Gu Byeong-mo m'avait déjà ensorcelée avec ses Petits pains de la pleine lune. L'expérience se réitère avec Fils de l'eau.
Empreint d'une légère touche surnaturelle, puisque le petit garçon que son père décide d'emporter dans son suicide, développe au contact des eaux du lac des branchies, lui permettant de survivre. Recueilli par un grand-père et son petit-fils que sa mère a abandonné, Gon grandit à l'écart de tout. Persistent son attachement à l'élément liquide et ses facultés peu ordinaires.
Avec ce court roman, on oscille entre onirisme et le réalisme le plus cru. Il y a de la violence dans les rapports entre les deux garçons, Kangha ne savant exprimer ses émotions, recourre à la brutalité. Violence et désespérance plus élargies aussi avec les nombreux suicides qui entachent la réputation du lac, puis, plus tard, au bord de la rivière, avec ces étudiants venus faire la fête, boire, braillards et prompts à la bagarre... jusqu'à ce qu'un drame arrive parfois.
Gon, lui, garde cette fraîcheur et cette innocence au long de ces années. Ses promenades aquatiques le lavent des dérives régulières du comportement humain. Taiseux et attaché à conserver son secret, il évite de trop approfondir les relations sociales. Un personnage complexe et attachant. Comme le dit
Gu Byeong-mo dans sa postface, diamant et graphite sont tous deux des formes de carbone, seule la structuration de leurs atomes diffère. Il en va de même pour Gon et les autres personnes.
Sans fioriture, sur un ton sobre et une narration non linéaire, l'auteur raconte son fils de l'eau avec une émotion palpable qui me laisse, après lecture, comme un poids mélancolique sur le coeur. Et l'envie de retrouver très vite l'univers littéraire original et merveilleusement envoûtant de l'écrivain. Hélas, seuls deux romans sont actuellement traduits. La Corée, qu'il s'agisse de K-pop, manwha ou littérature, ayant le vent en poupe en France depuis quelque temps, j'espère de nouveaux titres bientôt disponibles. En attendant, d'autres romanciers de la péninsule attisent aussi ma curiosité toujours en alerte de belles découvertes.