Bon OK, après une rude journée de boulot, on peut craindre qu'un roman intitulé "l'homme qui fouettait les enfants" ne soit pas des plus indiqués pour se détendre. Force m'est d'admettre que ce n'est pas là sa principale qualité.
En revanche, pour qui aime le whisky, la Lousianne profonde, et les dialogues bien construits, c'est un vrai régal !
Le roman est court, et même si l'on ne peut pas dire qu'il s'y passe énormément de choses, l'écriture d'Ernest J. Gaines (que je découvre ici) m'a enchanté ! L'histoire de Brady Sims, ce vieux père fouettard chargé par ses pairs de corriger (euphémisme) les gamins turbulents, et qui finit par abattre son propre enfant menotté, en plein tribunal, avait déjà quelque chose d'original.
Mais c'est bien la plume de l'auteur qui pour moi fait la vraie force du roman ! Toute la vie de Brady, sa condition de travailleur Noir, ses relations avec le shérif Blanc, nous sont racontées par des vieillards pleins de verve, dans le salon de coiffure (cf. la superbe couverture du petit ouvrage !) d'une petite bourgade de Lousianne, qui a bien du mal à tourner la page de la ségrégation. Les plus jeunes, parmi lesquels le narrateur dont la mission est de produire sur l'affaire du tribunal un "article à résonance humaine", écoutent avec respect les anciens. Leur récit est particulièrement vivant, et c'est l'ensemble du roman qui vibre d'humanité et de vérité.
Je n'ai finalement à déplorer que la brieveté du texte (et peut-être la chute un peu trop prévisible), mais je pense m'être fait, en la personne d'Ernest J. Gaines, un nouvel ami !
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Les jeunes filles doivent vendre leur corps ; les jeunes hommes, ils boivent et se droguent, pas’qu’ils peuvent pas trouver de travail. Ils mangent que des saletés ; la moitié, ils sont maigres comme un clou ; les filles toutes grasses et bouffies. La terre leur donnait de la bonne nourriture, elle les gardait en bonne santé.
Un homme est fier quand il a fait des études. Il rentre chez lui plein de fierté. Il met de bonnes choses à manger sur la table. Il peut envoyer ses enfants à l’école. Il est fier de ça.
Elle lui a souri comme elle sourit à tout le monde – vous savez, ce p’tit sourire lent, paresseux, sexy qu’elle a – mais le vieux Mapes, il croit que c’est rien que pour lui.
On contrôle pas toujours les vieilles personnes, surtout si on les connaît.
Les deux poulettes, elles buvaient de la pina colada.