Si j'en crois la définition du dictionnaire Robert, on lit à « impudence » : « effronterie audacieuse ou cynique qui choque, indigne. »
C'est exactement cela que sont ces personnages, petits bourgeois parisiens, grands adultes ou, pour Maud, la petite dernière, des jeunes gens à peine sortis de l'adolescence. On pourrait rapprocher Maud – dont on adopte largement le point de vue – son frère Jacques veuf récent, vivant d'expédients, toujours à cours d'argent et criblé de dettes. Jacques réussit toujours à faire céder sa mère, au grand dam de Maud.
Pour fuir Paris et les créanciers, la famille part, l'été, dans leur propriété d'Uderan dans le Lot et le Haut-Quercy, propriété convoitée par les Pecresse chez qui ils logent, car Uderan est « devenu » inhabitable. C'est là que Maud va refuser « le beau parti » en la personne du fils Pecresse, Jean. Leurs deux mères verraient cette union comme une bonne affaire car on pourrait réunir les deux fortunes et les Taneran-Grand (famille de Maud) récupérer la jouissance d'Uderan. Mais Maud est une impudente qui n'en fait qu'à sa tête et elle préfère fuguer avec Georges Durieux, un hobereau local.
L'impudence des personnages donne du fil à retordre à leur mère qui accorde aux caprices de Jacques trop de mansuétude tandis que Maud se révolte contre cet état de fait. Pourtant, elle n'est pas si sévère concernant les errances de Maud. Ce sont des histoires d'amour cachées, rentrées, inavouées ou tout simplement sincères comme celles de Madame Taneran avec ses enfants, maudissant la fortune mais les protégeant coûte que coûte ou celle de Georges et Maud, Georges qui lui offre une certaine liberté et un toit où se réfugier et peut-être encore celle de l'ancienne maîtresse de Jean Pecresse qui, de désespoir se jette dans la rivière, le Dior .
Il se trouve aussi que les personnages féminins me semblent avoir plus d'épaisseur, de nuances dans le mal que les masculins, beaucoup plus monomaniaques.
C'est le premier roman de
Marguerite Duras publié en 1943 c'est-à-dire en pleine guerre, sous le régime de Vichy. On ne sent pas du tout la guerre ou son approche. Seule la propriété délabrée allégorise les vies des personnages.
En mars 1963, sévère avec elle-même,
Marguerite Duras disait de ce roman qu'elle trouvait mauvais et qu'elle n'avait jamais relu :
« Comme tout le monde j'avais écrit ce roman pour me décharger d'une adolescence que l'on croit toujours singulière, chargée d'une signification unique – ce qu'on peut être bête ! »
Personnellement, je n'ai pas une grande pratique de
Duras mais je trouve ces premiers romans plutôt réussis même si celui-ci oscille entre
Flaubert et Mauriac. Il y a pires références !