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EAN : 9782329040608
214 pages
Hachette Livre BNF (01/07/2018)
4/5   1 notes
Résumé :
Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.

HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces œuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande.

Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée caractéristiques de leur époque, mais qui seraient aujourd'hui jugés condamnabl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Né en 1872, à Besançon (comme Hugo et Proudhon est-il écrit), Charles Fourier a fait carrière de commis-marchand ou commis-voyageur à Lyon, puis, à partir de 1821, à Paris. Il a ainsi pu observer toute sa vie à quel point les clients se font avoir : à une époque où tout le monde ne parle que des conditions de la production, Fourier invente la défense du consommateur. Il a aussi pu souffrir durant toute sa carrière de l'autorité de ses patrons : à une époque où l'on est plus souvent domestique, ouvrier agricole, fonctionnaire ou commerçant, Fourier dénonce les conditions du salariat. Et prône son abolition.

Ce ne sont pas des exceptions dans sa pensée : Fourier a naturellement tendance à proposer des solutions à des problèmes qui, de son temps, ne se sont pas encore posés.

Par exemple, bien que vivant lui-même modestement, il voit bien que les domestiques se font de plus en plus rares : que se passera-t-il le jour où il n'y en aura plus ? Surtout si les femmes se mettent comme les hommes à travailler à l'extérieur ? Les gens ne voudront plus élever d'enfants : Fourier invente la crèche. Et qui va faire le ménage à la maison ? Fourier invente la femme de ménage. Et tout ce charbon et ce gaz qui coûtent si cher : est-ce que cela ne serait pas mieux de centraliser ? Fourier invente la centrale d'achat et le chauffage central. Et tous ces gens qui vont changer de métier sans arrêt, est-ce que ce n'est pas risqué ? Fourier invente les assurances contre les risques de la vie. Et la viande, vous trouvez cela écologique ? Fourier prédit qu'on va se mettre aux céréales, aux légumineuses et à la volaille et qu'on va diminuer la consommation de steaks. D'ailleurs, les surfaces agricoles ne suffiront jamais à nourrir la planète correctement, il faut envisager que chacun, reprenant Voltaire, « cultive son jardin », mais au propre. Quant au pain, ce n'est pas très nourrissant : on en mangera de moins en moins.

Bon, ce n'est pas exactement dit en ces termes, mais cela revient au même. Et cette morosité ambiante, ça ne vous gêne pas ? Fourier invente l'harmonie universelle et le plaisir de manger : la gastrosophie. Héritier de Rousseau, qu'il n'a peut-être pas lu, Fourier pense que l'homme est bon par nature et que c'est à la société de s'adapter plutôt que l'homme à la société mauvaise, la détestable « civilisation ». Tout commence par la satisfaction de manger : la gastrosophie est au coeur du système. le bonheur est une question d'estomac satisfait. N'oublions pas que Fourier défend la consommation. Et la consommation, c'est la société, c'est le partage. Aux individualistes, qui pensent que la consommation est une affaire individuelle : pourquoi alors se met-on à table à chaque fois que l'on veut passer un bon moment ensemble ?

Fourier voit le monde moderne arriver à grands pas : les femmes travailleront, plus personne ne voudra être domestique, le salariat, c'est fini, il faut se nourrir avec des produits de qualité, et tout cela sans faire de gaspillage. Ce qui ne signifie pas au moins cher et ce qui ne signifie pas non plus la mise en commun de tout. Communiste, Fourier ? Pas vraiment.

Quand on pense que Proudhon s'apprête à crier que la propriété, c'est le vol, et que cinquante ans plus tard, Marx en est encore à grommeler contre le vilain patron, Fourier, de plus loin, dépasse tout le monde et invente le socialisme libéral : oui, à la propriété ; oui, au profit ; oui, à l'actionnariat ; oui, au bonheur ; oui, aussi, à la collectivité ; oui, au partage ; mais non, au salariat ; non, aux commerçants voleurs ; non, à la libre concurrence de l'industrie ; non, à la surproduction ; et non, au gaspillage. Comment rend-on tout cela compatible ? C'est facile.

D'abord on construit un phalanstère (c'est sa grande idée). Il s'agit d'un bâtiment qui logera 1 620 personnes. Pourquoi 1 620 ? Parce que c'est le double de 810, tiens ! Et pourquoi 810 ? Parce que Fourier a fait le calcul des types de caractères qui existent chez l'être humain, et que c'est le chiffre sur lequel il tombe – précisément. Ces personnes sont organisées en une association « domestique », la Phalange.

Au centre du phalanstère, les bibliothèques, les salons d'étude, l'observatoire. Autour, les logements, comprenant les chambres et les salons. Pour déjeuner, sur 7 tables différentes, des menus seront établis tous les jours, à raison de 30 à 40 plats par jour, que l'on pourra déguster selon ses goûts et ses préférences. Fourier défend aussi la « papillonne », le besoin de l'être humain de changer, de varier les plaisirs. Si l'on croit encore que Fourier était communiste, il est noté ici que cela fait fortement penser à… un palace ! On perçoit ici que Fourier est Français… socialiste, peut-être, mais sans se priver ni de l'élégance, ni du luxe et moins encore du plaisir de manger…

La famille, le foyer, seront des notions un peu dépassées par la vie collective : on cherchera plutôt à l'extérieur ses activités, ses plaisirs, son confort ; on continuera cependant de se croiser à la maison. Un peu comme aujourd'hui.

Et que l'on ne croit pas que Taylor ait inventé la division du travail : 80 ans avant lui, Fourier scinde la journée de travail en courtes séances de différentes activités. Il s'agit ici de prévenir l'ennui du salarié qui perd en efficacité à occuper sa vie durant les mêmes fonctions et sa compromission à satisfaire un même client, le seul, son patron. Puisqu'il s'agit de viser l'épanouissement de chacun, la découverte de son moi intérieur, Fourier préconise plutôt des « séries ». Vous prenez part à 20, 30 ou 40 séries, qui sont des tâches à effectuer, lesquelles entrent dans un procédé global. Fourier se lâche un peu, il préconise des séances d'une heure environ, soit une dizaine par jour (oui, parce qu'on se lève à 3h30 et qu'on se couche à 23h…. C'est que dans l'harmonie universelle, on baigne dans le bonheur, on ne se fatigue plus…). Certes, nulle obligation de souscrire à la formule complète, mais force est de constater que c'est un peu tout de même la tendance « touche-à-tout » de la société actuelle.

Et comment est-on payé alors ? On divise les revenus de la Phalange, qui sont donc ses ventes à l'extérieur, puisqu'à l'intérieur, il n'y a point de commerce. 5/12 des revenus vont à la rémunération du travail. Mais comme le capital de la phalange est mis en commun, tous les travailleurs en possèdent des actions : 1/3 des revenus vont à la rémunération du capital. Chacun perçoit donc aussi, comme actionnaire, des dividendes. Reste une part de rémunération qui va à l'encadrement, à hauteur de ¼. Les expérimentations réelles affineront ces chiffres – sans résoudre la question du mode de nomination des encadrants – lequel se pose d'ailleurs toujours.

Ensuite, on répartit chacune de ces grandes masses individuellement : chacun sa part du capital selon ses actions, en nombre et en type (apport en numéraire, foncier ou en nature), de sa rémunération de travail selon son travail (les séries). Pour cela, la Phalange définit régulièrement les grilles de rémunérations. Elles ne sont pas établies en fonction inverse de la pénibilité, où les fonctions les moins fatigantes sont les mieux rémunérées (cols blancs) et les plus difficiles les moins bien rémunérées (cols bleus), mais, précisément, en fonction de la pénibilité. Selon les besoins de la production, le classement est donc amené à changer souvent. Mais personne n'est obligé de travailler ! Celui qui veut chômer doit tout de même avoir droit à une rémunération qui lui assure un logement et de la nourriture. On pense aux congés payés, bien sûr, mais aussi… au revenu universel. Quand on vous disait que les visions de Fourier étaient pénétrantes !

Si l'on se demande pourquoi la rémunération est si compliquée (des taux de rémunération du travail selon les séries, et chacun participe à plusieurs dizaines ; du capital selon le type d'apport, et il y en a trois, etc), c'est parce que Fourier sait bien que l'homme est cupide. Dans l'harmonie universelle, on n'obtient rien par la contrainte. Il s'agit donc de faire avec. D'intégrer la cupidité. Et avec une telle complexité de rémunération, chacun pourra se faire ses martingales dans son coin pour maximiser son intérêt individuel, c'est la collectivité qui y gagnera quoi qu'il arrive.

De cette manière, les gens mangent bien, sont logés, consomment ce qu'il faut, sans gaspillage, sont rémunérés à la hauteur de leurs efforts, favorise le développement durable et l'harmonie avec la vie animale, tout en répondant à leur ambition, et en harmonie avec les autres puisque les phalanstères sont faits pour assembler des caractères de la plus grande variété qui soit. C'est là que le socialisme de Fourier est si original : il n'est nulle part question de lutte des classes et d'égalité, mais plutôt de fusion des classes et de choix individuels de différenciation.

Mais qu'est-ce qui inspire tout cela ? Encore une fois, c'est la défense du consommateur. le problème de l'industrie, c'est qu'elle est très intéressée par l'obsolescence programmée (bon, Fourier parle d'un bon coup de grêle qui rend service au vitrier, ou d'un bel incendie qui donne du travail à l'architecte). de surcroît la libre concurrence instaure les cartels (qui n'apparaîtront que 70 ans plus tard) et les monopoles – qui ne favorisent en rien la concurrence. Quant à la spéculation, Fourier a pu constater ses résultats : parce que ses patrons ont trop attendu la hausse du prix du kilos de riz, il a été obligé lui-même d'en jeter toute une cargaison qui avait pourri !!

Il ne s'agit donc pas tant d'organiser la concurrence que d'adapter la production à la consommation. le phalanstère abrite la coopérative de production et la coopérative de consommation. du coup, à l'intérieur du phalanstère, c'est un peu comme avec les monnaies locales aujourd'hui, on crée une association, on y adhère, on envisage différemment le commerce et on favorise la production locale puisque chaque phalange est invité à l'autarcie – en fait, pour Fourier, il n'y a même plus du tout de commerce à l'intérieur du phalanstère, les échanges ne se font que d'une phalange à l'autre. Quel visionnaire ce Fourier !

Pour Gide, l'économiste qui nous propose sa synthèse, Fourier est à rapprocher du coopératisme et de l'anarchisme, façon libertarisme.

Le premier intègre une inspiration religieuse et vise à l'élimination du profit – et Fourier ne veut ni l'un ni l'autre –, mais il reprend l'idée de travailleur intéressés au capital. Autre différence, les corporations ne sont pas multimétier et ne prévoient pas de grands ensembles de logement communs. Gide prend exemple de coopératives ouvrières de production qui pratiquent des rémunérations dans des proportions assez proches de ce qu'avait prévu Fourier.
Le second, le libertarisme, voit également dans la libre association, la fédération de petites associations libres et indépendantes, le refus des « systèmes », de la « civilisation », une voie de salut : tout comme le fouriérisme.

Gide reconnaît toutefois que le mot « coopération », anglais, introduit par Owen, mais pas avant 1821, n'apparaît pas dans l'oeuvre de Fourier. le mot étant à l'origine synonyme de « communisme », Fourier, qui le hait, ne l'aurait pas employé, même s'il l'avait connu – d'autant que, du fait du goût des Britanniques pour le commerce qu'il abhorrait, il avait un petit côté anglophobe.

Fourier parle de « Comptoir communal ». Il s'agit d'acheter en gros au plus bas prix. Pour Gide, c'est la fonction de l'association coopérative de consommation. Elles avaient aussi le rôle de « caisse rurale » (la première ayant été créée en 1849 en Allemagne), de Pôle Emploi (pour trouver du travail), de magasin de dépôt (pour déposer son blé), de comptoir pour la souscription d'assurances, ou encore pour l'achat d'équipements industriels à moindre coût.

En somme, pour Gide, Fourier a cumulé dans son phalanstère le meilleur de ce qui est survenu depuis un siècle dans ce qui sera nommé les coopératives de production d'une part et les coopérative de consommation d'autre part.

Et pour les exemples concrets, une trentaine de phalanstères ont été tenté aux États-Unis dans les années 1840, mais celui qui avait le plus de chance de perdurer a été dissout et les bénéfices distribués dès lors qu'on a considéré qu'il avait été assez rentable… Au pays de Rockfeller, on ne se refait pas…
En France, André Godin, ouvrier, 26 ans, qui a perdu ses économies dans l'échec d'un autre Français parti au Texas créer son phalanstère, Victor Considérant, a eu plus de succès. Il en est resté 40 ans à la tête et a réalisé le modèle de Fourier. Dès 1843, à Guise, près de Laon, où il l'établit, il y a bien une bibliothèque, des écoles, un théâtre, des jeux. 400 familles comptant 1600 personnes sont logées dans 3 bâtiments. Les différences ? Pas de tables communes, les gens préfèrent manger chez eux. Pas de « séances de travail », ce ne serait pas efficace. Et s'il y a bien 186 séries (balayer, s'occuper du parc, etc), auxquelles les adhérents de l'association de la Phalange sont invités à s'inscrire, ils ne le font pas (selon Fourier ils devaient être payés, chez Godin, c'est du bénévolat). le salariat se maintient (c'est le contrat pour rémunérer le travail), mais chaque salarié est dans l'obligation d'acheter, avec les dividendes qui lui sont versés, une action de l'entreprise – et de la revendre à son départ. Godin est décédé en 1888, mais à l'époque où Gide fait son cours, en 1923, le phalanstère existait toujours…


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Charles Gide était économiste et professeur au Collège de France (Chaire "Enseignement de la coopération"). C'est parce que personne n'avait réintroduit Fourier académiquement qu'il a choisi de créer son cours de 1922-23 sur lui. Ce livre en est le texte.

Il parle avec clarté, concision et non sans humour, ce qui égaie fortement la lecture.

Comme il se limite à parler des coopérations, il ne s'appesantit pas sur les autres fulgurances de Fourier : la création d'une société des Nations pour sauvegarder la paix (il est vrai que le « Concert des Nations » était à l'oeuvre… mais en vain !), son ultra-libéralisme qui le mène à prédire l'abandon du mariage pour des formes de contrats plus souples qui briseraient l'hypocrise de fidélité (PACS ?), la scission des fonctions du couple (procréation, relations amoureuses, vie commune… -> coparentalité ?) et d'une manière générale, une sexualisation de la vie sociale, qui, là encore, ne paraît pas avoir été démentie par l'évolution de la société contemporaine…

Ainsi, bien que l'on ait été prévenu de la dispersion de son oeuvre, la courte synthèse de Gide (200 pages) motive fortement de partir à la découverte des écrits de Fourier…

Bon, je dois tout de même dire que je n'ai pas saisi pourquoi Gide, qui est économiste, ne nous a pas éclairé sur ce point étrange : pourquoi, fondamentalement, dans le phalanstère, les gens sont-ils rémunérés puisqu'il est répété qu'il n'y a pas de commerce dans le phalanstère et que, d'un phalanstère à l'autre, on fait du troc ?…

Reste une hypothèse : et si le phalanstère, c'était le monde ?...

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Citations et extraits (83) Voir plus Ajouter une citation
Né en 1772 à Besançon – la même ville où devaient naître quelques années plus tard, Victor Hugo et Proudhon – il avait donc déjà 17 ans quand il assista à la Révolution française. Il n’y prit aucune part et ne paraît même pas y avoir prêté grande attention. Sans doute n’a-t-il pas pensée que ce fut là un événement à comparer come importance avec les visions qui hantaient son cerveau ; dans ses livres il ne fait que rarement allusion à la Révolution. Il gagna sa vie comme employé de commerce, voilà tout ; non point employé dans de grands magasins, qui n’existaient pas encore, mais simple « sergent de boutique », disait-il de lui-même. L’aune à la main, il a, jusqu’à sa retraite, mesuré et taillé les « coupons » d’étoffes pour les clients. Il a passé à Lyon une grande partie de sa vie, puis à Rouen. Il n’avait pas, comme il le dit lui-même, beaucoup de temps pour lire, aussi son instruction fut-elle tout à fait sommaire. Il gagnait entre 1000 et 1500 francs par an, et quoique l’argent, il est vrai, eût alors une autre valeur qu’aujourd’hui, cependant on comprend qu’il ait vécu dans la condition la plus humble. Il eut toutefois la change de faire un petit héritage qui lui permit d’aller prendre sa retraite à Paris, où il finit par trouver quelques disciples. Il n’a jamais affecté les allures excentriques qui pourraient donner à penser les étonnantes citations que je viens de vous lire ; il ne s’est jamais fait une tête d’auteur romantique. C’était un petit employé parfaitement correct par sa tenue, toujours très bien brossé, portant la cravate blanche, et d’aspect le moins démoniaque que l’on puisse imaginer, parfaitement réglé dans ses habitudes, notant chaque jour le nombre de pages écrites, écrivant par exemple : « aujourd’hui jour de la Chandeleur, j’ai écrit les 20/36 pages de mon livre ». Célibataire obstiné, menant une vie extrêmement régulière, il avait les goûts non pas précisément d’un vieux garçon, mais disons plutôt d’une vieille fille, passant ses moments de loisirs à s’occupe des fleurs, aimant beaucoup à regarder les militaires et à suivre les retraites avec musique, comme les bonnes d’enfants, d’ailleurs ayant horreur de la guerre. Il s’intéressait beaucoup aux enfants, quoi que n’en ayant jamais eu, et leur a donné une très grande place dans ses écrits, mais il ne les aimait qu’à la condition qu’ils ne fissent pas de bruit et qu’on les envoyât se coucher de bonne heure. Et ce contraste entre une vie aussi bourgeoise, aussi respectable et une imagination aussi dévergondée, serait suffisant pour éveiller la curiosité et à donner le désir d’étudier de plus près de bizarre génie.
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Un bœuf, une vache, un mouton même, exigent pour leur nourriture plus d’espace que l’homme. Il faut donc choisir entre l’homme et le bœuf. Du jour où il faudra toute la terre pour l’homme il n’en restera pas pour le bétail. Il en sera de l’histoire du bétail ce qu’il en a été du gibier. Ce que nous appelons aujourd’hui le gibier, c’est-à-dire les animaux sauvages mais comestibles, a été la nourriture populaire de hommes de tous pays : au moyen âge c’était encore une nourriture courante : il n’y a qu’à lire les chroniques de l’époque. […] un jour viendra où le bétail sera aussi rare que l’est aujourd’hui le gibier, où le gigot de mouton sera un objet de luxe comme aujourd’hui le cuissot de chevreuil, une tête de veau comme aujourd’hui une hure de sanglier. Seuls les petits animaux, ceux qui n’exigent pas un grand espace pour vire ou même qui vivent des miettes de notes table, cochons, volailles, lapins, continueront à figurer dans les menus quotidiens.
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Il y a trois catégories parmi les végétariens. Les modérés, ceux de droite, si je puis dire, qui admettent comme nourriture non seulement tous les végétaux mais aussi les produits animaux qui n’impliquent pas la mort de l’animal dont ils proviennent, tels que les œufs, le lait, le fromage, le miel des abeilles. Puis les végétariens de plus stricte observance qui excluent tout produit animal, même non souillé de sang, pour s’en tenir aux produits de la terre. Enfin, ceux de l’extrême gauche, les « exaltés » - c’est le nom de leur secte, elle n’est pas nombreuse – qui rejettent les grains et légumes, pour s’en tenir uniquement aux fruits, frais ou secs, pris dans un sens assez large, y compris marrons, noix, olives, et qui pensent que ce menu suffit parfaitement à l’alimentation des l’homme et même dispense de recourir à d’autres liquides pour la boisson – tout comme Adam et Eve dans leur jardin d’Eden.
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Ce n’est donc pas par la contrainte qu’il emploiera pour briser cette exploitation du consommateur, c’est la libre exploitation des intéressés eux-mêmes de tout ce qui est nécessaire à leurs besoins et pour consommer tout ce qu’ils produisent : les consommateurs formant ainsi dans le monde économique (ce monde que Fourier appelle avec mépris « la civilisation ») des îlots – de grands ménages, chaque ménage devant compter environ 400 familles et constituer ce qu’il appelle le phalanstère. Ce mot est le plus connu , mais le véritable nom qu’il lui avait donné est association domestique agricole, tout à la fois société coopérative de consommation et société coopérative de production, emboîtées l’une dans l’autre, solidaires l’une de l’autre, de façon à former par leur réunion l’association coopérative intégrale.
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Cette esquisse du phalanstère suffit pour éviter l’erreur si répandue de croire que Fourier était un communiste ! Si vous voulez vous faire une idée , sinon exacte du moins la plus rapprochée, de ce qu’aurait été le phalanstère, s’il avait été réalisé suivant les vues de Fourier, il suffit d’aller passer quelques jours dans un de ces Palaces Hôtels, tels qu’on en trouve dans toutes les grandes stations de touristes, immenses établissements avec des centaines de chambres et même des appartements à divers prix, avec petites tables dans de vastes salles à manger, mais avec la faculté de se faire servir dans son appartement – et nul autre communisme que l’installation de certains services communs, tels que salles de lectures, de concert, de théâtre, de jeux, et, au dehors, tennis ou golf.
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