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EAN : 9782228331708
151 pages
Payot et Rivages (01/01/1977)
3.7/5   5 notes
Résumé :
Notre existence est le principal thème de la pensée de Marx qui est en effet, d'une part, une philosophie de la protestation contre l'aliénation (l'homme perd son individualité, est transformé en objet, en marchandise) et, d'autre part, une philosophie de l'émancipation qui repose sur une foi en notre capacité à nous libérer et à réaliser nos potentialités. Simple et clair, ce livre nous introduit à une pensée dont la société d'aujourd'hui ne peut faire l'économie.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Bien que présenté comme sociologue et psychanalyste, Erich Fromm se situe impitoyablement plus du côté de la sociologie que de la psychanalyse. Ou plutôt : de sa fréquentation de la sociologie, la psychanalyse d'Erich Fromm s'est résorbée en une psychologie humaniste. Celle-ci se caractérise de l'illusion de croire que l'homme est en l'homme, qu'il peut progresser dans le développement de ses fonctions génitales jusqu'à l'atteinte du mythique point oméga, ou encore qu'il peut éclairer le brouillard de son esprit du faisceau d'une conscience acquise aux idéaux progressistes.


Ainsi s'exprime en ces termes à peine voilés Erich Fromm à propos de Marx, dans le croisement de son oeuvre et de sa personne réduite à des caractéristiques « psychologiques ». La démonstration tourne autour de la proposition suivante, au sujet de laquelle plus personne n'a véritablement de doutes : les idées de Marx ne sont pas solubles dans le communisme soviétique ou dans la structure capitaliste de l'économie. « le but de Marx est l'émancipation spirituelle de l'individu, il veut le libérer des chaînes du déterminisme économique, lui redonner son intégrité humaine et l'amener à trouver l'unité et l'harmonie avec ses semblables et avec la nature. »


Beau projet. Nous constatons cependant qu'il a échoué. Cela devrait être l'indice qu'il existe une disjonction de l'idéal à la réalité. Pourquoi donc la « bonne société » ne se réalise-t-elle jamais ? Freud avait, à cette question, offert des réponses d'une grande pertinence, par exemple dans « Pourquoi la guerre ? ». L'énigme qui s'articule autour du mystère de la chute, soit l'impossibilité de se maintenir durablement dans une satisfaction qui serait plus proche de la mort que de la vie, ne se résout même pas dans le regret qu'il vaudrait mieux n'être pas né – c'est pire que cela : la seule façon d'en finir, ce serait de n'être pas né tel. Mais tous, nous naissons tels, semblables aux précédents, annonçant les suivants, marqués de ce trait qui nous condamne.


Erich Fromm n'interprète ni le monde ni Marx du point de vue de cette réaliste lorgnette, et c'est en cela qu'il n'est pas psychanalyste. Abandonnant la découverte de Freud (l'antagonisme du sujet et du moi), il reprend le classique antagonisme de l'homme et de la société. La société serait responsable des souffrances de l'homme. Sans elle, nous vivrions mieux, même s'il est possible que, par ailleurs, nous nous entretuions tous pour régler nos problèmes.


Les termes que Fromm utilise ne sont jamais précisément définis : ils flottent dans un flou ontologique qui permettra au lecteur de leur attribuer le sens qui lui sera le plus confortable. Ainsi pouvons-nous lire que « Marx veut faire le salut des hommes ; sa critique de la société capitaliste porte non pas sur la distribution du revenu, mais sur le mode de production, sur la destruction de la personnalité et sur l'esclavage de l'homme qu'il n'impute pas au capitalisme mais aux choses et aux circonstances qui ont été créées par la société ». La « personnalité » n'est pas définie, ni plus que le « travail » tel que l'entendait Marx, et les « choses » créées par la société peuvent désigner à peu près n'importe quoi.


Plus socialiste que Marx lui-même, Erich Fromm explique que « le but du socialisme, c'est l'homme. le but est de créer une forme de production et une société dans lesquelles l'homme ne sera plus aliéné par rapport à ce qu'il produit, son travail, son semblable, lui-même et la nature. » Objectif impossible à atteindre. Il suffit d'avoir un peu de jugeotte pour réaliser qu'au contraire, de telles aspirations conduisent à l'avènement d'une société dont les lois sont comme la peau retournée de l'idéal. Ses intentions furent bonnes, alors il est sauvé. Pour mettre fin à tout débat (car il semble bien que l'essai poursuive en effet l'objectif de mettre fin à toute critique), Marx nous est présenté comme un humaniste. Nous découvrirons rapidement quelles sont les qualités que Fromm associe à ce mot : sens de la vérité, courage, souci profond de l'homme, vitalité, et surtout « foi dans la raison et le progrès de l'homme ».


Si Erich Fromm avait déroulé une démarche plus proprement psychanalytique, ne se serait-il pas au moins interrogé sur le sens porté à ce mot d' « humanisme » en lien avec l'idée d'un progrès social ? Par ailleurs, en faisant dire à Marx que la résolution des problèmes de l'aliénation surviendrait lorsque chacun accepterait de « développer sa personnalité », n'est-ce pas le principe même de l'aliénation au coeur du sujet qui s'amplifie si cette personnalité est phagocytée d'emblée par la marque que lui impose notre temps, ainsi qu'il nous est suggéré ? La lecture que Fromm propose de Marx, au-delà des rappels historiques et philosophiques dignes d'intérêt qui sont réalisés dans les premiers chapitres, est marquée d'un utopisme socialiste auquel il n'est plus possible de croire sérieusement à présent, si tant est que cela le fut au cours d'un autre temps. Dans le portrait idéalisé de Marx (qui est peut-être véridique, là n'est pas la question), c'est Fromm lui-même qui semble se mirer dans l'horizon du « psychologue humaniste » qu'il a toujours souhaité continuer à devenir.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
La philosophie de Marx est une philosophie de protestation ayant pour base une foi en l'homme, capable de se libérer et de réaliser ses potentialités. Cette foi de Marx existe dans la pensée occidentale depuis la fin du Moyen Age jusqu'au XIXème siècle et elle est fort peu répandue aujourd'hui. C'est pourquoi, aux yeux d'un grand nombres de lecteurs aveuglés par l'esprit de résignation contemporain, (...), la philosophie de Marx paraîtra utopiste et anachronique et, pour cette raison ou une autre, ils rejetteront cette foi dans les possibilités de l'homme et l'espoir qu'il puisse jamais devenir ce qu'il est en puissance.
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Pour Marx, l´homme se caractérise par le "principe du mouvement". Il cite le grand mystique Jacob Böhme. Ce mouvement n´est pas mécanique, c´est un élan, une énergie, une vitalité créatrice. Pour Marx, "la passion est la force essentielle de l´homme qui tend énergiquement vers son objet". Cette idée de productivité, Marx l´applique au phénomène de l´amour. Si tu supposes l´homme en tant qu´homme et son rapport au monde comme un rapport humain, tu ne peux échanger que l´amour contre l´amour, la confiance contre la confiance, etc. Si tu veux exercer de l´influence sur les autres hommes, il faut que tu sois un homme qui ait une action réellement animatrice et stimulante sur les autres hommes. Chacun de tes rapports à l´homme et à la nature doit être "une manifestation déterminée" répondant à l´objet de ta volonté, de ta "vie individuelle réelle". Si tu aimes sans provoquer d´amour réciproque, c´est à dire, si ton amour , en tant qu´amour ne provoque pas l´amour réciproque, si par ta "manifestation vitale" en tant qu´homme aimant, tu ne te transformes pas en "homme aimé", ton amour est impuissant et c´est un malheur.
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Marx prit […] une position très ferme contre un matérialisme philosophique qui était courant chez les penseurs progressistes (spécialement les naturalistes) de son temps. Ce matérialisme soutenait que « le » substratum de tous les phénomènes mentaux et spirituels dépendait de la matière et des processus matériels. […]
Marx combat ce matérialisme mécaniste « bourgeois », « le matérialisme abstrait des sciences naturelles qui exclut l’histoire et son évolution » [Marx, Le Capital], et pose, à la place, ce qu’il appelle dans les Manuscrits économiques et philosophiques le « naturalisme conséquent ou humanisme qui se distingue aussi bien de l’idéalisme que du matérialisme et est en même temps leur vérité qui les unit ».
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Pour Marx, l'aliénation signifie que l'homme ne s'approprie pas le monde mais que le monde, la nature, les autres et lui-même, lui restent étrangers. Ce sont des objets - même s'ils sont créés par lui - qui sont au-dessus de lui. L'individu aliéné contemple le monde et se contemple lui-même passivement, comme le sujet séparé de son objet.
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La philosophie de Marx, comme presque toute la pensée existentialiste, constitue une protestation contre l’aliénation de l’homme, qui lui fait perdre son individualité et le transforme en objet. Elle s’oppose à la déshumanisation et à l’automatisation de l’homme liées au développement industriel de la société occidentale. C’est une critique impitoyable de toutes les « réponses » au problème de l’existence humaine qui tentent de présenter des solutions en niant ou en camouflant des déchirements inhérents à l’homme.
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Video de Erich Fromm (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Erich Fromm
Fabrice Midal, directeur de la collection L'Esprit d'ouverture des éditions Belfond, présente le livre "L'Art d'aimer" d'Erich Fromm. Pour Erich Fromm, éminent psychanalyste, l?amour est un art qui s?apprend et se cultive. Accessible, lumineux, profondément humaniste, "L?Art d?aimer" est un ouvrage majeur, un classique indispensable, plus que jamais en résonance avec notre époque.
Lire un extrait de "L'Art d'aimer" : http://bit.ly/1GJN04S http://www.espritdouverture.fr
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