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sur 1670 notes
Pas très obéissant le toutou du futur.
Laurent Gaudé transforme en or littéraire tout ce qu'il touche et la dystopie n'échappe à son alchimie. C'est quoi comme maladie, la dystopie ? Il s'agit d'un pessimisme pathologique qui augure du pire pour aspirer au meilleur. Nos oracles n'ont pas le moral et anticipent les emmerdements.
Chien 51, c'est Zem Sparak, un policier grec qui n'est pas au meilleur de sa forme. Son pays a fait faillite. Encore.... Oui. La dette de la Grèce est antique mais, ce coup-ci, accuser l'Europe de ses propres turpitudes et demander aux habitants de payer leurs impôts n'a pas été suffisant.
Le climat n'a pas aidé. Avec les pluies acides et des chaleurs de rôtissoires dominicales avec un soleil qui chauffe plus que celui des Scorta, le touriste a eu moins envie d'aller danser le Sirtaki à Mykonos avec sa chemise ouverte en lin, un verre d'ouzo à la main.
La Goldtex, multinationale gloutonne, sauvage comme une Amazone, a racheté le pays, privatisé les Hellènes, garçons et filles compris. Il ne faut plus parler de citoyens mais de Cilariés. Tout un programme.
Zem Sparak, dans sa jeunesse étudiante et révoltée, avait essayé de résister mais une répression sanglante avait anéanti le mouvement de protestation.
Depuis, la population est répartie dans les 3 zones d'une mégalopole baptisée Magnapole.
Dans la première zone, une classe de privilégiés et de dominants, dans la seconde, la classe moyenne qui trime et qui consomme, et dans la troisième, c'est le remake de New York 1997 de John Carpenter avec sa cohorte de miséreux et sa violence. Zem Sparak officie dans ce no man's land. Une loterie permet à certains chanceux de gagner le droit de changer de zone. Cela s'appelle entretenir le désespoir. Les checkpoints entre chaque zone sont plus hermétiques que les frontières de la Corée du Nord. Ce n'est pas la douane qui chasse la bouteille de Pastis et les cartouches de clopes à la sortie de l'Andorre.
La découverte d'un corps dépecé va troubler l'équilibre des forces et Chien 51 va devoir collaborer avec une inspectrice ambitieuse de la zone 2, parfaitement intégrée à cette société privatisée.
L'auteur nous projette dans un futur pas si lointain et à priori, faire pipi sous la douche, interdire les barbecues et baisser d'un degré la température du jacuzzi n'a donc pas suffi à sauver la planète.
Si le roman reprend les recettes du héros fatigué, revenu de tout pour aller nulle part, le récit de Laurent Gaudé transcende le genre et je me suis laissé entièrement absorbé par ce polar de SF qui aborde les crises sociales, migratoires, économiques et écologiques de l'époque sans tomber dans le pamphlet caricatural. L'intrigue est une réussite, certaines idées sont vraiment originales comme le Loveday ou celle du dôme climatique et le dénouement peu prévisible. Cette escapade dans le lendemain n'a pas raturé le style très fluide du Goncourisé. Un auteur américain en aurait fait 300 pages de plus mais Laurent Gaudé sait aller à l'essentiel.
Pour un tel coup de coeur, il est difficile de trouver quelque chose à redire mais si je cherche la petite bête, je dirai que le personnage féminin manque un peu d'épaisseur par rapport à Zem Sparak et que l'auteur fait un peu trop l'impasse sur de potentielles évolutions technologiques et leurs conséquences. Je ne m'attendais pas à un remake de Star Trek ou à des combats au sabre laser, mais il est difficile d'imaginer un tel statu quo en la matière.
Dans cette rentrée littéraire, jusqu'à présent, je n'ai pas trouvé mieux mais je ne sais pas ce que me réserve le futur.



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Les auteurs qui osent se renouveler en abordant des styles dans lesquels on ne les attend pas forcent le respect. Ces auteurs prennent le risque de déstabiliser leur lectorat habituel et de s'attirer les fourches caudines des aficionados du style abordé, c'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'un style clivant comme peut l'être la science-fiction. Mais c'est en même temps pour un écrivain c'est une façon de se remettre en cause, de relever un défi, de trouver de nouvelles sources de motivation et de créativité.

Laurent Gaudé a osé, « Chien 51 » est en effet un livre de science-fiction, sa première dystopie dans laquelle, une fois le décor planté, il fait vivre avec efficacité une enquête policière. Je trouve le pari totalement réussi tant le livre est bien construit, intéressant et prenant. Il faut dire que Laurent Gaudé n'a pas fait preuve d'une imagination totalement farfelue pour planter le décor de son livre, il s'est appuyé sur notre réalité et a poussé le curseur juste un peu plus loin.

Imaginez un peu…

Imaginez qu'un pays en faillite, comme la Grèce il y a quelques années, soit purement et simplement racheté par une grosse firme multinationale en contrepartie d'en assurer la gestion, de faire travailler ses habitants, devenus des « cilariés », mélange de citoyens et de salariés. Une privatisation au cours de laquelle l'État disparaitrait. Farfelu ? Pas tant que ça lorsque nous voyons le pouvoir croissant que certaines grosses entreprises planétaires ont et dont elles abusent pour influencer de façon de plus en plus inquiétante les États.

Imaginez un monde dans lequel le climat soit totalement déréglé de sorte que des tempêtes terribles puissent se déchainer subitement, de sorte que les températures soient extrêmes, et où la pluie soit une pluie acide et jaune sous laquelle il n'est pas bon de chanter de façon primesautière. Farfelu ? Cela se passe de commentaire.

Imaginez, dans un tel pays géré par une firme multinationale, la mise en place d'une politique de zonage. Les rares personnes les plus éminentes (hommes et femmes politiques notamment) vivraient dans la zone 1, zone idyllique et luxueuse protégée totalement de l'extérieur par un dôme climatique, les personnes diplômées (ingénieurs, médecins, cadres par exemple), elles, seraient immédiatement invitées à signer un contrat d'embauche pour une durée de dix ans renouvelables. Ils auraient ainsi le fameux statut de « cilariés » et vivraient en zone 2, zone au calme relatif protégée de l'extérieur elle aussi par un immense dôme climatique. Les personnes non qualifiées mais qui avaient un travail dans le pays racheté seraient invitées à rejoindre la zone 3, une immense zone suburbaine ouvrière où les immeubles délabrées côtoient les nouvelles constructions à logement intensif. Une zone pauvre, sans végétation, truffée de terrains vagues à la chaleur écrasante. Une zone 3 sans dôme climatique. Quant aux chétifs, aux délinquants, aux prisonniers, eux seraient tout simplement rejetés de la mégalopole, déportés on ne sait où. Des zones bien délimitées séparées par des check-point. Farfelu ? Pas tant que ça, ce serait ramener au niveau local l'existence des inégalités que nous avons déjà tant et tant exploitées au niveau mondial, faisant des peuples les plus pauvres des cobayes pour les plus riches.

Imaginez un jeu de loterie qui promet à un résident de la zone 3 de devenir habitant de la zone 2. Ce jeu appelé « Destiny » permettrait de maintenir l'espoir des plus démunis, n'empêchant pas cependant des périodes d'émeutes revendiquant la fin des zones, l'addition des zones 2 et 3, la disparition des check-points.

Imaginez enfin une technologie médicale permettant à quelques rares élus de la zone 1, les Honorables, de bénéficier d'une greffe permettant de vivre plus longtemps, de n'avoir pas de maladie, d'usure lié à l'âge. Une technologie qui vaudrait de l'or et qui susciterait quelques convoitises. Pas si farfelu, n'est-ce pas ?

Voilà le décor visionnaire planté par Laurent Gaudé dans lequel nous allons rencontrer Zem Sparak, un « chien », à savoir un policier déclassé de la zone 3. Il vient De Grèce et a vécu ce moment terrible où son pays, qui n'existe plus, a été racheté par la firme GoldTex. C'est une personne amère et sombre qui a tout perdu, famille, amis, amour, qui n'a pas réussi à empêcher la dislocation de son pays malgré son engagement, et qui vit avec la honte d'une terrible trahison faite juste avant son départ. Un matin, en pleine zone 3, il découvre sur un terrain vague un corps retrouvé ouvert le long du sternum, éventré tel un poisson vidé de ses entrailles. L'homme mort venait de la zone 2. Placé sous la tutelle d'une inspectrice de la zone 2, Salia, il se lance dans une longue investigation.
Durant ses seuls moments de répit, la nuit, Zem va retrouver les images chéries de sa Grèce natale grâce à la technologie Okios, aussi addictive que l'opium.
Le binôme va peu à peu remonter la piste du meurtrier, au prix de leur santé, au prix de leur vie.

« C'est ce soir-là qu'il avait eu, pour la première fois, l'impression d'être un oeil. Il était immobile et laissait venir à lui toutes ces ombres, petits travailleurs, vieillards alcooliques, enfants mal lavés, femmes éreintées par la course des jours. Il les regardait et il lui sembla qie c'était pour être là, parmi eux, qu'il avait fait ce long chemin depuis la Grèce : arriver jusqu'à cette place des Feux et être celui qui contemple ceux qu'on ne voit pas. Peut-être était-ce à cela qu'il était destiné : être l'oeil qui voit les masses éreintées ? Non pas pour les protéger mais pour que l'oubli ne tombe pas sur leur vie. Pour que lorsqu'un d'entre eux mourrait assassiné, il soit fait promesse de trouver le meurtrier, de réparer le scandale. C'est à cela qu'il allait donner sa vie ».


Pays privatisés, sélection et zonage des cilariés, technologies invasives, dérèglement climatique, c'est dans ce décor glaçant que Laurent Gaudé déroule de main de maître une enquête policière haletante et sombre, empreinte de nostalgie pour ce qui fut, souvenirs précieux et lumineux telles des étoiles porteuses d'espoir en ce monde menacé devenu menaçant. L'écriture est belle, fluide. L'intrigue est bien menée et les personnages, notamment Zem Sparak, de plus en plus attachant. Une très bonne surprise que cette intrusion dans le monde de la SF, du polar SF, par un Laurent Gaudé bien inspiré !
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Chien 51 est une troublante dystopie, un fabuleux polar d'anticipation dans lequel Laurent Gaudé scrute le présent, ses maux et ses dérives.
Lorsque les dirigeants de GoldTex ont annoncé le rachat de la Grèce après sa faillite, tous ses habitants après s'être insurgés vainement ont tenté de fuir sachant que leur pays allait être démembré, que leur terre deviendrait une terre d'esclaves.
Zem Sparak, combattant pour la liberté, arrêté, a trahi ses camarades d'armes et a fui ayant reçu un ordre d'évacuation personnel.
Expatrié, il est cilarié, (citoyen réduit à sa fonction de salarié) et n'est qu'un vulgaire « chien », c'est-à-dire un policier déclassé à Magnapole, une immense mégalopole. Celle-ci est divisée en trois zones avec des check-points pour passer de l'une à l'autre. Lui, opère en zone 3, zone qu'il a choisie après les Grandes Émeutes et où il arpente la crasse des bas-fonds depuis des années.
Il vit dans la culpabilité et la nostalgie d'un monde qu'il ne reverra plus, son pays ayant été rendu volontairement inhabitable, il sait qu'il ne sera plus jamais grec.
Son seul réconfort, il le puise dans une salle sombre d'une boîte de nuit du quartier RedQ, où il passe la plupart de ses nuits. Là, il peut retrouver l'Athènes de sa jeunesse, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l'opium.
Un cadavre éventré et la rencontre avec Salia Malberg, ambitieuse inspectrice de la zone 2, avec qui il a été verrouillé, c'est-à-dire avec qui il a obligation de mener l'enquête vont rompre son renoncement, faire ressurgir le passé et ébranler son fragile équilibre.
Chien 51 est un roman noir, inquiétant, à l'atmosphère singulière qui décrit un futur imaginaire pas si loin de notre présent. Comment, en effet, ne pas voir dans son récit, déjà beaucoup de choses qui font hélas, partie de notre monde, à un degré certes un peu moindre.
On y évolue dans une société ultralibérale, dans un monde effarant où de grandes sociétés se battent pour racheter des pays endettés pour organiser ensuite la vie comme elles le souhaitent. Un monde dans lequel l'injustice sociale est à son paroxysme, où règnent le cynisme et la violence. Un monde hyperconnecté, déshumanisé.
Le dérèglement climatique avec ses pluies acides, ses phénomènes imprévisibles et désastreux y fait des ravages sauf pour les privilégiés qui bénéficient au-dessus de leur zone d'un dôme de protection contre ces aléas climatiques.

Chien 51 aborde également un thème essentiel qu'est celui de la mémoire. le réalisme avec lequel Laurent Gaudé peint ce sombre futur nous ramène effectivement au présent.
Chien 51, ce roman d'anticipation très psychologique conjugué à une intrigue policière savamment menée a réussi à m'emporter et à me tenir en haleine du début à la fin.
Un roman sombre, très sombre, certes, mais fascinant, où une note de poésie de toute beauté vient réchauffer le coeur avec cet homme qui ne quitte pas la Grèce mais part à Delphes.
Bien qu'effrayée par cette société inégalitaire dans laquelle l'indifférence est de mise, je me suis attachée à ce personnage de Zem, souffrant avec lui lorsqu'il revit les tourments de son passé. J'ai été conquise par cet aller-retour entre passé et présent de ce roman très psychologique servi par une magnifique écriture fluide et précise.

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La plume, qui a frôlé, et parfois même donné en plein un chef d'oeuvre de quelque genre qu'il soit, ne peut plus simplement écrire un bon livre.
C'est devenu trop peu !
Laurent Gaudé le sait, lui dont l'oeuvre est balisée par quelques grands livres.
"Chien 51" est d'un genre à la fois original et très classique, un polar d'anticipation.
Il a été édité, en 2022, aux éditions "Actes Sud".
Et, son genre étant posé, chacun va s'empresser d'aller dénicher la référence, le livre déjà écrit dont on pourrait y apercevoir l'ombre de l'empreinte d'un hypothétique influence ...
Mais, même si l'on peut lui concéder quelques points communs avec "Soleil vert" d'Harlan Harrisson, ce nouvel opus de Laurent Gaudé est un livre atypique, marquant et orienté.
Et, J'ai ressenti ce livre comme un brillant slogan altermondialiste, comme un cri de révolte face au monde qui s'annonce !
Peut-être ai-je eu tort ?
Enfin, le rachat de la Grèce par Goldtex, cela ne vous dit pas un tout petit quelque chose ?
Athènes marchait tête basse !
D'ailleurs ne devrions-nous pas tous marcher tête basse ?
Mais ceci est presque une autre histoire ...
Le livre de Laurent Gaudé est un récit tendu, dur et sans concession.
C'est un polar très noir, une enquête policière menée dans un monde futuriste que l'on aimerait ne jamais connaître.
Rien n'y est simple, rien n'est épargné à ses deux enquêteurs, Salia Malberg et Zem Sparak, celui à qui le livre doit son titre "Chien 51"...
Zem Sparak, flic de seconde zone, anesthésié par le poids de son histoire, par la tragédie de son pays devenu un gigantesque champ d'ordures et par le sacrifice d'un amour jamais oublié.
Zem Sparak qui a la tristesse du vieillard qui se souvient des monde engloutis !
Le livre est écrit de manière magistrale.
J'ai lu quelque part sur Babelio, qu'il fallait être, en général, un écrivain du genre pour plus que moins livrer de la bonne vieille SF à ses lecteurs !
Les exemples ne manquent pas pour venir en contre-feu de cet axiome bien peu mathématique :
Perrochon et ses hommes frénétique, Pierre Véry et son royaume des feignants, son pays sans étoiles, Robert Merle et Malevil, Jean-Christophe Rufin et Globalia ...
L'anomalie d'Hervé le Tellier venant tout de même d'emporter un prix Goncourt largement plébiscité, et couronné par un record imminent et absolu des ventes depuis la création du prix en 1892.
Alors, alors ! Que dieu me savonne !
Et que Savinien de Cyrano, dit de Bergerac, me pardonne.
La science-fiction serait-elle un pré carré ?
Quoi qu'il en soit, "Chien 51" est un bon roman de SF mâtiné de polar, à moins qu'il ne soit un excellent roman policier dystopique.
A vous de voir ...
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Des dystopies je n'en ai pas lu énormément, mais je peux tout de même affirmer qu'elles excitent ma curiosité et me poussent à poursuivre jusqu' au dénouement, tout en provoquant chez moi un malaise, sorte d'angoisse que je ne peux contrôler, sans doute parce que, si certains romans développent un scénario peu probable, d'autre m'amènent certainement à envisager l'avenir de l'humanité de façon similaire au récit.

Chien 51 est tout à fait le type de récit qui laisse pensif : la Grèce en faillite, on l'a vu, et qu'un empire financier tout puissant rachète des pays… Pourquoi pas ? L'informatique ayant propulsé l'humanité dans un monde qu'on n'aurait pas imaginé il y a ne serait-ce que trente ans, on pourrait être amené à penser qu'une élite aurait les moyens de prendre le pouvoir et de surveiller chaque individu de la même manière que cela se pratique à Magnapôle, cité ultra moderne, née du rachat de la Grèce, utilisant une technologie de pointe, c'est même plus plausible que la domination de big Brother par écrans interposés.

Et là, on réfléchit, on se demande si cette société décrite dans Chien 51 n'existe pas déjà, sommes-nous vraiment égaux ? Non bien sûr ! Mais la différence entre ce récit et notre société actuelle, c'est que les inégalités existent naturellement quel que soit le gouvernement d'un pays… Dans chien 51, on cloisonne volontairement la société : les nantis, les travailleurs honnêtes qui méritent qu'on les gratifie de confort supplémentaire, et les autres : chômeurs, petits boulots, pauvreté, précarité… et on veille à ce que ces trois mondes ne se croisent pas !

Autre aspect anxiogène du roman : l'environnement : les pluies acides surviennent sans prévenir, un liquide jaune vous tombe dessus, les furies peuvent se déchaîner et tout emporter sur leur passage, On est bien face à un dérèglement climatique.

On n'oubliera pas l'action : il s'agit bien d'un thriller policier, avec un bon suspense, de la violence, une violence inouïe, avec des enquêteurs qui bien sûr, n'agissent pas en toute liberté et qui passent leur temps à « marcher sur des oeufs » dans ce monde où une poignée d'hommes fourbes et assoiffés de pouvoir font leur loi.

Un page-turner efficace et dont la lecture ne manquera pas de rester gravée dans les mémoires.

Challenge multi défis
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La Grèce n'est plus ce qu'elle était. En faillite, rachetée par la multinationale GoldTex, elle a connu l'oppression, les révoltes, l'exode. Ces habitants sont aujourd'hui parqués dans 3 zones. La zone 1 accueille les hommes puissants, la 2 les hommes les plus utiles et les privilégiés, toutes deux à l'abri sous un dôme de protection. Enfin, la zone 3 recueille les miséreux et les rebuts, que les pluies acides et les tempêtes ne ménagent pas. Zem Sparak, qui figurait dans les rangs de la révolte pendant les Grandes Émeutes, est devenu policier, un chien comme on les appelle au dépôt, et fouille, depuis maintenant 20 ans pour le compte des autorités, les rues de la zone 3. Aux Décharges Citoyennes, au sud-est de Magnapole, un corps vient d'être retrouvé par Bareïm, un siffleur. Si ce n'est évidemment pas son premier cadavre, Zem se fait la promesse de retrouver le coupable. À cause du programme de jumelage des polices, il sera sous les ordres de Salia Malberg, issue de la zone 2. D'ailleurs, étonnamment, c'est de là que vient l'homme retrouvé, le corps ouvert comme un poisson...

« Chien » dans la zone 3, Zem Sparak, de par son enquête sur un sordide meurtre, va être confronté à de terribles révélations et découvertes qui vont aussi bien le perturber que l'aider à reconsidérer le monde dans lequel il vit. Lui, le nostalgique d'un pays disparu, aujourd'hui devenu invivable, qu'il aime à retrouver grâce à l'Okios. Lui qui va voir resurgir un pan de son passé. Lui qui, grâce à Salia, avec qui il a été verrouillé, va entrevoir une lueur d'humanité. Pour son dernier roman, Laurent Gaudé change de registre et nous offre une dystopie d'une noirceur absolue, certes, mais troublante tant elle dépeint les déboires, les perversions et les maux du présent (dérèglement climatique, échelles sociales, totalitarisme, hyper connectivité...). Si l'atmosphère est plombante et teintée de nostalgie, l'on y plonge, paradoxalement, avec délectation tant les mots de l'auteur nous happent, tant les personnages, cabossés, sont attachants et convaincants, et tant l'auteur mélange habilement les genres.
Un roman saisissant, ambitieux et terriblement prenant.
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Je viens de faire connaissance avec Laurent Gaudé, grâce à "Chien 51" qui, d'après ce que je crois comprendre, sort un peu du registre de l'auteur. N'ayant rien lu d'autre de lui, je ne peux confirmer ou infirmer, je ne peux non plus comparer, ce qui n'est finalement pas plus mal. le côté dystopique associé au polar m'a tout de suite attirée, et maintenant que je l'ai terminé, je peux dire que c'est même plutôt réussi.

Laurent Gaudé nous plonge dans un monde dirigé par les grandes multinationales, qui n'hésitent pas à racheter des grandes villes, voire des pays entiers, en faillite. C'est ainsi que Zem Sparak a dû quitter sa Grèce natale pour s'installer à Magnapole, sorte de grande ville faisant office de capitale pour GoldTex, le géant qui a acquis Athènes récemment. Magnapole se découpe en trois zones. Les zones 1 et 2, recouvertes d'un dôme climatique gigantesque, accueillent la population riche et "utile", la zone 1 accueillant les privilégiés et les gros pontes. La zone 3 regroupe les bas quartiers, les pauvres ; elle n'est évidemment pas protégée par le dôme et doit faire face régulièrement aux pluies acides et tempêtes impressionnantes. Pour passer d'une zone à une autre, c'est tout un protocole qu'il faut respecter, et c'est loin d'être accordé à tout le monde.

C'est dans ce cadre que nous suivons Zem, un "chien" comme l'on nomme les policiers de la zone 3, qui va devoir enquêter sur le meurtre d'un individu, vivant en zone 2 mais retrouvé éventré dans la zone 3. Pour cela, il sera sous les ordres de Salia Malberg, jeune inspectrice de la zone 2, pour qui il fera le "toutou". Leur enquête les baladera de la zone 3 à la zone 1 et inversement, tour à tour menacés et menaçants, et les guidera vers des conspirations politiques mêlées à des violences de basse extraction.

Nous voilà donc pris au piège dans cette mégalopole futuriste, qui n'a rien pour plaire mais qu'on ne veut absolument pas quitter avant de connaître le fin mot de l'histoire. L'enquête en elle-même nous tient par le bout du nez, sans trop jouer de suspense pour autant, mais réussissant tout de même à titiller notre curiosité tout du long. Elle prend des teneurs amères, oppressantes, au fur et à mesure qu'on s'approche de la vérité. le devenir de nos deux enquêteurs prend un tournant quelque peu inattendu et prend de plus en plus d'ampleur dans la résolution de l'enquête. C'est littéralement pesant, opprimant, parfois déprimant ou offusquant, mais paradoxalement accrochant et exaltant. L'atmosphère est remarquablement bien rendue, et nous happe dès les premières pages.

Quant aux personnages, je n'ai eu que peu d'empathie pour Salia, qui n'a connu que Magnapole, et qui de ce fait vit au même rythme qu'elle et en accepte les préceptes. Pour Zem, en revanche, c'est différent. Il a connu l'expression "vivre libre", si on peut dire. Il regrette sa ville d'origine, sa vie d'avant. Il passe ses moments libres au RedQ, là où il peut les retrouver telles qu'elles étaient grâce à une technologie de pointe (et d'un peu de drogue). Affecté d'abord en zone 2, il a été volontaire pour travailler en zone 3 suite à un évènement dramatique. J'ai donc eu beaucoup de compassion pour cet être cassé, qui vit dans le passé et la culpabilité, partagé entre sa vie d'avant qu'il regrette et celle d'aujourd'hui qu'il n'aime pas. Il n'est peut-être pas touchant au sens propre, mais est quand même apitoyant et parfois désarmant.

Dans ce roman à la fois d'anticipation, dystopique et policier, Laurent Gaudé pose son décor (un monde de demain, avec tous ses dysfonctionnements climatiques), construit une intrigue (aux allures socio-politiques), campe des personnages (ambigus) dans un style qui se veut à la fois grave et mélancolique, peut-être un peu impersonnel également, mais tout autant convaincant et posé.

Ça a été (et non pas "ç'a été"...) une belle expérience. Ce mélange des genres est pour moi une réussite.
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Appelé sur une scène de crime, Zem apprécie moyennement d'être associé sur cette affaire à une jeune femme qui se trouve de plus être sa supérieure. Un début de polar banal, ce que le mode opératoire ne démentira pas ! Mais voilà, nous sommes en Grèce, ou ce qu'il en reste, alors que le pays en faillite a été racheté il y a de nombreuses années par une multinationale ! L'opération financière s'est assortie de pertes humaines colossales et d'une partition de la région géographique en zones bien distinctes selon le statut social de leur population. Seules les résidents de la zone 2 bénéficient d'un dôme protecteur contre les ouragans terribles qui surviennent régulièrement. Quant à la zone 1 elle est réservée à une élite politico-économique qui s'affronte au moment où les deux enquêteurs s'intéressent à l'histoire de leur victime, en vue des prochaines élections.

On est donc plongé au coeur d'un futur terrifiant, qui représente une exacerbation de tous les délires du libéralisme. La marchandisation d'un pays et de ses habitants est une dérive extrême mais pas invraisemblable des politiques de notre époque. 1984 en comparaison est un séjour bien-être tout inclus !

Le roman de science fiction se double donc d'une enquête policière que l'obstination de nos deux limiers entraîne sur des territoires de non droit extrêmement préjudiciables pour leur vie !


Bien construit et bien mené, on s'attache vite à l'intrigue et on frémit à l'évocation de cet univers si dénué d'humanité.

Belle réussite une fois de plus pour cet auteur qui excelle quel que soir le genre littéraire abordé !

304 pages Actes sud 17 Août 2022
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Véritable touche-à-tout, l'écrivain français Laurent Gaudé n'a plus rien à prouver. Lauréat du prix Goncourt en 2004 pour le magnifique le Soleil des Scorta, l'auteur aime se jouer des genres. On lui doit par exemple l'un des meilleurs romans de fantasy francophone, le sublime La Mort du roi Tsongor, ou encore le roman fantastico-historique Cris
Pas étonnant donc de le voir débarquer là où on ne l'attendait pas pour cette rentrée littéraire. Chien 51 mixe science-fiction et polar pour mieux reprendre les obsessions et la langue de son auteur. Mais Laurent Gaudé nous emmène-t-il dans le futur avec autant d'aisance que lorsqu'il nous guide à travers les turpitudes des temps jadis ?

Neuromancien à la grecque
Si vous ne l'aviez pas encore remarqué, l'imaginaire devient de plus en plus courant dans le milieu de la littérature générale. Chien 51 symbolise parfaitement cette infiltration en pleine lumière puisqu'il ressemble souvent à s'y méprendre à l'univers d'un certain Alain Damasio et ses Furtifs. 
La grande différence, c'est que Laurent Gaudé écrit infiniment mieux et de façon bien moins artificielle que l'auteur de la Zone du Dehors
Commençons par poser le décor. Nous sommes dans un futur plus ou moins proche et Zem Sparak est un « cilarié » (comprendre citoyen + salarié) de Magnapole, une immense mégalopole divisée en trois zones, chacune délimitant des populations de plus en plus riches et puissantes. 
Dans la zone 3 où exerce Sparak en tant que flic déclassé (ou "Chien" comme on l'appelle ailleurs), les habitants s'éreintent pour une misère dans le seul but d'entretenir les beaux quartiers de la zone 2…sans même parler de l'opulence de la zone 1 qui appartient à l'élite de l'élite. 
Cette Magnapole est la propriété d'une puissance multinationale appelée GoldTex. Dans le monde de Zem Sparak, des pays entiers sont rachetés par les consortiums et transformés à la guise de ces nouveaux propriétaires inhumains pour en tirer le maximum de bénéfice. Originaire d'Athènes, Zem a connu le rachat puis l'exode, la violence et la trahison. Désormais, pour retrouver sa Grèce d'origine, notre Ulysse cyberpunk doit avoir recours à l'Okios, une drogue particulière qui le ramène des années en arrière loin des sinistres caniveaux de la zone 3. 
Tout bascule lorsqu'un corps éventré est retrouvé dans une décharge de la zone 3 et que la victime s'avère « cilarié » de la zone 2. Obligé de faire équipe avec Salia, une flic de la zone 2, Zem s'embarque dans une enquête qui le dépasse complètement, perdu dans les limbes de la politique et de l'ultra-capitalisme de la Cité. 
Ainsi, nous voici devant un roman de science-fiction mixé à du polar bien noir sous couverture de littérature blanche. Certains parleront de dystopie (et ils auront raison), d'autres insisteront sur l'aspect policier (et ils auront également raison) tandis que d'autres encore y verront un énième récit teinté de mythique et de mélancolie (et devinez quoi ? Ils auront raison aussi). 
Laurent Gaudé explore cependant la science-fiction de façon un peu moins convaincante que la fantasy. Pas que sa langue faiblisse ni que ses personnages soient moins convaincants, mais on sent qu'il manque de l'originalité à ce gros mix science-fictif qui n'a pas grand chose de novateur pour qui est familier du genre. 
Reste cependant que le français connaît son art et qu'il maitrise son sujet, celui de l'homme face à ses démons, celui de l'individu broyé par la défaite. 

Écoutez nos Défaites
Chien 51 est un pur objet de science-fiction par bien des aspects. Et, comme chacun sait, la science-fiction n'est que la conjugaison au futur de nos préoccupations présentes. Normal donc de retrouver dans le roman de Laurent Gaudé une problématique climatique avec des pluies acides nécessitant une protection de pointe par un dôme climatique devenu vital, normal aussi de s'effrayer devant la toute-puissante capitaliste et des multinationales qui, désormais, régissent la vie des gens et remplacent les États eux-mêmes. Mais Laurent Gaudé, outre ses aspirations cyberpunk à peine dissimulées, nous livre aussi un polar politique efficace qui ressemble parfois à du Volodine dans le désespoir qu'on y capte. Zem Sparak a échoué. Il s'est battu pour les siens, pour son pays. Il s'est révolté mais il a perdu. Pire, il a trahi. Et depuis, il erre comme un fantôme en quête de son Ithaque, cette Grèce saignée à blanc. Et si la Grèce est le théâtre des opérations de Chien 51, cela n'a rien d'anodin. À la fois parce que cela permet à son auteur de filer une certaine métaphore antique à propos de son personnage principal et de la Cité (de l'Acropole à Magnapole, il n'y a qu'un pas), mais aussi parce qu'il s'agit de ce fameux pays aux problèmes économiques profonds pour l'Union Européenne dans notre propre univers. le roman, lui, ne joue pas la seule carte de l'exploration science-fictive et l'intrigue se construit comme un polar surligné de noir. On y retrouve des codes clairs, de son enquêteur démoli et solitaire qui cherche la rédemption, prêt à toutes les violences pour (se) faire justice aux rebondissements multiples sur l'identité d'un tueur qui s'avère bien plus politique qu'on ne le croit de prime abord. Laurent Gaudé, mélancolique et passablement pessimiste, contemple la folie des hommes et l'échec de la révolution. Il nous parle de nos défaites à travers le combat de Salia et Zem, deux amoureux qui n'en seront pas comme si l'amour lui-même était un cul-de-sac…au moins quand il s'attache à l'homme. Il nous parle d'un monde sous contrôle, gavé jusqu'aux yeux de propagande capitaliste et sous la main de fer d'un système policier qui repose autant sur la manipulation que sur la violence. Et puis il y a ce rêve d'immortalité, certainement le plus vieux fantasme de l'humanité, que l'on atteint presque par la « greffe » mais qui se construit sur le sacrifice et le mensonge. Qui s'arrache et qui se revend. Comme un Icare qui retombe sur la Terre pour avoir trop frôlé le soleil.

Et mon humanité en souffrance
Laurent Gaudé n'est pourtant jamais aussi bon que lorsqu'il s'attache à ses personnages. D'un côté Zem Sparak, notre héros en haillons, qu'on humilie volontiers, qui passe son temps dans des rêves brumeux d'un passé qu'il ne touchera plus jamais. de l'autre Salia, enquêtrice qui rêve d'une considération qui lui semble inaccessible, femme dure parce qu'on l'oblige à l'être pour se faire une place dans une société qui ne tolère rien d'autre de sa part. 
Au centre, le sexe et l'amour devenus des manipulations éphémères, presque des faiblesses, utilisés par les multinationales pour garder et récompenser ses esclaves. 
Et dans la fange de Chien 51, on retrouve cette puissance qui habite les autres romans de Laurent Gaudé dès que celui-ci se lance dans des monologues qui semblent ne plus vouloir finir. On retrouve cette langue puissante et ô combien évocatrice qui transforme le récit le temps d'une page ou deux en poésie mélancolique, en confession terrible. 
Laurent Gaudé cache en réalité ses obsessions habituelles, ces héros broyés qui font écho aux figures mythiques de jadis et qui errent entre l'Enfer et le Soleil. On y retrouve la fascination pour la défaite qui finit par faire l'histoire comme dans Écoutez nos défaites. le Français oublie alors le noir avenir qu'il tisse pour capter l'âme de Zem Sparak, ce qui le fracasse et le réanime, pantin d'un jeu politique qui le dépasse largement. 
Au fond, Chien 51 est la constatation d'un échec, celui d'une société qui va vers le cataclysme et oublie la beauté silencieuse du monde pour quelques possessions de plus. Un roman pessimiste et beau à la fois comme seul Laurent Gaudé arrive à nous en offrir.

Moins puissant que son Roi Tsongor, Chien 51 a pourtant beaucoup de choses à dire sur notre monde. Laurent Gaudé choisit la science-fiction pour dire la défaite à venir et emprunte au polar pour construire une intrigue captivante qui explore la mélancolie et les blessures de son héros. Une réussite qui plaira certainement davantage aux lecteurs de littérature blanche qu'à ceux de l'imaginaire. Histoire de sortir de sa zone.
Lien : https://justaword.fr/chien-5..
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Il y a des écrivains qui exploitent un filon généreux et sécurisant en travaillant toujours autour des mêmes thématiques , dans le même style littéraire .
Et puis, il y a ceux , plus rares, comme Laurent Gaudé qui sont protéiformes . Et qui font mouche à quasi chaque coup.

Ici , GoldTex a une spécialité , racheter les pays en cessation de paiement. Et cela commence par la Grèce. Spartak , comme tant d'autres est obligé de quitter son pays.
On le retrouve 20 ans plus tard à Magnapole, cité futuriste , qui ne s'embarrasse plus des convenances et sépare ses habitants en plusieurs zones . Les plus nantis sont sous un dôme et n'ont plus à faire face aux pluies acides qui déchiquètent la population en moins de deux. Pour autant, suite à une meurtre, lui le flic , ici nommé Chien, de la zone 3 va être amené à collaborer avec un officier de la zone 2, la zone des nantis.

Le talent s'exporte dans tous les genres et Laurent Gaudé est un maitre du récit en plus d'écrire divinement bien.
Alors certes , on n'est pas sur la qualité littéraire d'un Ecoutez nos défaites mais l'histoire et le monde conçus par l'auteur sont saisissants et, au delà de nous effrayer, semblent proches d'un futur possible.
Je ne vais pas dévoiler ce monde , ni la nostalgie de l'ancien qui affleure le texte, mais la manipulation, l'arrivisme, l'art de magouiller pour arriver à ses fins y sont maitres. le climat est ce qu'il sera dans 10 ou 20 ans dans notre monde . On ajoute une intrigue policière qui aurait pu à elle seule faire un livre et l'on se dit qu'attendre le prochain Gaudé, c'est déjà mettre un peu de lumière dans notre monde de lecteurs .
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