J'aime beaucoup, voire j'admire énormément l'oeuvre dramatique de
Jean Giraudoux, et je découvre ici son oeuvre romanesque. Ce n'est d'ailleurs pas un roman, plutôt différents chapitres, comme des nouvelles, qui sont reliés par une unité de lieu, cette province du titre qui apparaît comme un décor. Je ne vais donc pas résumer ou donner mes impressions partie par partie, car pour moi j'ai vraiment pris cette oeuvre comme un tout cohérent, même si ce n'est pas la même histoire.
Ce décor n'est ni vraiment daté, ni vraiment ni vraiment localisé ; il s'agit d'un petit bourg, avec sa foire, son église, sa grande place, ses oies, son école communale... Rien ne dit d'ailleurs que ce soit le même endroit à chaque fois, puisque le Narrateur n'est pas toujours le même, ou alors pas au même âge de sa vie ? Puisque c'est d'abord un enfant convalescent qui s'exprime, puis un homme en âge d'aimer...
On pourrait donc être dans une campagne française qui serait presque une campagne modèle, type, comme un décor où tout ce qui est attendu est présent, ce qui en fait quasiment une campagne de conte de fée, dans la mesure où les circonstances politiques ne semblent pas troubler les relations entre les habitants - à peine quelques mentions à des querelles religieuses entre catholiques et républicains anti-cléricaux, et que le progrès ne paraît pas modifier les comportements - pas d'électrification, pas de téléphone... Seule la mention d'une voiture, conduite qui plus est par une touriste américaine, apporte quelques éléments chronologiques.
Je parle de campagne idéalisée, dans la mesure où il s'agit d'une description stylisée, poétique même où
Giraudoux manie la langue avec subtilité et délicatesse. Rien n'est tranché, franc, car tout est dans l'entre-deux, à l'image du temps où le soleil brille en même temps que la pluie, comme le sourire se teint de larmes. C'est donc bien la mélancolie le sentiment dominant, un regret nostalgique du passé, joyeux et triste à la fois. Cette impression est renforcée par le fait que la majorité des récits aient pour Narrateur ou personnage principal un enfant.
La mélancolie est aussi ce qui permet de se transcender, de surpasser ses émotions. Cette force peut permettre d'apprécier le paysage et le monde à la manière d'un poète comme l'enfant malade, de découvrir l'amitié comme le fils du percepteur, de ressentir l'amour comme l'agent voyer... Ou d'être éveillé à la sexualité et au désir comme le Narrateur du récit "Sainte-Estelle", sans doute le texte qui est aussi le plus drôle : le Narrateur se moque, mais sans jamais de méchanceté.
Une découverte intéressante, mais qui n'atteint pas pour moi les sommets de l'oeuvre de
Giraudoux.