesbienne

Notre sang : l'esclavage des femmes en Amérike

La cause première

Je souligne, une fois encore, la qualité de l'écriture d'Andrea Dworkin. Il s'agit bien d'une immense écrivaine, d'une écrivaine féministe, d'une féministe radicale. Ses idées, ses analyses, ses mots résonnent particulièrement en notre période de grande confusion et de contre-attaques masculinistes, de la soi-disant égalité-déjà-là, des mises sur la place publique des violences systématiques exercées par des hommes sur des femmes.

Quelques éléments choisis subjectivement.

Ce que les un·es et les autres attendent des filles, ce qui leur est interdit ou peu encouragé, « Puisque c'était une fille, personne ne l'a encouragée à lire des livres », l'enfance et la relation au père, « Je ne sais pas pourquoi il n'a pas fait de distinction entre sa petite fille et son petit garçon, mais il n'en a pas fait », la relation à la mère, « je la vivais seulement comme une ignorante, une personne sans grâce ou passion ou sagesse » puis fière « de ce qu'elle avait accompli », les événements qui font bouger les rapports sociaux, « la terre a parfois bougé », les pieds bandés de femmes en Chine, le massacre des sorcières, « J'ai appris quelque chose sur la nature du monde qui m'avait été cachée auparavant – j'ai vu un mépris systématique des femmes qui imprégnait chaque institution de la société, chaque organe de la culture, chaque expression de l'être humain », le devenir femme, « je suis devenue une femme qui savait qu'elle était une femme, c'est-à-dire parce que je suis devenue féministe », la saturation des visions du monde profondément misogynes, l'art masculiniste et le monde « habité d'une nouvelle manière » par les féministes…

Je souligne la force des pages sur la sexualité, le modèle sexuel masculin, « les hommes possèdent en faitl'acte sexuel, le langage qui décrit le sexe, les femmes qu'ils chosifient » et « aucun élément du modèle sexuel masculin n'est utilisable », le corps et la vie de nombreuses soeurs…

L'autrice revient sur les sorcières, le gynocide, « le gynocide est la mutilation, le viol ou le meurtre systématique de femmes par des hommes », la sorcellerie comme crime des femmes, les convictions meurtrières « d'érudits, de législateurs, de juges ».

Elle nous parle du viol et du gars d'à coté, « Je veux vous parler de viol, de ce que c'est, de qui le commet, contre qui, comment, pourquoi et de ce qu'il faut faire à son sujet pour qu'il ne soit plus commis », de l'assignation au mariage, « consignées de naissance à cette mort vivante légale et sociale appelée mariage », du dédain systématique envers « notre intelligence, notre créativité et notre force », du droit d'un homme au viol délimité par les textes religieux, de l'appropriation des filles et des droits propriétaires, du viol comme « crime contre le propriétaire de la femme », de la conversion ou de la mystification du viol en « amour romantique », de l'existence d'une femme « pour être baisée », du consentement aux rapports sexuels, « La notion de consentement aux rapports sexuels en tant que droit humain inaliénable d'une femme n'existe pas dans la jurisprudence masculine ; le retrait du consentement d'une femme n'est perçu que comme une forme socialement acceptable de marchandage et la notion de consentement n'est respectée que dans la mesure où elle protège le droit de propriété du mâle sur son corps à elle », de la définition du viol en tant que « crime social » et crime sexiste, des hommes normaux, du viol conjugal, de la très faible condamnation des violeurs, du retournement de réalité en présumant que la femme ai pu provoquer le viol, du danger pour toutes les femmes, du racisme et du sexisme, des hommes comme « classe de sexe privilégiée », des viols de guerre « les femmes sont perçues comme les biens meubles d'hommes ennemis », des rituels de la confrérie privilégiée des gars…

« le viol est donc la conséquence logique d'un système de définitions de ce qui est normatif. le viol n'est ni un abus, ni une aberration, ni un accident, ni une erreur – il incarne la sexualité telle que définie par la culture ».

L'autrice insiste sur l'importance des centres d'accueil pour femmes violées, l'autodéfense, l'anéantissement de la « structure de la culture telle que nous la connaissons », le désapprentissage de la passivité…

Elle parle aussi de la peur et du courage, de la construction de la féminité et de la masculinité, de la suprématie masculine, de la condition masculine pensée comme unique condition humaine, de la possession du phallus comme marqueur de valeur, du manque comme construction genrée, de la peur comme « réponse acquise », de mutilation…

« le projet féministe est de mettre fin à la domination masculine – de la rayer de la surface de la Terre. Nous voulons aussi mettre fin aux formes d'injustice sociale qui découlent du modèle patriarcal de la hiérarchie masculine – à savoir, l'impérialisme, le colonialisme, le racisme, la guerre, la pauvreté, la violence sous toutes ses formes ». Andrea Dworkin parle de la nécessité de détruire les identités sexuelles masculine et féminine – une approche autrement subversive que la défense et le renforcement des identités sexuelles prônée par des « transactivistes » -, de construction d'une nouvelle culture « non hiérarchique », de récusation de la sexualité génitale, de nouvelles « formes visionnaires de communauté humaine »…

L'autrice ouvre de passionnantes discussions autour de la non-violence, de la fierté lesbienne, « Cet amour des femmes, c'est le sol dans lequel s'enracine ma vie. C'est le sol de notre vie commune à toutes. C'est de cette terre que je me nourris. Partout ail- leurs, je dépérirais. Quelles que soient mes façons d'être forte, elles tiennent à la force et à la passion de cet amour nourricier », de l'esclavage des femmes en Amérike, des « chagrins hérités », du mariage comme tombeau, de la création de la « femme-comme-ornement », de l'esclavage étasunien, de la désobéissance civile, de la cruauté macabre de la pornographie, de l'acte de baise, du système de polarité de genre…

« La première tâche, en tant que féministes, est d'apprendre à voir de nos propres yeux »

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Notre Sang, c'est d'abord l'histoire d'une femme, qui, parce qu'elle est une femme, va devoir se battre pour être publiée, se battre pour être rémunérée. Dès la préface de ses discours, l'autrice, avec une plume qui ne nous ménage pas, m'a profondément émue et embarquée avec elle.

Dans cet ouvrage, qui réunit neuf discours, prononcés en 1975 aux Etats-Unis, Andrea Dworkin, dénonce, avec une incroyable persévérance et lucidité, les violences, visibles ou invisibles, conscientes ou inconscientes, de la société patriarcale.

Dans son premier discours, Andrea Dworkin nous livre son experience personnelle, son parcours. D'une petite fille admirative de son père, érudit, passionné de culture et, déçue d'une mère, qui ne semble être là que pour lui apprendre à nettoyer et tenir un foyer; à une jeune femme, qui de plus en plus lucide sur la prédisposition des femmes à se taire, à ne pas être au monde, va recréer une relation avec sa mère, empreinte d'une admiration sans faille pour celle qui, silenciée, n'en reste pas moins courageuse. Les discours suivants, fourmillent d'informations, de prises de position franches sur le viol, la sexualité masculine, notre refus, presque de survivantes, de voir la misogynie de la société.

Au fur et à mesure des prises de conscience de l'autrice, son regard s'élargit, pour finalement se poser sur chacune d'entre nous, sur ses soeurs, sur leurs combats.
La forme du discours, confère une puissance à sa parole, que je n'avais jamais ressentie avant. A travers ses discours, elle s'adresse à nous, directement, et quelle claque !

L'une des traductrices, nous conseille de les lire à haute voix, et elle a raison, vous en ressentirez d'autant plus, toute leur force.

Un dernier mot sur le style de l'autrice, et la qualité de cette traduction: les mots choisis sont percutants, efficaces, ils nous emportent. J'ai trouvé l'écriture d'une étonnante beauté, la rhétorique impeccable.

LISEZ ANDREA DWORKIN
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Merci à Babelio et sa masse critique de m'avoir permis de découvrir cette auteure.
Ce texte est un recueil de conférences qu'Andréa Dworkin a donné dans des universités américaines, lors de colloques, dans les années 70. Elle a un discours très radical, pour certains, sur la place des femmes dans la société et elle aborde dans ce recueil, le thème du viol, l'histoire des sorcières, de la sexualité, de la sororité dans le doux pays de l'Amérike.
Elle déconstruit et dissèque les discours majoritaires, les comportements masculinistes..
Ces textes de conférences ont été publiés en 1976. Elle a fait des conférences car elle n'avait pas réussi à faire accepter ses écrits pour qu'ils soient publiés.
Et malheureusement, ses propos sont toujours d'une cruelle actualité. Et nous pourrions encore et encore écouter ses textes et ses propositions, même si des choses sont dites, criées et que les rapports entre hommes et femmes évoluent. Elle a des mots forts pour parler de la situation des femmes, elle parle de guerre et d'une lutte contre la domination masculine dans nos sociétés. Elle aborde des thématiques très importantes, sur le viol, sur le consentement, sur la sororité... Elle donne des références littéraires, journalistiques. Elle parle très bien des rapports entre hommes et femmes, mais aussi entre femmes et le rapport entre fille/mère.
Une découverte d'une auteure majeure dans le féminisme et que malheureusement ses discours sont d'actualité même si des mouvements récents prouvent qu'il ne faut pas se taire.

Ce texte m'incite à continuer à lire les textes de cette auteure
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Tout d'abord, merci à Babelio et la maison d'édition pour ce livre. Il est presque effrayant de voir à quel point les discours traduits dans cet ouvrage sont encore d'actualité... J'ai beaucoup apprécié le ton de l'autrice, elle parle d'une manière claire, cohérente, bien sourcée et les thématiques abordées sont toujours brûlantes de pertinence. Cela donne envie de lire d'autres essais dans ce style, qu'il s'agisse de ceux de Dworkin ou des conseils qu'elle propose en notes. Un bon ouvrage pour celles et ceux qui s'intéressent au féminisme et une lecture que, d'ailleurs, je conseillerais à toutes et tous pour mieux comprendre en quoi ce militantisme est essentiel !
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J'ai reçu ce livre dans le cadre de Masse critique, je remercie donc Babelio et les Editions des femmes de m'avoir permis de découvrir cette autrice féministe radicale culte que j'avais hâte de lire !!
Ce livre contient 9 conférences qu'a données Andrea Dworkin. Elle aborde la brutalité du monde pour les femmes, la masculinité toxique, la relation mère-fille, la chasse aux sorcières, etc. Ce recueil de discours a été publié aux Etats-Unis en 76 mais les thématiques évoquées par Dworkin résonnent encore en 2022 et c'est glaçant... Un livre à mettre en toutes les mains pour comprendre et critiquer le système patriarcal qui a encore la belle vie dans notre société actuelle.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Le projet féministe est de mettre fin à la domination masculine – de la rayer de la surface de la Terre. Nous voulons aussi mettre fin aux formes d’injustice sociale qui découlent du modèle patriarcal de la hiérarchie masculine – à savoir, l’impérialisme, le colonialisme, le racisme, la guerre, la pauvreté, la violence sous toutes ses formes
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Ceux-là, les masculinistes, nous ont raconté qu’ils écrivent sur la condition humaine, que leurs thèmes sont les grands thèmes – l’amour, la mort, l’héroïsme, la souffrance, l’Histoire même. Ils nous ont raconté que nos thèmes – l’amour, la mort, l’héroïsme, la souffrance, l’Histoire même – sont insignifiants parce que, par nature, nous sommes insignifiantes. Je renie l’art masculiniste. Ce n’est pas un art qui éclaire la condition humaine – il éclaire seulement, et pour toujours à la honte éternelle des hommes, le monde masculiniste – et à bien regarder autour de nous, ce n’est pas un monde dont on peut être fier.
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J’ai donc pris la parole en public – non pas avec l’étalage improvisé de pensées ou l’effusion de sentiments, mais avec une prose façonnée pour informer, persuader, perturber, provoquer la reconnaissance, autoriser la rage
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Nous répudierons le système patriarcal tout entier, avec ses institutions sadomasochistes, avec ses scénarios de domination et de soumission sociales tous fondés sur le modèle hommes-dominants/femmes-dominées, quand nous refuserons consciencieusement, rigoureusement et absolument d’être le terreau sur lequel l’agressivité, la fierté et l’arrogance masculines peuvent croître telles de mauvaises herbes.
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La notion de consentement aux rapports sexuels en tant que droit humain inaliénable d’une femme n’existe pas dans la jurisprudence masculine ; le retrait du consentement d’une femme n’est perçu que comme une forme socialement acceptable de marchandage et la notion de consentement n’est respectée que dans la mesure où elle protège le droit de propriété du mâle sur son corps à elle
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Vidéo de Andrea Dworkin
Dans le webinaire trimestriel de notre revue Prostitution et Société, Harmony Devillard nous parle du premier livre de la féministe radicale états-unienne Andrea Dworkin : Woman Hating, de la misogynie. Harmony a co-traduit avec Camille Chaplain cet ouvrage magistral écrit en 1974. Où l'on apprend qu'en ce qui concerne les femmes, contes de fées et pornographie racontent la même histoire : une femme bonne, c'est une femme morte...
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