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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Attention, gros morceau ! J'avoue que j'ai pas mal hésité lors de ma dernière virée au village du livre de Montolieu. Il faut dire que l'édition de « Vie et destin » que je tenais entre les mains n'était pas la plus sexy qui puisse exister. En résumé, un bon pavé (plus de 800 pages), mal imprimé, en tout petit, il y a définitivement de quoi rebuter le lecteur le plus motivé. Finalement, vous vous en doutez bien, j'ai fini par repartir avec, entre autres (difficile de repartir à vide de Montolieu !), ce livre sous le bras.

Vous l'aurez compris, « vie et destin » est un livre exigeant. Sa lecture m'a vraiment demandé des efforts, mais à force de m'accrocher, j'ai réussi à rentrer pleinement dedans. Mais ce fut un combat de longue haleine ! le livre est présenté partout comme un monument du XXème siècle et force est de constater que cette réputation n'est pas usurpée. Vassili Grossman, fervent communiste au départ, est devenu au fil des années un « ennemi du peuple » au sens du régime soviétique. Il nous propose en filigrane de cette peinture de l'Union Soviétique autour de la bataille de Stalingrad une critique en règle du régime en montrant les similitudes entre nazisme et communisme : polices politiques, existence de camps de concentration, neutralisation des opposants par la terreur et la répression, nationalisme d'Etat qui cherche l'élimination des minorités, antisémitisme. On comprend que ce livre n'était pas du goût du pouvoir, qui l'a fait saisir par le KGB. Disparu pendant 20 ans, il a finalement été miraculeusement retrouvé.

« Vie et destin » est un roman polyphonique qui nous fait suivre la vie d'une multitude de personnages, physiciens, prisonniers de guerre, militaires ou simples particuliers, en Union Soviétique pendant la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement autour de la bataille de Stalingrad (1942-1943). Leurs destins vont se tisser et s'entrecroiser pour nous faire vivre tout un pan de cette période de l'histoire. le destin de Sturm, le physicien, est saisissant et très révélateur de la dérive de la société soviétique. Un beau jour, ses recherches sont critiquées par considérées comme pro-occidentales, juives et opposées à la doctrine officielle. Sturm vit alors dans la crainte et l'angoisse d'une arrestation, de plus en plus isolé, tous se proches se détournant de lui. Et un beau jour, il reçoit un appel de Staline lui-même et va retrouver son poste, son prestige et ses amis. Moyennant quand même la signature d'une lettre niant les arrestations arbitraires du régime. Glaçant !
En bref, une lecture exigeante mais indispensable pour mieux comprendre tout un pan de notre histoire.
Lien : https://instagram.com/Mangeu..
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Attention! Chef d'oeuvre absolu en vue! Et je pèse mes mots. A quel point? depuis cette lecture, le regard que je pose sur le livre -l'objet livre- est plein de respect. Quand je le déplace d'une étagère à l'autre, c'est comme si je tenais les tables de Moïse.Il n y a pas de mots pour rendre justice à l'oeuvre de Grossman. Vous voyez ces quiz qui vous demandent quels livres emmèneriez vous sur une île perdue? et bien comme tout le monde, j'ai répondu il y a dix ans à ce petit jeu, et depuis, malgré toutes mes lectures et découvertes, je me suis jurée de rester fidèle et de ne jamais changer cette liste...jusqu'à Vie et Destin. Vie et Destin est le second tome de l'histoire de la bataille de Stalingrad.J'avais lu la première partie; Pour une Cause Juste et déjà j'étais époustouflée. C'est l'histoire d'une famille, de leurs amis, collègues et voisins durant les premiers jours de la bataille de Stalingrad. J'avais lu cette première partie en 2016 je crois, et j'ai mis du temps à trouver Vie et Destin...jusqu'à ces dernières semaines. Trois années après donc, je commence Vie et Destin en me souvenant très vaguement des protagonistes de pour une Juste Cause et des détails de leurs destins, mais je me souvenais déjà, de l'effet incroyable de ce livre. Je me souvenais ne pas avoir été dérangée par la multitude de personnages secondaires, des détails militaires ultra-techniques, des plans de batailles...etc. J'entame donc cette deuxième partie, avec quelques appréhensions. Première chose à savoir pour bien comprendre le grandiose de l'oeuvre de Grossmann, c'est l'histoire de Grossmann justement et celle de ce livre. Dans la première partie, c'est son expérience de soldat- journaliste qu'il décrit superbement. Il est patriote à l'extrême, et rapporte l'héroïsme de ses compatriotes, leurs courages moraux et physique devant l'agression nazi, et il est admiratif de ce peuple vaillant qui , non seulement tient tête, seul, à l'offensive allemande, mais est également à l'origine d'une idéologie qui est seule capable de contrer le nazisme, de ramener l'égalité et la dignité à l'humanité: le communisme. Grossmann en était convaincu. La deuxième guerre s'achève, les nazis sont vaincus....et le communisme entame son expansion. Et quelle expansion! Grossmann découvre, comme le monde entier ce que devient le communisme et ce qu'il inflige au peuple russe.Et cette découverte est la raison d'être de Vie et Destin. Grossmann y raconte le siège de Stalingrad, mais avec un oeil nouveaux: les russes assiégés sont toujours aussi vaillants et courageux, leur vie dans cet état de guerre suit son cours malgré tout, on travaille comme on peut, on étudie comme on peut, on s'aime comme on peut, on survit comme on peut et on meurt parfois.Mais le ver est déjà dans la pomme. le système atroce à venir est déjà en marche et en on voit les prémices: l'antisémitisme, la surveillance permanente et son lot de délations, l'absolutisme idéologique qui se mêle de tous les aspects de la vie; même de la personne qu'on doit aimer. Chaque russe a, de près ou de loin, été déjà, depuis l'époque de la collectivisation, touché par la bête. Nul n'est à l'abri, et tous doivent vivre avec ce monstre qui dévoile tour à tour le courage des uns, la lâcheté des autres, la résignation de certains et l'aveuglement de quelques uns...jusqu'à ce que leur tour vienne....car, oui, nul n'est à l'abri. le propos de Grossmann est sa déception ( et il y a de quoi) face à ce qui résulte de la bataille de Stalingrad. Cette bataille était le symbole de la lutte contre le mal absolu, elle était l'obstacle, le barrage ultime face à ce que l'humanité a engendré de pire, le grand sauveur de l'humanité. Sauf que cette victoire a nourri une bête, a donné une légitimité à la bête miroir. le communisme qui était l'étendard, le moteur de cette bataille contre le nazisme n'était que son reflet, utilisant les mêmes rouages, pour aboutir aux mêmes finalités: l'annihilation de l'humanité. Grossmann ne juge absolument aucun personnage ni aucun de leurs comportements. Leur psyché et ses mécanismes sont déroulés minutieusement sur de longues pages fabuleuses et douloureuses....et que dire de sa description des camps d'extermination!!!!! On a vu des dizaines et des dizaines de reportages et d'images des camps et des horreurs nazis. Mais aucune, en ce qui me concerne, n'ont égalé les mots de Grossmann, quand il décrit les réunions de travail des bâtisseurs des camps, quand il nous emmène dans des villages où les uns ont massacré les autres...parcequ'on leur a donné l'ordre....quand il nous entraîne avec un enfant et une femme, tout au long de leur "voyage" en train, vers les camps, vers les chambres, vers les douches, vers" La" chambre , leurs incrédulités, leurs espoirs, leurs lentes marches stupéfaites et résignées...leurs morts.Pour la première fois de ma vie, j'ai dû fermer brusquement le livre, comme on se couvre les yeux devant un film d'horreur, l'excitation en moins. J'ai mis plusieurs jours avant de reprendre la lecture. Il y a encore tant et tant à dire sur ce livre, notamment l'histoire de la saisie du manuscrit, de sa réapparition vers les années 80 je crois. Mais j'invite vivement à le lire, car aucun mot n'en sera à la hauteur.
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quel bouquin.... On peut s'en servir pour le jeter à la gueule du voisin, je m'en suis servi pour caler un barbecue dans mon jardin. Un pote nain (détail sans grande importance) s'en est servi pour monter sur le canapé. Ma femme m'a menace de le foutre dans les chiottes si je ne cessai pas de me plonger dedans en rentrant du taf. Un gilet jaune l'a descellé pour le balancer sur des CRS.
Y a pas à chier en plus de tout cela il faut le lire. Quel régal. Il est aisé de comprendre qu'il a mis à mal le gouvernement (oui ça me fait marrer d'utiliser ce terme pour parler de l'URSS) soviétique. Les types avaient les genoux qui claquaient à la première lecture et en plus en le faisant tombé y en a un qui s'est concassé un orteil (bien fait mec)
Le type est sévèrement burné fallait oser, d'ailleurs ils l'ont même pas foutu en zonzon car même entre 4 murs il aurait été capable de transformer le camps en village vacance avec des géo et des services civiques.
S'il n'était pas si gros il aurait mérité d'y retourner (ca me fait penser à des trucs ca tient) car une seule lecture ne suffit pas à en faire le tour et saisir ce qui se cache derrière chaque porte.
Grosse référence ce livre, il n'est pas mis à la lumière comme il le mériterait car entre extrêmes des 2 bords il y a toujours des points de convergences;
Je recommande vivement. Et régalez vous
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Remarquable ouvrage (j'hésite même à utiliser le mot roman) qui renvoie dos à dos les deux projets parmi les plus criminels de l'humanité. Il aurait été dommage que ce livre eut connu un destin différent en ne parvenant pas jusqu'à nous. Quel choc pour les censeurs de Moscou à sa lecture dans les années 50...
Quel choc aussi pour les lecteurs avertis des scènes effroyables de Treblinka ou des exactions de la Loubianka. La même terreur! le même but...une extermination et une déshumanisation. Que n'ais je lu au préalable « Pour une juste cause » et m'attacher ainsi encore plus au destin de ces millions de gens avant le dénouement de leurs histoires personnelles.
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Le destin de ce livre est fabuleux : deuxième tome d'une colossale saga à la Tolstoi, il marque la révolution politique de son auteur qui, de fervent communiste, aura profondément évolué dans ses convictions en comprenant autour de l'axe de la bataille décisive de Stalingrad les ressorts profonds du pouvoir stalinien, ce qui l'amènera à être le premier auteur à renvoyer dos à dos communisme et national socialisme en soulignant leur glaçante proximité. On mettra du temps à découvrir cette oeuvre : rédigée en 1960, elle fut l'une des très rares à être confisquée, manuscrit et copie stencyl saisis, par les autorités soviétiques. Censure plus forte encore que l'interdiction, cette confiscation marque bien à quel point le propos du livre inquiétait le pouvoir qui s'est ainsi assuré que personne n'y porte les yeux, ne serait-ce que sur quelques copies privées! Ce n'est que vingt ans plus tard que "Vie et destin" sera publié en Occident, et qu'il acquerra sa réputation de roman majeur du 20ème siècle.

Une toile de fonds pareille, ça ouvre mon appétit de lectrice, et même s'il faut avoir un bel estomac pour avaler les 1200 pages du roman, je vous garantis qu'il se dévore avec beaucoup plus de facilité que je ne le craignais. Certes, les scènes de guerre sont nombreuses puisque la bataille de Stalingrad constitue le socle du roman, mais pas que : on suit un nombre important de personnages dans des contextes différents, en exil loin des villes, dans un camp de concentration allemand, au coeur de Stalingrad assiégée et à l'arrière du front. Partout, on croise des personnages forts, tragiques, broyés par l'histoire. Ce qui frappe et fait la force de ce roman, c'est le parallélisme troublant entre les situations tragiques dans lesquelles ils se retrouvent et les mécanismes de mort et de terreur infligés du côté soviétique comme du côté allemand : sur l'horreur des chambres à gaz se superpose celle des purges de 37 ou la mise à l'écart pour des motifs arbitraires des révolutionnaires de la première heure, l'antisémitisme présent des deux côtés.

Un roman riche de figures et réflexions politiques profondes, qu'il faut effectivement avoir lu dans sa vie pour comprendre le 20ème siècle et les ressorts du pouvoir totalitaire, voire du pouvoir tout court.
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Шедевр! Un chef-d'oeuvre !, comme seuls (ou presque) les russes savent en écrire.
Cela fait des années que je souhaitais approcher ce texte, mais ses presque 1200 pages m'effrayaient...et puis la guerre mondiale ...encore un livre pour ressasser les même choses....bref! une envie de culture et de découverte contrariée par ma paresse.
L'été, saison des romans légers pour certains, fut pour moi au contraire l'occasion de me plonger dans ces pages. Comment ignorer un auteur majeur de la littérature, et surtout un auteur dont ce titre fut saisi et interdit par la KGB...
Tout ce qui gêne les sbires bas de plafond, quel que soit les lieux où ils exercent leurs activités de censure, mérite d'être lu.
Une rapide recherche sur Babelio des livres qui furent interdits ici où là prouve si besoin était que tous ont passé le temps, et en sortis grandis... Certains même, interdits ici ou là, font le bonheur de nos gamins et le nôtre et bâtissent notre culture littéraire.
Oui, "Vie est destin" est un livre superlatif, par les thèmes développés, par sa taille, par le courage de l'écriture et des propos de l'auteur qui fut un temps journaliste. Il couvrit la bataille de Stalingrad et accompagna les soldats russes jusqu'à Tréblinka.
Des pages courageuses pour nous décrire, au ras du terrain, et des trous de bombes, la vie de ces soldats russes dans le froid de Stalingrad, leurs privations, leur faim, mais aussi ces commissaires politiques qui les surveillaient, qui demandaient leur exécution parce qu'ils avaient reculé de quelques mètres, ces commissaires politiques qui à leur tour connurent plus tard l'exécution sommaire, la balle dans la tête...
La guerre vue au travers de morceaux de vie de nombreux personnages..Difficile de tous les enregistrer.
Et il en fallut du courage, pour décrire d'une part les conditions d'extermination des juifs dans les camps de la mort, il nous en faut aussi à nous lecteurs, pour lire ces pages froides, presque mécaniques, sans accroc, bien huilées, ces pages décrivant l'arrivée des gamins, des femmes et des vieux, le tri de ces juifs inutiles pour le travail forcé, éliminés, leurs derniers voyages depuis leurs wagons jusqu'aux fours, tout ça lu des dizaines de fois. Mais la mécanique bien rodée de ces camps, décrite par Grossman, fait froid dans le dos....témoigner en souvenir de sa mère, juive comme lui donc, une mère qui fut exterminée.
"Il existe un droit plus grand que celui d'envoyer les hommes à la mort sans se poser de questions, c'est celui de se poser des questions en envoyant les hommes à la mort." Beau sujet de dissertation!
Mais un personnage central mérite toute notre attention, et mobilise Grossman : Staline...
Staline comparé à Hitler, dans leur politique de répression, et d'élimination des juifs. Staline était mort depuis presque 10 ans quand Grossman publia ce texte, mais il gouvernait encore la Russie, par des sbires attentionnés poursuivant sa pensée. Son idéal de violence et de répression imposait le mutisme à la population. Courageux, Grossman multiplie les critiques, les comparaisons entre nazisme et stalinisme. On frémit de certaines paroles de ses personnages:
"Au nom de la morale, la cause révolutionnaire nous avait délivrés de la morale, au nom de l'avenir elle justifiait les pharisiens d'aujourd'hui, les délateurs, les hypocrites, elle expliquait pourquoi, au nom du bonheur du peuple, l'homme devait pousser à la fosse des innocents. Au nom de la révolution, cette force permettait de se détourner des enfants dont les parents étaient en camp. Elle expliquait pourquoi la révolution exigeait que l'épouse qui n'avait pas dénoncé son mari innocent fût arrachée à ses enfants et envoyée pour dix ans en camp de concentration."
....
"...il faut haïr Staline et sa dictature !
Mais non, non, bien plus ! Il faut condamner Lénine."
....
ou encore
"Ce qui se jouait, c'était le sort des Juifs, que l'Armée Rouge avait sauvés, et sur la tête desquels Staline s'apprêtait à abattre le glaive qu'il avait repris des mains de Hitler, commémorant ainsi le dixième anniversaire de la victoire du peuple à Stalingrad."
Camps nazis ou Goulag stalinien étaient comparables...il le clamait haut et fort. L'enfer en miroir.
Il dénonce également les chercheurs devant faire leur autocritique, imposée par le Parti, parce que leurs découvertes n'étaient pas conformes à l'orthodoxie du Petit-Père, les pourquoi et comment briser les hommes, l'utilité économique des camps...
Alors le KGB saisit son livre, Grossman rejoignit la liste des auteurs interdits de publication.
Diverses parties du livres furent retrouvées, mais certaines pages manquent encore à jamais. le lecteur doit alors se contenter à plusieurs reprises de=========== et imaginer ce que ces signes cachaient.
Vassili Grossman eut le courage d'écrire ce texte, prit le temps de nous informer, de partager ses douleurs...Alors, cela valut le coup pour moi, de prendre le temps de vivre par pages interposées cette douleur et ces témoignages....des pages qui m'apprirent que l'armée russe utilisait à Stalingrad des armes et des avions américains, qui m'apprirent ce qu'était le Lend-Lease.
S'il est des pages que chacun devrait lire, et relire, ce sont celles nous alertant sur l'antisémitisme et ses causes, des pages qu'on devrait extraire et partager, des pages qui malgré leur âge n'ont pas pris une ride.
Oui, j'ai passé une très bonne semaine estivale de lecture, pas toujours facile toutefois, mais tellement instructive et passionnante.
Un très grand merci à Vassili Grossman. Là-haut, au paradis des hommes de coeur, vous êtes certain de ne pas rencontrer les sinistres personnages de votre roman.
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Vie et Destin est la deuxième partie du témoignage gigantesque, Pour une juste cause, de Vassili Grossman sur la bataille de Stalingrad.

Il présente la suite des évènements dans un cadre politico-militaire et sociale. Il amène le lecteur dans les coins de la Russie soviétique, envahie par l’armée allemande jusqu’à la Volga, pour dévoiler la vie des gens. De nombreux personnages montent sur scène, les uns après les autres, pour parler de leurs vécus manipulés par les évènements de la guerre qui s’est déroulée en 1942-1943. Ils partagent avec le lecteur la situation de l’époque, notamment, celle de la population souffrant de tout type d’amertume.

En effet, l’auteur a su comment nouer, prodigieusement, les hauts et les bas de ladite époque pour résumer l’histoire de l’une des batailles les plus sanglantes de la Seconde Guerre mondial. Faisant, ainsi, une grande œuvre ornée de morceaux de bravoure qui ont bâti l’essentiel de l’héroïsme du peuple russe face à l’enfer de la guerre.

Vie et destin est, donc, un ouvrage-fleuve dans lequel des destins se croisent pour écrire une trilogie de trois verbes : vivre, survivre et mourir. Vivre la résistance au nazisme ; survivre à tout destin signé par la guerre, sauf, à la mort pour sa patrie. Ce roman reste, certainement, l'un des chefs-d'oeuvre de l'écriture guerrière.
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Il y a de ces livres qu'il est indispensable de lire. de grands romans, dont la civilisation comprend la portée, au point que certains hommes de (peu de) pouvoir cherchent à les faire disparaître. L'histoire de Vie et destin et accessoirement le destin mêlé de Vassili Grossman et de Andreï Sakharov sont d'ailleurs comptés dans la superbe exposition Odyssée des livres sauvés, au Musée de l'imprimerie de Lyon (http://www.imprimerie.lyon.fr/imprimerie/sections/fr/expositions) jusqu'au 22 septembre 2019. Vous y découvrirez des bribes des actes commis par la folie humaine à travers les siècles et serez conforté.e.s dans l'idée que lire, c'est grandir.

Vie et destin, c'est une photographie de Stalingrad fin 1942 – début 1943, à travers une multitude de destins – tragiques, bien évidemment. Vies russes, allemandes, civiles, politiques et militaires, Vassili Grossman aborde tous les champs de l'horreur qu'a traversé cette époque. Et quand je dis qu'il les aborde, en fait il les fouille, il creuse, il déniche le moindre petit détail et l'expose devant nos yeux.

L'écrivain russe adopte un double regard dans l'écriture de ce roman. Chacun de ses points de vue est terrible et accusateur. Journaliste de guerre volontaire pour Krasnaïa Zvezda, le journal de l'Armée rouge, il a couvert la bataille de Stalingrad jusqu'en janvier 1943 ; ses détails des combats, jusqu'à l'anéantissement de la 6° armée allemande, sont d'un réalisme terrifiant. Juif d'origine, il consacre une grande partie du roman au terrible destin des Juifs d'URSS, massacrés par le régime nazi autant que par le stalinisme.

Derrière l'écrivain, l'homme apparait à toutes les pages. le lecteur vit presque en direct ses overdoses d'écriture, lorsque celle-ci devient impossible tant il est glacé par la cruauté des destins. Vassili Grossman est assis derrière son bureau vingt ans après les faits, les yeux exorbités par ce qu'il a vu de ses propres yeux ou lu dans des témoignages. Il s'arrête d'écrire et regarde, au-delà du visible, ce qu'aucun humain ne devrait avoir à vivre. Les passages du livre les plus difficiles à lire sont bien ceux-là. Pas un détail ne nous est épargné du massacre des populations juives d'Ukraine (vibrant hommage posthume à la mère de Vassili Grossman) ou de la fin inexorable des soldats russes piégés dans la maison en ruine entourée par la 6° armée allemande.

Ce livre est un traité de manipulation et de son pendant, la soumission des victimes. Qu'il est épouvantable et indispensable de lire les descriptions froides de Vassili Grossman ! L'acceptation progressive des Juifs d'Ukraine, à l'aube des chambres à gaz, tandis qu'ils creusent leur propre tombe et s'alignent devant pour mourir proprement, selon les ordres allemands… le destin de Viktor Pavlovitch, immense physicien russe d'origine juive lui aussi, broyé lentement et méthodiquement par le système stalinien… le lecteur a forcément moins d'empathie pour Krymov, ce communiste déchu, héros des grands procès staliniens de 1937 et éliminé par ses frères en 1943 ; le personnage semble avoir été créé pour immortaliser les méthodes soviétiques de contrôle des populations – dénonciations, dossiers sur chaque individu, interrogatoires, torture. Son procès dans Vie et Destin, absurde, ne semble écrit que pour rappeler au lecteur que le destin peut se retourner ; dans un régime totalitaire, les actes héroïques du passé peuvent être balayés, du jour au lendemain, d'un simple revers de main.

Régime hitlérien, régime stalinien, mêmes horreurs ? C'est ce que suggère Vassili Grossman, ce qui a tant effrayé son éditeur en 1960 qu'il a transmis le manuscrit de Vie et destin au KGB. Ce dernier a bien tenté de le détruire, mais l'écrivain a réussi à en sauver un exemplaire. Il n'a pas connu sa publication en Occident, survenue vingt ans après sa mort. C'est le sort des livres majeurs, de ceux qu'il est impossible de faire disparaître entièrement et qui, malgré les efforts de certains régimes politiques, passent à la postérité et deviennent légende.
Lien : https://akarinthi.com/
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Du temps, un esprit disponible alors pourquoi ne pas se lancer dans la lecture de vie et destin "le roman du XXe siècle".
Ma lecture de "pour une juste cause" première partie de cet grande saga n'est pas très éloignée, juste deux mois, les enjeux, les scènes sanglantes sont toujours présents dans ma tête. J'en suis restée à l'époque où l'on pouvait croire au communisme.
Je ne sais pas en commençant cette lecture qui y croit encore mais j'apprends qu'à la guerre les conflits individuels peuvent se régler très vite ... un différent entre le commandant d'un régiment d'infanterie et son commissaire .... problème réglé ... une bombe est tombée sur le P.C du régiment ... les deux hommes sont morts.
Stalingrad ... quel meilleur résumé du ressenti de chacun que "c'est la plus grande défensive que L Histoire ait connue, mais qu'en est il de l'offensive ?"
Alors je vais vivre quelques jours en compagnie de tous ceux qui ont approché de près cette tragédie humaine que fut Stalingrad.

1942 .... Stalingrad ...Le symbole de la résistance des hommes les uns contre les autres ... des russes enclavés ... des allemands enclavés ... jusqu'à la solution finale.
19 novembre 1942 ... début de l'offensive pour établir l'encerclement de la VI armée allemande.
2 février 1943 ... Stalingrad libéré... l'armée allemande vaincue sur ce front ... les hostilités allaient reprendre plus loin.

Des sentiments, des commentaires jalonnent cette très longue lecture ....
Assister ou plutôt vivre dans le ghetto et ressentir le bien être d'être enfermé avec des gens qui ne vous méprisent pas, être l'un d'eux, juste l'un d'eux et pas cet autre méprisable, ne plus se sentir comme du bétail mais juste une femme malheureuse, se sentir mieux ... Un comble !
L'information ... qu'est ce qu'informer .... il paraît que c'est éduquer un lecteur et non pas l'informer... il y a des choses à ne pas dire, à ne pas écrire ... on peut même parfois oser écrire que dans les villages on enterrait le blé ... on mourrait de faim dans le seul but de nuire à l'état soviétique et ... pendant ce temps dans les kolkhozes les enfants étaient repus de bons bouillons, de bonnes croquettes et de côtelettes !
Une dernière discussion avant la fin, la recherche des erreurs ... première erreur, aucun repentir ne pourra expier ce que nous avons fait ... deuxième, nous n'avons pas compris ce qu'est la liberté ... troisième erreur, l'instinct de conservation a poussé les gens à changer pour ne pas périr... une conclusion : les communistes se sont créés une idole !
Nous partons avec Sofia pour ce qu'elle sait être le dernier voyage, mais, l'optimisme est un opium comme un autre !
Nous comptons avec Nahum parce qu'on ne sait pas quoi faire d'autres, combien de corps, pardon il faut parler de figures, ont été brûlées et qu'elle est la moyenne atteinte par individu chargé de brûler les charniers !
On entend les discussions autour du syndicat, celui qui appelle aux sacrifices :
"avant la guerre, on doit se préparer à la guerre, pendant la guerre, on le sait : "tout pour le front", après la guerre, le syndicat appellera à travailler pour effacer les conséquences de la guerre."
Les temps sont durs mais on essaie encore de réfléchir collectivement, de penser, de discuter ... aujourd'hui comme hier autour des verres de thé .... le temps de la désespérance avec les verres de vodka n'est pas encore là !
Assister en simple spectateur à un entretien où l'issue est l'envoi d'un grain de café dans la tête avec avant, l'injection d'une petite dose d'élixir !
Une idée de la guerre comme une autre avec un poème d'un anonyme :
"camarade, en ta longue agonie,
Ne crie pas au secours, c'est trop tard.
Laisse-moi réchauffer mes mains transies
Au-dessus de ton sang qui s'égare.
N'aie pas peur, ne pleure pas ni ne sanglote :
Tu n'es pas blessé, mais seulement abattu.
Laisse-moi plutôt prendre tes bottes.
Car j'ai encore à me battre, vois-tu. "
Une analyse très fine du bien, faire le bien pour qui ? comment ? mais surtout quel bien ... le tien n'est pas forcement le mien et on assiste à des carnages fait au nom du bien ! ... et l'histoire recommence encore et toujours, les hommes font le bien et le malheur arrive !
Un questionnement comme un autre :
"Que doit ressentir un physicien qui sait que ses découvertes profitent à Hitler ? Pouvez-vous vous représenter un physicien juif, dont on abat les proches comme des chiens enragés, et qui se réjouit en faisant une découverte, quand cette découverte, contre sa volonté, renforce la puissance militaire du fascisme ?"
Ne pourrait on pas imaginer changer Hitler par Staline et fascisme par stalinisme ?
Visiter un bâtiment en construction comme un autre, une usine qui se doit de combiner toutes les nouvelles technologies dans le but de garantir une efficacité remarquable et comprendre l'utilisation future du lieu .... une usine d'élimination massive d'individus avec recyclage de tout ... et la question "dites-moi : peut-on avoir une idée approximative de la quantité de juifs dont il s'agit ? » ... et la réponse " vous avez dit : millions?"
Quelques temps passés avec ceux qui descendent du convoi de la mort mais encore suffisamment vivant pour aller vers la mort... cette longue marche vers ces bâtiments, ... cet arrêt pour que le tri puisse se faire entre les encore utiles et les inutiles .... ces vestiaires préalables à la douche ... l'entrée dans le tourbillon de la dernière salle et le déclenchement du ventilateur jusqu'à ... plus rien !

Un tour d'horizon ...
Vu d'Allemagne .... un front difficile, la préparation de massacres ethniques à grand rendement, des camps de prisonniers où les conditions de survie sont liées au fait de participer à l'élimination des ennemis du peuple avant sa propre élimination ... le travail de collaboration à l'élimination des juifs avec toutes les petites compromissions possibles avec sa morale ...
Vu de Stalingrad.... un front inimaginable, des ruines, des sous sols, une survie inhumaine qui mêle des hommes les plus différents, des hommes qui juste devant la mort osent encore parler, discuter, contester, qui se contentent d'espérer voir le jour se lever le lendemain...
Vu des fins fonds de l'URSS, des pays éloignés du front où on essaie de survivre loin du front, des villes, ces lieux où il n'y a rien pour la population locale alors pour ses immigrés il n'y a pas grand chose non plus ... il reste à participer comme on peut à l'effort de guerre, rêver au temps ancien où il faisait bon vivre, rêver à ceux qui sont si loin qu'on ne sait ce qu'ils sont devenus...

Et puis les réflexions
sur le bien, le mal, leurs définitions ...
Sur l'antisémitisme ici, là ou ailleurs mais toujours de plus en plus prégnant, insupportable et de plus en plus évident de chaque côté des belligérants !
Sur la montée au pouvoir des dictateurs ... comment un peuple a pu choisir un homme comme Hitler comme conducteur ... comment l'héritage de Lenine a pu être cannibalisé par un homme comme Staline ?
Sur la montée de notre propre honte devant notre silence, notre laisser faire ... comment peut on arriver à se taire, à accuser ceux dont on partageait les idées hier encore !
La prison intérieure ... on pouvait y passer des jours, des mois, des années et puis on se retrouvait condamné à dix ans sans droit de correspondance .... ce qui signifiait qu'on avait été fusillé...
Et puis la victoire avec le dégagement de Stalingrad, les simples soldats heureux de profiter du silence, du pain, de l'oignon et de la vodka ... et les généraux prêts à se déchirer pour savoir qui allait avoir la gloire, la victoire !

Une conclusion comme une autre :
"un homme qui veut rester un homme sous le fascisme peut faire un choix plus facile que de sauver sa vie : la mort. »
Je vous laisse imaginer que l'on peut facilement remplacer fascisme par ....

Une citation encore ...
Tu sais, tantine, la vieille génération a toujours besoin de croire en quelques chose : pour Krymov, c'est Lénine et le communisme, pour papa la liberté, pour grand mère le peuple et les travailleurs. Mais tout cela nous semble idiot, à nous, les jeunes. D'ailleurs, c'est bête de croire. Il faut vivre, sans croire à rien.
Une solution facile ?
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Ecrit dans les années 1950 et terminé en 1960, le manuscrit de « Vie et destin » aurait été détruit par le KGB. Il partage cet « honneur » avec « L'archipel du Goulag » d'Alexandre Soljenitsyne. Fort heureusement, Vassili Grossman avait caché deux copies de ce roman-fleuve qui fut publié en Suisse en 1980.
En 1941, l'écrivain s'engage comme soldat et collabore au journal « L'étoile rouge ». C'est alors qu'il prend conscience des perversités du système soviétique n'hésitant pas à faire un parallèle avec le nazisme.
Que contenait de si dangereux ce pavé pour le régime ?
A travers des personnages réels ou de fiction gravitant ou pas autour de la famille Chapochnikov, de Moscou à Stalingrad en passant par Kazan, du front aux camps en passant par l'arrière, l'auteur démonte les mécanismes du stalinisme dont le fondement est la délation, encouragée par un parti qui nie toute liberté individuelle à son profit exclusif. C'est le principe du totalitarisme qui fait de vous, parfois pour un détail, une simple blague, un mouvement d'humeur, un « ennemi du peuple ». Ce processus a été fort bien décrit par Milan Kundera dans « La plaisanterie ».
En tant que témoin des événements et individu meurtri dans sa chair (sa mère fut assassinée en 1941 avec les Juifs du ghetto de Berditchev) comme le fut Strum, l'un des principaux protagonistes du roman, il raconte, mêlant lyrisme et description clinique et distanciée, la période de la bataille de Stalingrad, moment décisif où la guerre bascula au détriment des Nazis. Et il n'hésite pas à comparer les régimes communiste et nazi comme le fit Hannah Arendt en 1951 dans « Les origines du totalitarisme ».
La distance qu'il instaure avec son objet provoque chez le lecteur un sentiment d'effroi bien plus fort que si l'auteur faisait dans le pathos et le larmoyant (cf. la scène terrible dans la chambre à gaz).
Il souligne aussi combien, dans une démarche plus intimiste et psychologique, les événements influent sur le comportement et les sentiments.
« Vie et destin » est bien un témoignage essentiel pour mieux comprendre un vingtième siècle particulièrement meurtrier. C'est aussi une ode à la liberté, à la bonté de l'homme et à l'altérité.

EXTRAITS
- La vie devient impossible quand on efface par la force les différences et les particularités.
- le national-socialisme avait créé un nouveau type de détenus politiques : les criminels qui n'avaient pas commis de crimes.
- Ainsi le ghetto est l'endroit au monde où il y a le plus d'espérance. le monde est rempli d'événements qui n'ont qu'un sens, qu'une cause : le salut des Juifs.
- Mais ce qui caractérise l'esprit de parti, c'est précisément que les sacrifices ne sont pas nécessaires, ils ne sont pas nécessaires parce que les sentiments personnels, l'amour, l'amitié, la solidarité , disparaissent d'eux-mêmes quand ils entrent en contradiction avec l'esprit du parti.
- La violence exercée par un Etat totalitaire est si grande qu'elle cesse d'être un moyen pour devenir l'objet d'une adoration quasi mystique et religieuse.
Sinon, comment peut-on expliquer que des penseurs juifs non dépourvus d'intelligence aient pu affirmer qu'il était indispensable de tuer les Juifs pour réaliser le bonheur de l'humanité et qu'il étaient prêts à conduire leurs propres enfants à l'abattoir, qu'ils étaient prêts à répéter, pour le bonheur de leur patrie, le sacrifice d'Abraham ?
- Oh, la force claire d'une parole libre et joyeuse ! Elle existe justement parce qu'on la prononce soudain malgré toutes les peurs.
- En mille ans, la Russie a été libre pendant six mois à peine.
- L'histoire des hommes n'est pas le combat du bien chervhant à vaincre le mal. L'histoire de l'homme c'est le combat du mal cherchant à écraser la minuscule graine d'humanité.
- Il faisait bon dans le block du Sonderkommando qui desservait la chambre à gaz, le dépôt de Zyklon et les fours crématoires.
- Il lui semblait que cette femme, dont il venait d'embrasser les doigts, aurait pu remplacer tout ce qu'il souhaitait dans la vie, tout ce dont il rêvait : la science, la gloire, la joie d'être reconnu universellement.

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