Y a-t-il une relation d'égalité possible entre les - éboueurs - et ces jeunes gens de bonne famille ?
Si j'ai fait de ma vie un combat victorieux, c'est à eux que je le dois. Il ont été pour moi comme un phare. Jeunesse de l'an 2000, je te passe le flambeau pour qu'à ton tour, tu puisses marcher, même dans la nuit, à la lumière.
Voici, je crois, le secret de leur réussite : ils n'attendent aucun secours de dehors, mais uniquement d'eux-mêmes. Ils savent qu'ils ont des capacités cachées au plus profond de leur être, mais que, pour les faire jaillir, il leur faut sans cesse se battre contre le découragement qui les menace.
Ils s'acharnent, se font créatifs, audacieux, ils inventent des planches de salut pour se jeter à l'eau au secours des autres, sans se soucier du danger car vivre c'est risquer. Combien de fois n'ai-je pas vu naitre sous mes yeux l'éclatante énergie de ces lutteurs, de ces - maitres de l'impossible -.
C'est à vous que je m'adresse, jeunes de France et d'Europe, vous l'espoir de ce nouveau siècle prêt à éclore. Vieille femme de quatre-vingt-huit ans, j'ai vu le siècle dernier se terminer, j'ai été appelée dans les cinq continents pour répondre aux drames de la misère, de la violence et de la guerre, là où l'homme est un loup pour l'homme. Mais, partout, j'ai rencontré des jeunes, fonceurs, éclatants de dynamisme; ils ne s'avouaient jamais battus, quelle que soit l'horreur des tragédies. Bien au contraire, elles paraissaient faire naître en eux un esprit de bataille et d'inventivité.
J'avais quitté l'Europe en 1931 et j'ignorais que l'on y avait oublié la gaieté et la légèreté. J'avais connu en Turquie au Liban ou dans cette Egypte si misérable de tels moments de bonheur! Je ne savais pas encore que l'Europe était morose et grise. Ces jeunes arrivés mornes et désemparés avaient appris à donner et à sourire. Même dans un pays où la misère et la précarité régnaient, avec une nourriture faite de haricots et les demeures en vieux bidons, les gens savaient danser et chanter. Ces jeunes Européens partaient en riant, car ils avaient rencontré la solidarité, et compris la relativité des situations.
Dans ma chambrette, j'ai, accroché au mur, un tableau d'un de ces "internés", que les hôpitaux psychiatriques étiquettent : "malade mental" : l'un d'eux m'en avait fait cadeau. Je regarde ces traits d'araignée, ces couleurs sombres, ces formes étranges et il m'aident à accepter l'autre dans sa différence, à l'aimer. En voici l'histoire.
Un jour de visite, j'entre dans un de ces hôpitaux. Un "fou", bien jeune encore, vient vers moi, me prend par la main, me montre sa peinture, me parle d'elle. Pas un mot sur lui. Je l'écoute avec intérêt : "Qu'ils sont beaux, tes tableaux!"
Il rayonne et m'embrasse avec effusion : "Tu m'aimes et je t'aime, prends mon plus beau tableau!"
Dans son apparent isolement, cet homme n'était-il pas d'une certaine manière plus riche, plus productif que beaucoup d'autres et que moi-même? Quand je regarde son tableau, je pense à la richesse du pauvre.
Vahina Giocante dans les pas de Soeur Emmanuelle au Burkina .L'actrice soutient une grande campagne de l'association Asmae dont elle est la marraine et nous raconte son immersion dans une mission au Burkina Faso. | Retrouvez sur notre site toutes les vidéos du Nouvel Observateur