Chaque année à la même époque, le même symptôme me saute dessus, nommé par mes soins « syndrome du Goncourt » : au moment où la rentrée littéraire ouvre tout grand son robinet d'eau tiède pour inonder les tables des libraires d'un tsunami consensuel et mou fait de bric et de broc d'où aucune flamboyance n'émerge, où les histoires de nombrils deviennent le centre du monde, j'ai envie de lire un bon vieux machin où la psychologie de bazar était absente au moment de sa parution. Cette année, j'ai opté pour une valeur sûre :
E. V. Cunningham, pseudo de
Howard Fast, qui pourchassé par MacCarthy pour ses idées rougeoyantes a dû se cacher pour continuer à travailler et survivre.
J'ai la faiblesse de penser que je connais assez bien le bonhomme polymorphe et son oeuvre, notamment sa série de romans dont les titres sont des prénoms féminins. Lydia est le 4ème après
Sylvia, Phyllis et
Alice et pour ne pas apparaître comme de trop grande mauvaise foi, j'admets que ce n'est pas le meilleur, si on le compare à
Sylvia, un chef-d'oeuvre inégalé. Paru dans la mythique Série noire en 1964, par chance traduit avec soin,
Oh Lydia raconte comment Harvey Krim, enquêteur pour une société d'assurances, est chargé de retrouver un collier assuré pour 250 000 dollars, afin d'éviter à son employeur de verser le capital souscrit pour son vol.
C'est un roman en apparence formaté pour les années 60 : rapide, un héros séduisant malgré lui, une fille que la société d'alors traite comme une sotte. Oui mais, les apparences sont souvent trompeuses ...
Howard Fast est aux manettes et même dans un opus de seconde importance dans son oeuvre, paru sous pseudo par mesure de vitale sécurité, même avec une prudence dictée par la paranoïa anti-communiste du pouvoir, il ne renie pas ses idées politiques humanistes, progressistes et surtout féministes en donnant aux femmes des rôles intelligents et subversifs de premier plan.
Bref,
Howard Fast /
E. V. Cunningham auraient mérité le Goncourt.