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Thomas Delooz (Traducteur)
EAN : 9782841723461
380 pages
L’Atalante (28/09/2006)
3.71/5   24 notes
Résumé :

Palmira Canadell est morte violée puis assassinée par trois voyous. Et Méndez n'a reçu pour mission que d'assister à son enterrement. Il fera davantage en partant explorer les petits cafés, les rues étroites, les appartements et les cours intérieures où se cachent les secrets de Barcelone. Le sang coule dans la cité catalane, et des ombres y planent aussi. Méndez observe que cinq femmes se réunis... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Quels liens unissent Palmira Canadell, la jeune fille violée et tuée par trois frappes qui vont bénéficier de la plus grande impunité de la part de la justice, et Eva Ferrer, Anna Parra, Sonia Vera, Patricia Cano, Marta Pino, des femmes que l'inspecteur Ricardo Mendez, du commissariat de Drassanes, voit tous les jours au café Poch.
Elles sont toutes originaires ou ont échouées à Raval, ce quartier populaire de Barcelone. Elles s'en sont « sorties » par le biais d'hommes qui les ont séduites ou forcées à se laisser séduire contre de l'argent, contre une situation plus enviable dans les beaux quartiers, contre un bel appartement, puis ont replongées parce leur sens de l'honneur l'exigeait, ou que la vie en a décidé autrement pour elles.
Domination qui ne dit pas son nom parce qu'elle s'inscrit dans la logique du régime franquiste et de sa survivance dans l'après franquisme.
Cinq femmes et demi, recouvre l'histoire de l'Espagne d'après le Franquisme où, comme dit un des personnages : « (…) les régimes politiques se succèdent, on voit arriver de nouvelles têtes, qui parlent d'un nouveau pays, mais, quand on s'y prend bien, les affaires restent les affaires et l'argent reste où il est. » Une autre version de « Pour que tout change il faut que rien ne change. »
Mendez est un flic à l'ancienne, à l'instinct, qui se fout de la hiérarchie et, des hiérarchies il en a connu plus qu'à son envie, il « a dans sa prime jeunesse (appartenu) à la police franquiste, sauf que quand on lui demandait d'arrêter un rouge, il lui apportait ensuite des livres en prison (…) il perdit la confiance des autorités franquistes. Et les autorités démocratiques, autrement dit authentiques, ne lui ont jamais rendu cette confiance, parce que Mendez joue aux cartes avec les petits délinquants du quartier et, au lieu de les embarquer, il leur demande de se chercher du travail et d'arrêter de faire chier. »
Il est écarté de l'enquête, les consignes de son supérieur (« un docteur en informatique »), sont claires : « Mendez vous n'étiez bon jusqu'ici qu'à rechercher les chiens perdus et à arrêter ces pickpockets qui finissent par oublier dans un bar les portefeuilles qu'ils ont volé, mais vous venez de descendre encore plus bas dans l'échelle professionnelle : vous vous limiterez désormais à assister aux enterrements… » L'inspecteur Mendez n'en fait qu'à sa tête, il va suivre ses propres pistes.
Elles vont le conduire à établir les liens souterrains entre le viol et l'assassinat de Palmira, les femmes du bar Poch, des promoteurs véreux, une opération immobilière en Cerdagne dans la commune de Sant Julià. Cette opération attire toutes les convoitises, mais aussi l'espoir des cinq femmes contactées pour figurer dans les spots publicitaires de la campagne de promotion.
« C'est qu'il bouge Mendez, il marche, il pose des questions, il fouine, il n'arrête pas même s'il n'a pas l'air de travailler. »
Le personnage de Mendez, à la fois contrepoint et tonique du tableau social de Barcelone, met en lumière et en valeur la duplicité humaine quels que soit les régimes politiques, les croyances et les valeurs défendues. Mendez est partisan de « la loi de la branlée », comme il s'en explique auprès du juge Simancas qui est lui, « …défenseur à outrance de la présomption d'innocence. »
Mendez est-il un justicier ou un simple éboueur qui revient vider les poubelles chaque matin alors que les honnêtes citoyens et les autres d'ailleurs, dorment encore ? Lui-même déclare : « La justice fait des tours et des détours. (…) J'ai bien peur de n'avoir servi toute ma vie qu'à faire des frayeurs. Des frayeurs qui n'ont pas duré longtemps, il faut bien le dire. »
Mendez a sa propre grille de lecture de la société que Ledesma illustre à merveille dans la description des lieux des personnages, de leurs habitudes, de leur langage, de leurs convictions : Pour les hommes : « Toute dame que tu sois, je vais te la mettre, ma petite, je vais te la mettre dans le cul. ». Pour les femmes, à l'instar d'Eva Ferrer : « Les femmes qui se battent vivent très longtemps, parce qu'elles doivent continuer à se battre. »
Les personnages de Ledesma sont des catalans pur jus, décrits avec une subtilité frisant parfois la caricature : Dani Roblès le cinéaste « ex-réalisateur de ces films confidentiels qui vous poussent à vous interroger sur votre propre expérience plutôt qu'à songer à épouser Richard Gere. » ; Oscar Madero en « …est arrivé à peser centre trente kilos, même s'il n'y parait pas à cause de sa grande taille (…) à force de manger tous les jours dans les meilleurs restaurants, de se déplacer partout en voiture, de ne pratiquer aucun sport, hormis celui qui consiste à siéger à la tribune du Barça et à travailler dans un fauteuil digne du trône impérial. » ; la Loles « policière aussi active que fessue » ; Conrado Pino, « promoteur immobilier, je suis aussi bien connu à la Généralité de Catalogne que dans les banques, au cercle du Liceu et à la tribune d'honneur du Barça. » ; Marta Pino : « le nombre de parents qui ont toujours tenu leurs filles pour des inutiles est proprement stupéfiant. » ; l'avocat Niubó « était si riche qu'il ne daigna pas se déplacer en personne au commissariat de ce quartier marginal. Il envoya un petit jeune qui était – ou aspirait à devenir – l'un de ses stagiaires. ». ; Amores, le reporter au chômage, « …désormais on ne tue plus les gens, on les entube. »
On prend un grand plaisir à lire Cinq femmes et demie. Ledesma mène le lecteur jusqu'au bout du récit et lui révèle la clé de l'énigme dans les toutes dernières pages. Chute inattendue qui renforce le plaisir de la lecture et les regrets d'être parvenu au terme d'un roman très attachant ou la dérision est souvent synonyme de nostalgie.
Le récit met l'inspecteur Mendez en avant, avec ses formules à l'emporte-pièce, son humour toujours à la limite, son espoir sans illusion, et son opiniâtreté à vouloir régler les affaires à sa façon malgré les désaveux permanents de sa hiérarchie.
Florilège de morceaux choisis :
« Un couloir aux parois ornées de cadre vantant les mérites de fondateurs de grandes entreprises historiques : la Banque des Pyrénées, qui a fait faillite ; la Banque d'Europe, qui a fait faillite ; La Banque de Barcelone, qui a fait faillite ; le quotidien Avui, qui fait faillite tous les matins, mais qui se débrouille pour reporter l'échéance fatale jusqu'au lendemain. »
« Un vent froid s'était brusquement levé sur les patios de derrière, se faufilait parmi les jardins des terrasses, remuant les feuilles des rosiers et les panaches des palmiers nains. Impérial, un vieil homme lisait sur une galerie, une grosse femme parcourait un article traitant de chirurgie esthétique et on entendait rire une petite fille qui jouait à cache-cache avec une bonne péruvienne. »
« Un établissement où l'on répare des stylographes de l'époque de la Grande Guerre, devant lesquels passe une multitude de dames inquiètes à l'idée de tous les achats qu'elles ont fait avec leur carte de crédit du Corte Inglès. »
« Il alluma une de ses cigarettes de légionnaire, au risque de se faire expulser de la ville. (…) Il avait fini sa cigarette. Un nuage toxique flottait autour de la table, s'étendait au-delà et menaçait de recouvrir l'ensemble du territoire communal. Si le maire n'intervenait pas, les fumeurs passifs commenceraient bientôt à s'effondrer dans la rue, saisis d'horribles tourments. »
Ledesma nous propose une plongée sans scaphandrier, en apnée pure, dans le Barcelone des non-dits, loin de la Sagrada Familia, du paseo Colon, du port refait à neuf pour accueillir les touristes, le Barcelone des arrières cours dont Patricia Cano nous dit, dès les premières lignes du roman : « …j'ai toujours pensé que la vérité se tient dans les pièces de derrière et non dans celles qui donnent sur la rue. »

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Qu'est-ce qu'un auteur engagé ? Un auteur qui dénonce des faits dont personne ne parle, ou presque. Francisco Gonzalez Ledesma nous raconte Barcelone, pas la Barcelone huppée des beaux quartiers, non, la Barcelone laissé-pour-compte, celle des petites gens qui survivent malgré tout et à qui on ne rend pas justice.
D'ailleurs, comment définir la justice ? Ah, oui, elle est définissable à travers un très beau concept : la présomption d'innocence. Sa petite soeur se nomme « libération pour bonne conduite ». Les victimes n'ont pas de voix, elles sont mortes, ou elles se terrent par crainte des représailles de ce si charmant jeune homme qui a prouvé en prison qu'il avait changé.
Y aura-t-il une justice pour Palmyra ? Même après sa mort, cette jeune femme force l'admiration. Toute sa vie, elle a su tenir tête à l'adversité, et aux hommes qui ne la voyaient que comme un morceau de chair. Trois agresseurs l'ont violé, et tué. Qu'elle se soit défendue, et pas qu'un peu, est bien à son image. Mais ils l'ont tuée. Ne restent en vie que sa mère, et Emma, sa soeur jumelle, aussi douce que sa soeur était combattive. Une seconde victime en puissance pour des violeurs et meurtriers qui, en plus de la terroriser, l'ajouteraient bien sans scrupule à leur tableau de chasse.
Mais Mendez est là. Et d'autres hommes aussi, qui semblent de prime abord peu recommandables. Il ne s'agit pas « de ne pas se fier aux apparences, ou à la réputation, mais de se dire que, parfois, certaines personnes peuvent faire de bonnes actions. Pas les trois violeurs, non, ni remords, ni regrêts, si ce n'est que cela n'ait pas duré plus longtemps. Pas Oscar non plus, charmant individu, riche, sans scrupules, et a envie d'assouvir toutes ses envies. Il n'est pas très éloigné des agresseurs de Palmyra, il possède l'argent et la puissance qui lui permettent, croit-il, d'asservir toutes les femmes qu'il désire. Croit-il.
Les cinq femmes et demi du titre, et d'autres figures tutélaires encore, feront tout pour se sortir de la mauvaise passe où elles sont, par la force des choses, par la conjecture, par un veuvage qui les a laissées plus démunies que prévu, le front haut et la dignité intacte. L'union fait la force.
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Francisco Gonzàlez Ledesma (né à Barcelone en 1927) - "Cinq femmes et demie" – Points, 2011 (ISBN 978-2757824566) - traduit de l'espagnol par Thomas Delooz - d'abord édité chez "L'Atalante" en 2006 ; original en langue espagnole publié en 2005 sous le titre "Cinco mujeres y media".

Un roman policier tout simplement remarquable.
L'auteur mène de front une intrigue imbriquant de plus en plus étroitement les destinées de six femmes dans l'Espagne d'aujourd'hui, avec des retours sur les périodes de la dictature franquiste, de la guerre civile, de la transition, en parcourant les différentes strates sociales vues depuis les quartiers les plus pauvres de Barcelone par un vieux policier, Mendez, aux méthodes anciennes et à la compassion illimitée.

Le problème posé aujourd'hui par l'(in)justice, par la manie des juges de relâcher immédiatement les petits caïds qui terrorisent leurs victimes, surtout féminines, sans encourir la moindre sanction est ici particulièrement bien rendu. L'auteur mobilise avec la maîtrise d'un virtuose divers procédés d'écriture, en fonction de la situation qu'il se propose d'exposer...

Remarquable.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Il faudra se renseigner dans les milieux de la drogue, chef.
- On s'en occupera, Méndez, mais sans que vous interveniez. Et maintenant retournez voir auprès de la dame si elle se sent mieux, quoique je me demande si votre présence va vraiment la tranquilliser.
Méndez obtempéra sans protester. Après tout c'était une de ces tâches qu'on se bornait désormais à lui confier. Suspect aux yeux des franquistes parce qu'il prenait soin des rouges emprisonnés, suspect eux yeux des démocrates parce qu'il avait travaillé dans la police franquiste, suspect aux yeux de ses chefs parce qu'il agissait toujours pour son compte, aux yeux des juges parce qu'il ne croyait pas à la loi, à ceux des maquereaux parce qu'il protégeait les putes, de même qu'à ceux des putes parce qu'elles n'arrivaient pas à croire à ses discours sur son impuissance et qu'elles craignaient de le voir un jour se jeter sur elles tel un fauve affamé.
Une chose est claire Méndez : tu ne risques pas l'avancement.
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Depuis le fond de la galerie où reposait le soleil, Eva Ferrer regarda son fils.
Comme beaucoup d'enfants autistes, il était beau. Il avait encore une peau juvénile, des traits doux et, surtout, un regard propre...
Son fils se tenait toujours là, dans la galerie de derrière, et, témoin tranquille de choses aussi délicates que la danse des nuages, les ondoiements du vent et les noces des oiseaux, il était devenu l'âme de la maison. Mais seule Eva Ferrer savait cela, car, pour les voisins, ce garçon toujours immobile avait fini par faire l'effet d'une tache dans le paysage.
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Méndez l'entendit chuchoter :
"C'est vous qui me retenez à la vie.
- Pourquoi ?
- Parce que vous me donnez de l'espoir. Je sais bien que l'espérance n'a pas toujours de sens, mais du moins sert-elle toujours à quelque chose. Je l'ai lu la nuit dernière dans un dialogue d'une œuvre d'Eschyle : "Qu'as-tu fait pour délivrer les mortels des terreurs de la mort ?" Et Prométhée répond : "J'ai semé dans leur cœur l'espérance aveugle."
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Quel que soit le régime, les hommes comme Mendez ne se sentent jamais à l'aise : les dictatures défoncent la tête des innocents et les démocraties ne défoncent jamais celle des coupables.
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L’argent semble éternel, mais il s’évapore en deux ans quand on se consacre à vivre ainsi, c’est-à-dire comme une reine. L’appartement finit par prendre des allures de cadeau empoisonné quand on doit payer les charges et les impôts, détails auxquels je n’avais pas pensé. Quand il faut payer une femme de ménage au mois ou bien se casser le dos à faire les sols, que le chauffage coûte une fortune, que le syndic de copropriété décide de changer toutes les canalisations de l’immeuble et qu’il faut payer le concierge tous les mois.
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