J'ai connu
Robert Franck par la
Beat Generation. C'est surtout ce recueil de photos qui l'a rendu célèbre. Jeune photographe suisse, il reçoit une commande et une bourse pour parcourir 48 états américains et faire un état des lieux de ses habitants. Il en ressort, en 1959, cet album:
les Américains.
De prime abord, les photos semblent mal cadrées, ordinaires dans leur thématique, souvent prises à la va vite. C'est en lisant le texte de
Jack Kerouac intitulé En route vers la Floride dans lequel il parle de la manière dont
Robert Franck photographie - souvent en pleine conduite, à la volée - que j'ai compris qu'il tient en général son appareil photo caché et qu'il prend des photos comme il peut, sur l'instant.
Le résultat est que les photos ont été prises avec beaucoup de spontanéité, ce qui, je pense, a fait son succès. Cette spontanéité implique par moments des prises de vues difficiles ou d'apparence mal cadrées, en lien direct avec une volonté de totale liberté de la part du photographe.
Avec ce recueil, on traverse les Etats-Unis des années 50 telle qu'elle est, les champs immenses du Midwest et les fermes solitaires en bois, les Noirs de la Nouvelle-Orléans cantonnés à l'arrière des trams, les starlettes hollywoodiennes, les travestis new-yorkais, ainsi que les hommes d'influence avec leurs hauts-de-forme, les cafés et leurs juke-box, les voitures
sur la route, les quartiers périphériques, les casinos... c'est un portrait à la fois très attendu et réaliste mais aussi empli de cette mythologie américaine représentée dans les films.
Une photo incongrue dans tout ça: un magnifique cowboy à la
James Dean nonchalamment adossé à une poubelle en plein New York, se préparant une roulée!
Un album donc à savourer tranquillement pour s'en imprégner vraiment, pour que l'Amérique s'en dégage petit-à-petit, pour imaginer des histoires autour de ces photos, pour s'amuser avec
Robert Franck lorsque, sans doute tapissé discrètement dans un couloir, il s'arrange pour prendre une photo d'un bureau de recrutement pour la Navy, dans lequel on devine, par les deux pieds tranquillement posés sur le bureau, un agent peinard fumant peut-être sa clope tout en contemplant le drapeau américain visible à droite.
En réalité, il y a une grande maîtrise dans toutes ces photos, le sujet est bien présent, vivant, en pleine action, les noirs et blancs sont profonds, les mises au point parfaites.
Gros plus: une magnifique préface de
Jack Kerouac, rencontré à New York parmi d'autres artistes qui l'ont profondément influencé. Ensemble, ils réaliseront par la suite le film "
Pull my Daisy" qui s'inscrit dans la vague de la
Beat Generation.