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Henriette Guex-Rolle (Traducteur)
EAN : 9782207239360
272 pages
Denoël (21/02/1992)
3.88/5   265 notes
Résumé :
Japon, 1614. Le shogun formule un édit d'expulsion de tous les missionnaires catholiques. En dépit des persécutions, ces derniers poursuivent leur apostolat. Jusqu'à ce qu'une rumeur enfle à Rome : Christophe Ferreira, missionnaire tenu en haute estime, aurait renié sa foi. Trois jeunes prêtres partent au Japon pour enquêter et poursuivre l'oeuvre évangélisatrice ...


Dans ce roman encensé par la critique internationale, Shûsaku Endô éclaire un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (62) Voir plus Ajouter une critique
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Le silence règne sur les montagnes. Sur la mer. Sur un pays. Aux cieux. Ce silence oppressant, aussi lourd à porter qu'une croix sur son épaule. le Japon s'est ouvert aux portugais, pour le commerce. Les portugais y apportèrent la paix du Christ ou du moins leur religion. Des prêtres convertirent les paysans au christianisme. La foi devant le Seigneur fut grande et pleine d'espoir. Mais le Japon est-elle une terre d'asile pour cette religion ? Des bruits venus de cette île font état de persécutions sur ces néo-chrétiens. Bravant le danger, l'incertain, le voyage, les années, la mer, la maladie, la piraterie, la mort - quelle expédition ! – deux envoyés de Dieu débarquent sous une lune éclairée - et sa bienveillance clarté ? - sur cette terre si hostile aux ouailles du même Dieu.

Une plage déserte, une croix au sommet de la montagne, une pluie déchirante, mauvaise augure...

Je chemine donc en silence (le silence étant ce qui me caractérise le mieux) cet extraordinaire voyage (autant que celui d'un samouraï du même auteur) avec tous les questionnements qui s'imposent. Sur la foi. Sur Dieu. Sur la barbarie humaine. Sur l'âme. Entre chaque question intérieure, tu me réponds par un silence. Un silence que j'accepte au début comme une mise à l'épreuve de ma foi. Mais le silence devient torture, la torture s'en prend à des paysans, les paysans sont crucifiés, noyés, saignés. le silence demeure. L'homme meurt. le silence oppresse, divise même mon esprit. J'attends que tu me répondes, Dieu, sur ce que tu attends de moi, de nous, simples missionnaires venus répandre ta foi et ta compassion sur la terre, une terre boueuse et devenue bien silencieuse.

La nuit, tandis que la lune monte, je regarde le ciel et ses étoiles qui clignotent comme autant d'âmes venues s'évaporer dans les volutes de la Voie Lactée. La mer se démonte contre les falaises de cette île silencieuse. La pluie se fracasse dans un bruissement continu et hurlant. Ai-je envie de hurler mon cri de douleur et de désespoir à la face de ce monde ? Pourtant je n'entends que le bruit des vagues et le croassement des corbeaux répondants au coassement des grenouilles. Lugubre. Funeste. Les missionnaires espèrent, attendent, prient. Pour leur salut. Pour celui des chrétiens. Pour celui des âmes perdues. Croyant ou pas, j'assiste impuissant à ces séances de torture organisées par le chef suprême. La torture physique devient psychologique. Ne pas les tuer. Ne pas en faire des martyrs. Un missionnaire soumis qui renonce à sa religion aura toujours plus de poids et de force qu'un missionnaire mort. Là est la vraie torture, le faire douter de sa foi, de son Dieu, jusqu'à l'apostasie. Un Dieu qui a choisi de garder le silence, un silence si oppressant qu'il en est devenu incompréhensible pour qui veut garder la foi devant tant de cruauté humaine. Comme un signe d'abandon.

[...]
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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Japon, début de la période Tokugawa, le pays se referme comme une huitre, expulse les Espagnols et les Portugais, chasse et persécute les chrétiens. Trois jeunes prêtres partent au Japon pour enquêter sur la rumeur prétendant que leur mentor a renié sa foi et poursuivre son oeuvre évangélisatrice.

En me procurant ce livre je m'attendais à apprécier une oeuvre d'aventures me permettant de découvrir de l'intérieur (j'entends de la part d'un japonais) les coutumes, les codes, les décors du Japon du XVIIème siècle. Il s'est révélé beaucoup plus âpre, dur, difficile à soutenir, non pas parce qu'il est mauvais, mais au contraire parce qu'il est cruellement efficace dans les images qu'il veut nous faire partager.

Car le livre est surtout consacré à la résistance du prêtre catholique Sébastien Rodrigues face aux autorités japonaises qui veulent le pousser à apostasier. Rien n'est épargné à Sébastien, ni au lecteur. On voit se mettre en marche une machine bien huilée de déstructuration de la personnalité, enchainant interrogatoires contradictoires, supplices surtout subis par ses brebis chrétiennes et que seul sa renonciation pourra stopper, mépris affichés par ses geôliers suivis de démonstrations d'amitié (pour provoquer une empathie envers ses bourreaux). C'est peu de dire que Sébastien est déstabilisé. Ce n'est pas un martyr des premiers temps, fier, droit et inflexible. Il doute et nous le fait partager, longuement, par vagues de dépressions et de résolutions. Et le plus dur pour lui, c'est ce silence que Dieu maintient devant les cris de ses croyants suppliciés, devant le calvaire de son ministre, devant la perte pour la foi de tout un pays.

Le style d'écriture est changeant. Il commence de manière épistolaire à travers les lettres de Sébastien et se poursuit par un texte écrit à la troisième personne mais maintenant le point de vue du prêtre. C'est donc par les yeux d'un catholique que le Japon et les japonais nous sont présentés, un catholique en proie à des attaques violentes, intérieures et extérieures, sur sa foi et sa raison. Il a autre chose à faire que de nous faire partager le point de vue japonais. Ses interlocuteurs sont vus de manière superficielle. C'est ce que j'ai trouvé de plus frustrant, comme visiter ce pays exotique et rester à l'hôtel 4 étoiles sans possibilité de véritable immersion.

Mais à travers les interrogatoires contradictoires l'auteur, japonais et catholique, nous fait saisir les points de vue théologiques dissonants : Sébastien croit à l'universalité de sa foi, les japonais croient qu'une religion est transformée lorsqu'elle est implantée dans un nouveau sol, jusqu'à devenir méconnaissable. C'est la lutte de l'Un contre le Multiple, l'unité contre la diversité, une forme particulière de dualité Yin-Yang.

Un livre exigeant, mais superbe. Ne l'emportez pas à la plage pour vous détendre. Prenez le temps ; supportez les longueurs, vous serez récompensés.
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Le sujet est vieux comme le monde et ça continue d'ailleurs ! D'un côté : évangélisation, persécutions, guerres de croyances, exactions, tortures et atrocités… et de l'autre la Foi, sa force et le don de soi pour sauver ses prochains et …se sauver.
Ce livre nous révèle un pan de l'histoire du Japon du XVII siècle, nous sommes en 1638 les chrétiens sont chassés et persécutés, une rumeur arrive à Rome, le père Ferreira grand missionnaire estimé aurait apostasié sous la torture. Deux Jésuites Portugais, Sébastien Rodrigues et François Garpe ayant eu Ferreira pour chef spirituel, décident de partir et d ‘enquêter sur ces rumeurs d'apostasie…
Le livre nous est conté sous forme de journal nous vivons les doutes, les souffrances et la révolte de Sébastien Rodrigues. le silence, c'est le silence de Dieu devant la souffrance, l'indifférence de tous et de tout devant la mort.
Shusâku Endô écrit merveilleusement, j'ai été touchée par la force et la beauté du récit. Son écriture est poétique, malgré la dureté du sujet. La nature tient sa place, le clair de lune et son éclairage énigmatique, la nuit noire et l'angoisse qu'elle engendre. Enfin comme en opposition au Silence de Dieu, son récit est aussi très sonore, par exemple, les cris de la cigale qui reviennent incessamment dans les moments tragiques, la pluie qui tambourine souvent, les enfants qui chantent …
J'ai aimé la chute qui donne toute sa dimension au récit, mais je reste toutefois mitigée, trop de parallèles « simplistes » entre certains évènements et la vie du Christ (enfin c'est mon opinion)
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Avec « Silence », prime mon questionnement religieux. A une époque où les Tokugawa ferment l'archipel aux étrangers, hormis un minuscule comptoir néerlandais près de Nagasaki, une mission jésuite parvient jusqu'au Japon pour évangéliser, avec tous les risques que cette présence chrétienne comporte sur ce territoire. Avec ce livre, puis après avec le film de Scorsese, je me questionne toujours sur la pertinence de cet acharnement à imposer la vision chrétienne dans un pays qui possède déjà ses propres codes religieux avec le shinto et le bouddhisme. La Foi, me dira-t-on permet toutes les audaces. Jusqu'à la souffrance et la mort. Je comprends ce qui meut nos pères jésuites. Mais je m'étonne toujours du peu de cas que l'on fait de la pensée d'autrui. Obligés d'apostasier, du moins en apparence, nos héros vont peu à peu prendre conscience que leur acharnement est voué à l'échec. Entraînant leurs convertis dans leur chute.
Shusaku Endo était chrétien. Ce dilemme le touchait donc personnellement. A travers cette fiction, il cherchait certainement à clarifier sa pensée, à réfléchir sur sa foi.
Dans ce livre, deux visions du monde s'affrontent ! Qui a dit que toutes les religions recherchent la même réponse ? Ce livre pose les bonnes questions et aide à la réflexion religieuse.
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Ce n'est rien dévoiler de l'intrigue que de dire que le silence dont il est question dans cet ouvrage, et lui donne son titre, est le silence de Dieu. Un silence si impénétrable, même dans les épreuves les plus douloureuses qu'endure Sa créature, que le doute aura pu germer dans l'esprit du père Rodriguez, missionnaire de la foi catholique parmi les plus fervents. Il était convaincu du bien-fondé de sa mission au point de quitter son Portugal natal et partir pour le Japon prolonger l'oeuvre d'évangélisation engagée par François-Xavier au 16ème siècle.

Après une période prospère pour la propagation de la foi catholique en cette terre lointaine, les autorités locales, en la personne des shoguns successifs, ont décidé de mettre un terme à la contagion. Ils se livrent alors à une répression féroce des tenants du dogme. Ils font oeuvre d'un machiavélisme tout asiatique pour obtenir des prédicateurs investis de leur mission, non pas qu'ils quittent la pays ou meurent courageusement, mais qu'ils abjurent leur foi.

Sans connaître encore l'auteur, cet ouvrage a retenu mon intérêt à la seule lecture de la quatrième de couverture. Un ouvrage contre le prosélytisme de toute nature, en particulier en matière de religion. Cette propension délétère à vouloir convaincre l'autre d'adopter ses croyances, et imposer l'hégémonie sur les consciences d'une doctrine instituée en vérité absolue. L'histoire est pleine de ces entreprises qui de la séduction évoluent, au fur et à mesure que la notoriété leur donne du pouvoir, vers l'incitation puis la contrainte.

"Nous ne débattrons pas du juste où du faux de votre doctrine" fait dire Shûsaku Endô à son contradicteur. Les japonais ont la leur. Elle honorera tout aussi bien Celui qui règne sur tout ce qui naît, croît sur terre et la quitte un jour.

Silence, un ouvrage pour dire aux prédicateurs de tout poil de rester chez eux, dans le même mutisme que celui du grand ordonnateur des choses de ce monde vis-à-vis de Sa créature. J'adhère.
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Citations et extraits (83) Voir plus Ajouter une citation
RODRIGUES (prêtre catholique prisonnier): -- Oui, j'ai entendu dire par des missionnaires de Hirado que c'est une belle ville.
INOUE (commissaire japonais): -- Je ne dirais pas "belle", mais plutôt intéressante et qui me rappelle une histoire qu'on m'a raconté il y a bien longtemps. Takenobu Matsura, de Hirado, avait quatre concubines que la jalousie poussait à de perpétuelles querelles. Takenobu, incapable de le supporter plus longtemps, finit par les chasser toutes les quatre de son château...
RODRIGUES: -- Ce Matsura devait être un homme très sage.
INOUE: -- Pensez-vous sincèrement ce que vous dîtes? Si c'est le cas, j'en sui heureux. Hirado, et à vrai dire tout notre Japon, est comme Matsura. L'Espagne, le Portugal, la Hollande, l'Angleterre et toutes les femmes de la même espèce font sans cesse des insinuations malveillantes auprès de l'homme nommé Japon...
Mon père, si vous pensez que Matsura fut perspicace, vous ne devez pas manquer de comprendre que le Japon, en proscrivant le christianisme, n'est ni insensé ni déraisonnable.
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Eblouissant fil à plomb, les blancs rayons du soleil tombaient sur la cour, accusant impitoyablement au sol la tâche noire, le sang du borgne.
Tout comme auparavant, la voix sèche et rauque de la cigale résonnait. Pas un souffle d'air. Tout comme auparavant, une mouche s'agitait obstinément autour du visage du prêtre. Le monde extérieur restait pareil à lui-même. Un homme était mort et rien n'avait changé...
Son désarroi, pourtant, n'était pas provoqué par l'évènement, mais par la tranquillité de la cour, le chant de la cigale, les ailes palpitantes des mouches. Un homme était mort. Et le monde demeurait immuable, comme si rien ne s'était passé. Quoi de plus démentiel ? Etait-ce là le martyre ? Pourquoi gardez-vous le silence ? Ce borgne est mort, ici, pour vous... Pourquoi ce calme s'éternise-t-il ? Cette paix de midi. Le bourdonnement des mouches... cette folie, cette atrocité. Et vous vous détournez, comme avec indifférence. Cela..., cela, je ne le puis supporter.
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« Permettez-moi dès lors de vous poser une question. » Tout en parlant il ouvrait et refermait son éventail, puis il attaqua: « Les chrétiens mait soon e ave disent que leur Deus est la source de l'amour et la miséricorde, celle de la bonté et de la vertu, alors que les bouddhas ne sont que des hommes incapables de posséder ces mêmes qualités. Est-ce aussi votre position, mon père ?
- Pas plus que nous, un bouddha ne peut échapper à la mort. Il diffère du Créateur.
- Seul un père ignorant de l'enseignement bouddhique peut dire une chose pareille. En fait, rien ne vous autorise à affirmer que les bouddhas ne sont que des hommes. Il y a trois sortes de bouddhas: hossin, goshin et oka. Le bouddha oka propose aux hommes un chemin à huit branches pour atteindre à la delivrance et au bonheur, mais le hossin n'a ni commencement ni fin et il est immuable. Les sutras parlent de l'éternité et de l'immutabilité du bouddha. Seul un chrétien peut considérer les bouddhas comme de simples humains. Notre opinion tout autre. »
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Ils furent martyrs. Mais quel martyre ! J’en ai lu bien des récits dans les vies des saints, et appris comment leurs âmes étaient retournées dans leur céleste demeure, comment ils avaient été accueillis dans la gloire tandis que les anges embouchaient leurs trompettes. Tel est le brillant martyr que je vois souvent en rêve, mais celui que je vous décris à présent n’eut rien d’aussi magnifique. Il fut misérable et douloureux. La pluie incessante tombe sur la mer. Et l’océan qui les a tués se soulève dans un surnaturel silence.
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Le péché, songea-t-il, ce n'est pas ce qu'on croit communément, ce n'est pas de voler et de mentir, c'est, pour un homme, de marcher brutalement sur la vie d'un autre, insoucieux des blessures qu'il laisse derrière lui.
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Video de Shûsaku Endô (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Shûsaku Endô
Silence (film, 2016), réalisé par Martin Scorsese, d'après Silence de Shūsaku Endō, avec Liam Neeson, Andrew Garfield. Bande annonce.
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