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Myriem Bouzaher (Traducteur)
EAN : 9782253048794
314 pages
Le Livre de Poche (18/01/1989)
3.84/5   70 notes
Résumé :
Lire n’est pas un acte neutre : il se noue entre le lecteur et le texte une série de relations complexes, de stratégies singulières qui, le plus souvent, modifient sensiblement la nature même de l’écrit originaire. Lector in fabula se veut ainsi le répertoire des diverses modalités de la lecture et une exploration raisonnée de l’art d’écrire. Pour comprendre le rôle du lecteur, mais aussi celui de l’auteur.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Lors de l'écriture de son texte, l'auteur postulerait les connaissances de son Lecteur Modèle qui comprennent ses connaissances sémantiques (qu'est-ce qu'un chat, un hibou), idéologiques (ce qui se fait en société, ce qui convient, ce qui est bien ou mal), mais aussi d'"hypercodage rhétorique" (quand on dit "ils sont mariés" c'est l'un à l'autre et non chacun de son côté) et de "frame" (les scénarios classiques de la fiction, ex : quand une victime est attachée à des rails, quelqu'un vient la délivrer (à cheval)).

Toutes ces informations seraient consignées dans une encycopédie qui serait propre à chaque lecteur. Les lecteurs cultivés peuvent, le cas échéant, constituer plusieurs encyclopédies et mobiliser le contenu de celle de leur choix selon l'angle de lecture qu'ils se donnent (l'Encyclopédie historique pour lire les Misérables ou l'Encyclopédie romantique ; l'Encyclopédie du Moyen-Age pour lire la Divine Comédie ou l'Encyclopédie Contemporaine). L'encyclopédie contient des entrées par mot et des propriétés pour chaque mot (père = adulte, masculin, humain, deux bras, deux oreilles, mortel, etc.). Ces propriétés sont illimitées mais convoquées seulement à mesure des besoins du texte (père = éducateur de x et on verra plus tard pour l'aspect mortel). Les propriétés non nécessaires sont "narcotisées" ou mises en attente.

Grâce à son encyclopédie, le lecteur interpète le texte au cours de sa lecture. Quand des hypothèses sont formulées ou des attentes créées (que va faire le personnage x), naît un monde possible. Il s'actualise si les événements supputés se réalisent ou est oublié. La totalité de la fabula représente une suite d'états d'un même monde, celui de la fabula, dans lequel, éventuellement, les personnages ont leur propre monde (x croit que et rêve que, y a l'intention de). Ce qui relie le monde réel du monde possible s'obtient par recensement des individus (personnages, choses, villes, etc) et des propriétés (lois, règles, conventions, etc.) du monde "réel" et du monde de la fabula. La lecture est donc une opération hautement intellectuelle et logique qui requiert une très grande lucidité sur l'état de ses connaissances propres et une analyse de véridicité constante des assertions du texte littéraire (en conformité avec les postulats de la logique modale).

On se demande où passe l'aspect esthétique et émotionnel de la lecture (et de l'écriture) dans cette conception exclusivement raisonnée de la lecture qui place le processus d'interprétation dans la véridicité des assertions proposées. Les explications postulées semblent davantage devoir cadrer avec des textes scientifiques qui ne visent en effet qu'à dire le vrai qu'à des textes de fiction qui précisément en jouent en activant d'autres mécanismes en complément de ceux de la raison pure. Il semble que réduire le langage à des formules mathématiques appauvrit sensiblement la capacité à produire et interpréter un contenu textuel, apparentée à une opération statique plutôt que dynamique, et le referme dans des codes objectivés qui nient l'expérience identitaire, existentielle et sensitive de la réalité. Si le langage était une mathématique, on ferait des sciences avec des mots et on ferait des romans avec des parenthèses, des intégrales et des fractions... et les ponts s'écrouleraient (mais ils seraient très interprétables) et la littérature serait d'un ch... (mais sans ambiguïté !)
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Une thèse intéressante quant au rôle actif du lecteur, devenant en partie "créateur" du texte par son interprétation et ses connaissances propres.
Cet ouvrage nécessite tout de même un minimum de connaissances en termes linguistiques pour être bien compris ou présenter de l'intérêt.
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Tout écrit suppose un "Lecteur modèle" explique Umberto Ecco dans cet ouvrage, qui, pour bien comprendre l'auteur, pour bien l'interpréter, pour bien décrypter les sous-entendus et les allusions, pour faire son "travail de lecteur", doit avoir les connaissances attendues. Cela lui permettra de mobiliser son "Encyclopédie" personnelle, notamment sur le plan du vocabulaire, des références historiques... Pour comprendre les Trois Mousquetaires - pour prendre un exemple que U. Ecco cite lui-même, il faut donc savoir que Louis XIII est le roi de France, que Richelieu est son cardinal-ministre...
Je dois donc reconnaître que je ne suis pas le "Lecteur modèle" - ou la "Lectrice-modèle" attendu par Umberto Ecco pour le comprendre, puisque je n'avais jamais lu d'ouvrage de sémiotique et de linguistique... J'ai donc été perdue par certains termes que je ne connaissais pas, par les schémas et les organigrammes qui, pour moi, compliquaient plus la réflexion qu'ils ne l'éclaircissaient. Puisque, finalement, le fond de l'ouvrage m'a paru assez clair : L Auteur écrit en pensant à un Lecteur et aux qualités requises qu'il doit avoir, mais, finalement, c'est le Lecteur qui interprète le texte et qui, selon ses propres références, comprend le récit à sa façon. A l'extrême, on pourrait dire que chacun a sa propre lecture. J'ai d'ailleurs bien aimé la notion de "chapitre-fantôme" que je ne connaissais pas, lorsque le Lecteur doit remplir les blancs, les ellipses temporelles d'un récit.
L'Auteur nous donne des indices à décrypter, mais il peut aussi chercher à nous piéger - comme dans la nouvelle d'Alphonse Allais citée en annexe et largement analysée dans l'oeuvre, "Un drame bien parisien". Finalement, pour moi qui n'avais pas toutes les clefs pour comprendre le raisonnement d'Ecco, j'ai pu grâce à lui découvrir un autre auteur et d'autres lectures, ce qui est le principal !
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Derrière un titre et une couverture attirante, tout lecteur est séduit par l'idée qu'un savant sémiologue va démontrer son rôle essentiel. Mais il est aussitôt plongé dans les profondeurs des théories sémiologiques de l'époque du structuralisme en un maelström d'illisible érudition qui confine à la facétie oulipienne. Mais l'on n'en voudra pas à l'auteur qui a su séduire son lecteur par tant de romans éblouissants, d'autant qu'il l'invite à lire, en appendice, deux courtes nouvelles d'Alphonse Allais ("Un drame bien parisien" et "Les templiers") qui brillent comme deux étoiles au sortir d'une longue nuit.
Sur le sujet, on préférera Voltaire, qui dans sa "Préface au Dictionnaire Philosophique" déclare de manière lumineuse : "Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié ; ils étendent les pensées dont on leur présente le germe ; ils corrigent ce qui leur semble défectueux et fortifient par leurs réflexions ce qui leur paraît faible".
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Lecture tout indiquée pour les étudiants en littérature ou pour les gens désireux de comprendre le lien implicite entre un auteur et son lecteur. Eco rappelle brièvement les conditions historiques et les objectifs de son texte. Sinon, seuls les textes narratifs l'intéressent. Toute la réflexion développée dans Lector in Fabula repose sur la conception particulière du texte narratif comme une coopération entre l'auteur et le lecteur "Modèle" comme participant actif et non comme consommateur d'un produit fini.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Il est exact que d'habitude nous jugeons le monde d'une narration à partir de notre monde de référence et que nous faisons rarement l'inverse. Mais que signifie alors affirmer avec Aristote (Poétique, 1451b et 1542a) que la poésie est plus philosophique que l'histoire parce que dans la poésie les choses arrivent nécessairement tandis que dans l'histoire elles arrivent accidentellement ? Que signifie reconnaître, à la lecture d'un roman, que ce qui s'y passe est plus "vrai" que ce qui se passe dans la vie réelle ? Que signifie dire que le Napoléon pris pour cible par Pierre Besuchov est plus vrai que celui qui est mort à Sainte-Hélène, que les caractères d'une œuvre d'art sont plus "typiques" et "universels" que leurs prototypes réels, plus effectifs et plus probables ? Il nous semble que le drame d'Athos, qui ne pourra jamais abolir, en aucun monde possible, sa rencontre avec Milady, est le témoin de la vérité et de la grandeur de l'œuvre d'art, au-delà de toute métaphore, par la force des matrices structurales de mondes, nous faisant entrevoir ce que signifie la "nécessité poétique".
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« Le texte est un tissu d’espaces blancs, d’interstices à remplir, et celui qui l’a émis prévoyait qu’ils seraient remplis et les a laissés en blanc pour deux raisons.
D’abord parce qu’un texte est un mécanisme paresseux (ou économique) qui vit sur la plus-value de sens qui y est introduite par le destinataire [...].
Ensuite, au fur et à mesure qu’il passe de la fonction didactique à la fonction esthétique, un texte veut laisser
au lecteur l’initiative interprétative [...].
Un texte veut que quelqu’un l’aide à fonctionner. »
Umberto Eco, Lector in fabula Grasset, 1979,p. 66
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Borges suggéra un jour que l'on pourrait et devrait lire le De imitatione Christi comme s'il avait été écrit par Céline. Splendide invitation à un jeu incitant à l'utilisation fantaisiste et fantastique des textes mais hypothèse indéfendable pour l'intentio operis.
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La compétence de lecture est généralement conçue comme une capacité à discerner ce qui est là, mais si l'exemple de mes étudiants peut être généralisé, c'est une capacité à savoir comment produire ce dont on peut dire, après coup, qu'il est là. L'interprétation n'est pas l'art d'analyser mais l'art de construire. Les interprètes ne décodent pas les poèmes: ils les font.
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Nous devons donc faire une distinction entre l'utilisation libre d'un texte conçu comme stimulus de l'imagination et l'interprétation d'un texte ouvert. C'est sur cette frontière que se fonde, sans ambiguïté théorique, la possibilité de ce que Barthes appelle texte de jouissance.
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