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EAN : 9782369563426
208 pages
Editions Intervalles (16/02/2024)
5/5   3 notes
Résumé :
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1923, Germaine Le Goff, institutrice, « missionnaire » laïque et républicaine, quitte sa Bretagne natale pour enseigner en Afrique occidentale française. Tandis que le statut des femmes évolue peu à peu en Occident, elle croit à l`importance d`éduquer les jeunes Africaines, élevées jusque-là dans la tradition et la religion. En 1938, Germaine Le Goff fonde et dirige au Sénégal la première école d`institutrices de toute... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Africaines et modernes, grâce «à l'école de l'universel» de Germaine le Goff
«À l'école de l'universel. Germaine le Goff (1891-1986), une éducatrice en Afrique» (Éditions Intervalles, 2024)
Renée Fregosi - 19 février 2024

François-Xavier Freland nous révèle avec brio le parcours d'une femme remarquable.

François-Xavier Freland, journaliste et écrivain, connait bien l'Afrique et il l'aime sans complaisance, comme on doit aimer ceux à qui on veut vraiment du bien, loin des litanies victimaires et misérabilistes. En cela il est un descendant direct de Germaine le Goff, même si leur parenté généalogique est plus distante. C'est le parcours remarquable de cette « éducatrice en Afrique » que François-Xavier Freland nous retrace dans son dernier ouvrage paru tout récemment aux éditions Intervalles. le style est toujours vif et le rythme trépidant comme dans tous ses ouvrages, qu'ils relèvent du reportage ou de la littérature.

L'Afrique dans sa complexité

D'ailleurs ce petit livre procède tout autant du récit biographique que de l'analyse géopolitique. Avec François-Xavier Freland, on peut gager en effet qu'il s'agira d'aventure et d'histoire, de passion et de raison, de volonté et de lucidité autant que d'amour. La vie de Germaine le Goff est romanesque à bien des égards : une enfance très pauvre dans la Bretagne rurale et maritime au tournant des 19ème et 20ème siècles, l'élévation grâce à l'école de la République mais sans renoncer à prier Dieu quelquefois, deux maris profondément aimés, les horizons lointains de l'Afrique coloniale de l'entre-deux-guerres, un projet audacieux, quelques revers et de grands succès, et puis la reconnaissance, institutionnelle et surtout celle du coeur. Mais Germaine le Goff nous fait aussi réfléchir sur le destin de l'Afrique d'aujourd'hui et de demain : quel rôle pour les élites africaines que la fondatrice de la première école normale d'institutrices à contribué à faire émerger de la tradition et du lien colonial ?


Car Germaine le Goff est à la fois féministe et anticoloniale, mais à sa manière, sans idéologie ou idéalisme aveugle, en favorisant la synthèse heureuse de l'émancipation des femmes et du développement social, de la modernité et de l'africanité. Elle s'éprend de l'Afrique, mais toujours en gardant au coeur ses origines françaises et bretonnes. Elle n'est pas de ces « expatriés » qui se perdent outre-mer, et qui, déracinés, n'ont in fine leur place ni ici ni là-bas. du Soudan français (le Mali actuel) au Sénégal, et à travers ses élèves venues « d'Afrique-Équatoriale française » comme « d'Afrique-Occidentale française », elle apprend l'Afrique dans sa complexité, elle affronte l'hostilité des traditionalistes africains et le racisme de certains colonialistes français. Mais elle poursuit son but et trouve des alliés, dans son couple d'abord, avec Joseph le Goff lui aussi fonctionnaire de l'Éducation nationale et qui partage ses idées, dans l'administration française aussi parfois, à des moments clés pour soutenir ses projets, et parmi les Africains progressistes comme Léopold Sédar Senghor avec qui elle entretiendra une correspondance tout au long de sa vie.

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« Au début, la vie à Djenné ressemble à un conte de fée. Quelques jours seulement. le modeste couple d'instituteurs débarqué de province accède au rang de notables de la colonie. le vertige est là quand on a vécu la misère, les fins de mois difficiles, la lutte, le froid. » Mais ce n'est pas évident d'installer la confiance indispensable à la transmission, entre le colon et le colonisé. « le Français, c'est l'autre, Le Blanc, le toubab » auquel on se soumet par la force des choses mais dont on se méfie et se défie, surtout lorsque c'est une femme et qu'elle s'est mise en tête d'apprendre à lire aux filles. Après l'école, après avoir été instruites, elles ne voudront plus piler le mile et mépriseront la case africaine ! Eh bien oui, Germaine le Goff veut faire des femmes africaines des femmes instruites et plus encore, elle veut former une élite féminine qui contribuera à sortir l'Afrique de son sous-développement et de la tutelle coloniale. Mais non elle ne veut pas que « ses filles » élevées à « l'école de l'universel » oublient leur singulier africain, elle veut même qu'elles le chérissent et en fassent une vraie richesse.

Émancipation et progrès

En 1937, après une dizaine d'années à enseigner en Afrique, à concocter des manuels adaptés, mêlant poésie et morale, littérature française et contes africains, Germaine le Goff va enfin mettre en oeuvre le projet auquel elle rêve depuis longtemps : fonder une école normale d'institutrices pour jeunes femmes africaines. « le 21 mars 1938, le Gouverneur général – conforté par le retour des « progressistes » au pouvoir – rend publique sa décision de créer la première École normale d'institutrices pour jeunes filles à Rufisque ».

L'émancipation des femmes africaines entrait tout naturellement dans le projet de Léon Blum qui intégra des femmes à son gouvernement, et tenta en vain d'introduire une égalité de droit à la nationalité en Algérie contre le statut de l'indigénat qui garantissait au pouvoir religieux sa domination sur les populations musulmanes. Or il n'existait « en Afrique occidentale en tout et pour tout qu'une école de sage-femmes. Les fillettes africaines [n'avaient] droit qu'à un enseignement primaire et secondaire là où les hommes [pouvaient] suivre des études universitaires ». Germaine le Goff était persuadée que l'éducation des filles permettrait d'élever les sociétés africaines toutes entières et son école en a fait la preuve.

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Si en 1926, Germaine et Joseph le Goff avaient involontairement raté la visite officielle de « Pétain l'éradicateur », le « nettoyeur du Maroc » dix ans plus tard, c'est en toute connaissance de cause qu'ils saluent le changement politique et « l'idéologie du Front populaire [qui] fait son entrée avec fracas dans la société bien hiérarchisée des colonies. » Et pendant la guerre, Germaine interdira à ses élèves de chanter « Maréchal nous voilà ! », admirant De Gaulle et préparant la Libération de la France puis l'Indépendance de l'Afrique. En janvier 1944, le Général de Gaulle lors de son passage à Dakar avant la conférence de Brazzaville, salue donc Germaine le Goff, « la bonne servante de la France » et reçoit des mains de son petit-fils, une sculpture d'une jeune fille africaine réalisée par Joseph.

Retour en France

Après son retour en France en 1956, dans la grande villa bretonne qu'elle a choisie au bord d'une rivière calme, et après les indépendances africaines, les succès de celles qu'elle appelait « ses filles » et qui l'appelaient « maman », ont illuminé tout le reste de la vie de Germaine. À chacun de ses voyages en Afrique durant les années 60 et 70, elle les retrouvait. L'une est la première femme ministre du continent et deviendra ambassadeur de Guinée aux Nations unies, une autre est première femme députée en Côte d'Ivoire puis ministre, une autre encore, également ancienne legoffienne, la députée socialiste Caroline Diop, est présidente du Mouvement national des femmes, et nommée ministre de l'Action sociale par le futur président sénégalais Abdou Diouf.

Mais le plus bel hommage à Germaine le Goff est peut-être le roman de Mariama Bâ, écrivaine sénégalaise passée elle aussi par l'école normale de Rufisque, Une si longue lettre. « Nous sortir de l'enlisement des traditions, superstitions et moeurs ; nous faire apprécier de multiples civilisations sans reniement de la nôtre ; (…) faire fructifier en nous les valeurs de la morale universelle ; voilà la tâche que s'était assignée l'admirable directrice ». Une conception de l'Afrique loin de la victimisation décoloniale wokiste tellement répandue aujourd'hui. Un héritage pour une nouvelle alliance entre l'Afrique et l'Occident qui passe forcément par une relation privilégiée avec la France. Voilà qui pourra exaspérer certains et faire adorer à d'autres, ce petit livre merveilleusement écrit, courageux, à la fois nostalgique et plein d'espoir.

Lien : https://www.causeur.fr/franc..
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L'honneur d'une biographie, celle de Germaine le Goff (1891-1986), illustre éducatrice en Afrique occidentale française.
Dès la première page, le ressenti d'apprendre encore de cette figure emblématique.
La transmission en apogée. Les Savoirs et la virtuosité d'être à elle seule, un horizon-miroir.
Germaine le Goff est une bienfaitrice de l'humanité, laïque, républicaine et pétrie de volonté.
La préface d'Abdou Diouf, inaugure cet essentiel essai.
« Sait-on que, en 1923, débarquait à Dakar une Bretonne qui rejoignait son poste d'institutrice au Soudan français ? »
Dans cette période colonialiste : « L'inspecteur général de l'enseignement a précisé : « La France veut des femmes évoluées, des sages-femmes et des infirmières. Mais attention, pas des intellectuelles. »
« À Djenné, Germaine le Goff s'est située des deux côtés du miroir, du côté colonial et du côté de la société africaine. »
Elle est ici, dans un vaste changement à mille mille de la Bretagne et ses heures de classe sans traductions ni défis.
L'Afrique est un enjeu et pour le pouvoir français et pour elle-même. Elle explique d'emblée aux jeunes filles que son rôle est d'éduquer, pas celui d'enseigner. Elle rassemble l'épars, les disparités. « Soyez fières. Restez africaines. »
Elle brusque les regards, assemble, et transforme ces jeunes filles en femmes de demain.
Dans l'aube d'un vingtième siècle, Djenné est de parures et de soleil. Un dépaysement radical pour Les le Goff. Eux qui vivaient de rigueur, de froid et de pauvreté.
Djenné est une fresque chaleureuse, aisée, foisonnante et colorée. L'exotisme et l'inévitable transformation pour Germaine le Goff qui va bâtir, pierre après pierre, les fondements mêmes d'un apprentissage formateur. En prenant en compte l'humanité même de ces jeunes filles venues de toute l'Afrique.
Elle est vertueuse et déterminée. Intuitive, « Peut-on parler de roses et de chênes dans un pays d'hibiscus et de baobabs ? »
« Les manuels scolaires français ne sont pas adaptés à cette réalité là. »
« Apprendre à lire ? Mais lire quoi ? Il n'y a pas un seul livre à Djenné, ni même un journal. »
« Le rôle éducatif est plus urgent que la tâche enseignante. Il faut éveiller en elles leur dignité. »
Geneviève le Goff déambule dans l'Afrique. de Dakar, à Djenné, Rufisque, Saint-Louis, elle sème des graines. Se fond dans les écoles comme dans ses convictions.
Elle éveille les esprits, renforce les confiances, et sans même le savoir, par sa liberté de conscience, son altruisme, elle devient l'intensité universelle de l'éducation. Elle inculque les valeurs. Lucide, elle prend garde aux a priori d'un monde où le colonisé est forcément soumis et inférieur. Ici, il n'en est rien. Cette belle personne est le macrocosme d'une concorde allouée.
« La France veut faire entrer l'Afrique dans la civilisation. Elle n'y parviendra qu'en élevant la mentalité de la femme, cheville ouvrière de la société indigène. »
Féministe, avant-gardiste, bienveillante, elle est de vocation et d'engagement.
Soeur de coeur d'Alexander Shutherland Neill. Elle écoute, respecte, oriente.
« Cinq générations d'institutrices ont déjà quitter son établissement. »
Jeanne Martin Cissé devient la première femme ministre de l'Afrique toute entière. Jeanne Gervais, en 1965, la première femme députée du Parlement. Elle devient alors ministre de la Condition féminine.
Ce témoignage est le fronton de l'universalité. Germaine le Goff a forgé l'École UNIVERSELLE. Elle considère l'autre, son double sur la terre. Elle élève la femme, la citoyenne en humanité.
Femmes idéalistes devenues, féministes, engagées, intellectuelles, poétesses, et mères.
Une des ses meilleures élèves : Mariama Bâ.
Germaine le Goff, fraternelle et majestueuse dans l'évidence des autobiographies de la vie-même était le lien et le liant. le symbole référent. Elle a forgé l'amour universel, le rassemblement des valeurs humanistes. Siamoise de Leopold Sédar Senghor. Les éloges virtuoses de sourires et de bonté. L'éducation était sa vie et ses bordures. Une destinée spéculative.
Un portrait mémoriel, un viatique pour l'enseignant (e) d'aujourd'hui.
«  Autant sur des proverbes, des contes indigènes que sur les fables De La Fontaine. »
« Développez surtout leur force d'aimer. »
Lire avec attention les postfaces de Pamela Caillens et Nicolas Caillens. Ici, le chant de la famille reconnaissante.
François-Xavier Freland délivre un essai fondamental et précieux, où rayonne un génie : Germaine le Goff.
Publié par les majeures Éditions Intervalles.
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A l'école de l'Universel, François-Xavier Freland, Intervalles
Ce livre retrace la vie de germaine le Goff, jeune institutrice bretonne qui, en 1923, part en Afrique Occidentale Française pour enseigner, y restera plus de vingt ans et finira directrice de l'école normale pour jeunes filles de Rufisque, avant de revenir en France, en banlieue nantaise, pour sa retraite et sa fin de vie.
Elle n'est pas banale la vie de Germaine que l'auteur a côtoyée dans son enfance, elle déjà nonagénaire et recroquevillée. En écrivant ce livre, il a découvert une jeune femme forte, ambitieuse, volontaire, obstinée, opiniâtre, têtue... bretonne quoi. C'est qu'il en fallait du courage pour quitter Douarnenez pour le Soudan français (aujourd'hui le Mali) et arriver à Djenné où tout était à faire en terme d'éducation des jeunes filles. Se confronter aux moeurs locales très empreintes de religion et de tradition: le rôle de la femme dévouée à son mari qu'elle partage avec d'autres femmes, mais aussi la condescendance des blancs envers les noirs que Germaine n'a jamais pratiquée se détachant au contraire de la communauté des expatriés.
L'on pourrait croire que Germaine appartenait à la colonisation et qu'elle venait éduquer à la française, "civiliser" les enfants du pays. Il y a sans doute un peu de vrai, mais elle fit davantage et même parfois le contraire en exhortant les jeunes filles à rester africaines, à oeuvrer à leur tour pour éduquer leurs soeurs, leurs filles pour que les femmes africaines puissent avoir une vraie place dans les sociétés de leurs pays, souvent éminemment patriarcales.
François-Xavier Freland écrit une biographie passionnante, vive, dynamique qui colle au caractère bien trempé de Germaine le Goff. Il n'élude pas son caractère dur parfois, strict même s'il insiste sur sa grande humanité, sur l'amour qu'elle porte aux siens, aux filles qui fréquentent ses classes et à son travail. Elle avait de la poigne et il lui en fallut beaucoup pour se battre comme elle l'a fait pour imposer ses idées et tenir tête à des hommes de pouvoir et être reconnues de tous comme une éducatrice hors pair qui fit beaucoup pour la femme africaine.
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Vidéo de François-Xavier Freland
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