Les enfants du jazz est un recueil de nouvelles et de saynètes de qualité assez inégale. Je pense qu'il aurait énormément gagné à être amputé de quelques unes.
Une jeunesse fiévreuse et enflammée cherchant à fuir l'ennui se dispute la vedette avec ses aînés désenchantés, mélancoliques face au temps qui passe. Ambitions et regrets, passion et désamour s'unissent sous une plume tantôt sensible, tantôt humoristique.
On y observe aussi une société de classes immuables ou presque, dure et prompte au jugement, où le grain de folie finit souvent par se heurter aux limites du conformisme.
Digne représentante de l'ensemble, la nouvelle intitulée L'étrange histoire de Benjamin Button est à des lieues de son adaptation cinématographique. Beaucoup plus cynique. Ici l'âge n'y est pas qu'un nombre, il vient avec une certaine image de soi et des autres.
Quand on connait un peu la vie de l'auteur, il est plus facile de rentrer dans son univers et de mieux en savourer le contenu. Une nouvelle comme La lie du bonheur, par exemple en devient doublement émouvante. Néanmoins le tout reste fade, évidemment, si on le compare à Gatsby...
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Comme dans la plupart des familles dont la fortune a suivi une courbe descendante plutôt qu'ascendante, elle et son mari avaient sombré dans un antagonisme incolore. Au repos, ils se considéraient l'un l'autre avec la tolérance qu'aurait pu leur inspirer une vieille chaise cassée. Evelyn s'inquiétait un peu quand il était malade et faisait de son mieux pour se montrer sereine malgré l'épreuve déprimante de vivre avec un homme déçu.
La coupe de cristal taillé
Nancy avait une bouche pareille à un souvenir de baiser, des yeux d'ombre, des cheveux de jais hérités de sa mère, originaire de Budapest. Jim la voyait souvent passer dans la rue, avec sa démarche de petit garçon, les mains dans les poches, et il savait qu'avec son inséparable Sally Carrol Hopper, elle avait laissé derrière elle une traînée de cœurs brisés qui allait d'Atlanta à la Nouvelle-Orléans.
Guimauve
Après avoir raccroché, ou plutôt s'être fait raccrocher au nez, Perry s'assit pour réfléchir sur un tabouret à trois pieds. Il dressa la liste de tous les amis qu'il pouvait appeler, et fit une pause mentale quand le nom de Betty Medill lui apparut dans un halo douloureux. Il s'offrit une pensée sentimentale. Il allait lui demander, à elle. Leur amour était mort, mais elle ne pourrait sûrement pas lui refuser cette dernière faveur. Sûrement, ce ne serait pas trop lui demander : l'aider à respecter pour un seul soir ses obligations mondaines. Si elle insistait, il lui laisserait prendre l'avant du dromadaire, il se mettrait derrière, décida-t-il, content de sa magnanimité. Il caressa même dans sa tête le rêve rose d'une tendre réconciliation à l'intérieur du dromadaire, cachés aux regards du monde entier.
Le dos du dromadaire
Comme dans la plupart des familles dont la fortune a suivi une courbe descendante plutôt qu'ascendante, elle et son mari avaient sombré dans un antagonisme incolore. Au repos, ils se considéraient l'un l'autre avec la tolérance qu'aurait pu leur inspirer une vieille chaise cassée. Evelyn s'inquiétait un peu quand il était malade et faisait de son mieux pour se montrer sereine malgré l'épreuve déprimante de vivre avec un homme déçu.
La coupe de cristal taillé
Comme dans la plupart des familles dont la fortune a suivi une courbe descendante plutôt qu'ascendante, elle et son mari avaient sombré dans un antagonisme incolore. Au repos, ils se considéraient l'un l'autre avec la tolérance qu'aurait pu leur inspirer une vieille chaise cassée. Evelyn s'inquiétait un peu quand il était malade et faisait de son mieux pour se montrer sereine malgré l'épreuve déprimante de vivre avec un homme déçu.
La coupe de cristal taillé
« L'histoire de ma vie est celle du combat entre une envie irrésistible d'écrire et un concours de circonstances vouées à m'en empêcher.
[…] Puis, mon roman a été publié. Puis, je me suis marié. Maintenant, je passe mon temps à me demander comment tout cela est arrivé.
Selon les mots de l'immortel Jules César : « Tout est dit ; il ne reste plus rien. » (Francis Scott Fitzgerald, « Qui est qui, et quoi? », paru dans le Saturday Evening Post du 18 septembre 1920.)
« […] En mai 1934, Fitzgerald [1896-1940] s'ouvre de son projet subtil à son éditeur, Maxwell Perkins [1884-1947] : « Comme vous le savez, je n'ai jamais rien publié de personnel sous forme de livre parce que j'ai toujours eu besoin de tout le matériel possible pour mes oeuvres de fiction. Toutefois, un certain nombre d'articles et de textes divers ont attiré l'attention d'un vaste public et pourraient le faire de nouveau si nous pouvions trouver, entre le titre et les textes, le lien qui puisse nouer l'humour à un soupçon de sagesse. » […] Perkins ne répond pas. Mais l'idée refait surface deux ans plus tard, en mars 1936, quand Fitzgerald lui propose « un livre de réminiscences, non pas une autobiographie, mais des réminiscences ». […] Fitzgerald, plus précis encore : « Il est plus triste de retrouver le passé et de s'apercevoir qu'il n'est pas à la hauteur du présent que de le voir s'échapper pour demeurer à tout jamais une construction harmonieuse de la mémoire. » Il s'agit donc, dans ce livre des réminiscences, au cours de cette délicate chasse aux papillons, de retrouver, en dépit de la tristesse et contre elle, un passé à la hauteur du présent, un passé qui tienne ses promesses à l'avenir. […] « Il se trouve que la plus grande partie de ces articles sont intensément personnels : alors qu'un journaliste doit trouver un sujet sur lequel écrire son article quotidien ou hebdomadaire, j'ai écrit ces articles uniquement lorsque l'impulsion venait de l'intérieur. En fait, j'ai les mains plus propres pour la non-fiction que pour la fiction. » […] le projet « Mains propre » était resté lettre morte. Que vive Un livre à soi. » (Pierre Guglielmina, Qu'est-ce qu'un « livre à soi »?)
« […]
[…] Jamais la foi dans le destin de l'homme n'avait atteint les sommets auxquels elle est parvenue dans les années 1890 - rarement cette même foi a plongé aussi bas qu'aujourd'hui. Lorsque nous observons autour de nous un rapide déclin des idéaux de conduite, il existe nécessairement une cause fondamentale pour l'expliquer. Il est impossible d'être vicieux dans le vide. Quelque chose de sérieux (que seuls les évangélistes professionnels, les romanciers de gare et les politiciens corrompus prétendent comprendre) affecte le monde. Il faudra un coeur solide pour nager à contre-courant dans ces eaux troubles et ne pas être, comme ma génération, un peu cynique, un peu las et un peu triste. […] - doit-on s'étonner que nous redoutions presque d'ouvrir les journaux le matin de peur d'y découvrir une nouvelle dérive de la civilisation, une nouvelle infamie dans cette chambre obscure que nous appelons le coeur humain !
C'est sur ce monde que nos enfants ouvrent aujourd'hui les yeux. […]
[…] si mon enfant est un meilleur homme que moi, il viendra me voir enfin pour dire, non pas : « Père, tu avais raison concernant la vie », mais plutôt : « Père, tu avais complètement tort. »
Et quand ce moment viendra, et il viendra, puis-je être assez juste et sage pour dire : « Bonne chance et adieu, car j'ai possédé autrefois ce monde qui t'appartient, mais je ne le possède plus. Suis ta voie à présent, avec vaillance dans le combat, et laisse-moi en paix, au milieu de tous ces torts passionnés que j'ai aimés, car je suis vieux et ma tâche est accomplie. » (Francis Scott Fitzgerald, « Attendez d'avoir des enfants à vous ! », paru dans Woman's Home Companion, juillet 1924)
« Crack-up (titre original de ce texte [Craquer]) signifie certes « craquer nerveusement », mais aussi, « rire » ou « faire rire ». Fitzgerald a certainement ce double sens en tête […] » (Note de Pierre Guglielmina)
0:04 - Craquer
13:51 - Générique
Référence bibliographique :
Francis Scott Fitzgerald, Un livre à soi, traduit par Pierre Guglielmina, Éditions Les Belles Lettres, 2017
Image d'illustration :
https://www.npr.org/2015/01/10/376118599/west-of-sunset-imagines-f-scott-fitzgeralds-last-years-in-hollywood
Bande sonore originale : Gotama - Inner Silence
Site :
https://gotama-music.bandcamp.com/track/inner-silence
#FrancisScottFitzgerald #Craquer
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