AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782348069277
252 pages
La Découverte (11/03/2021)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Deux semaines après l’assassinat de Samuel Paty, François Héran publiait dans La Vie des idées une « lettre aux professeurs ». Ce texte ayant beaucoup circulé, et suscité quelques vives réactions, l’auteur en développe ici les arguments. Les caricatures qui désacralisent le religieux sont-elles sacrées ? La diffusion des caricatures est-elle indépendante de l’État ? Comment la liberté de conscience et la liberté d’expression, ces « tours jumelles », ont-elles évolué... >Voir plus
Que lire après Lettre aux professeurs sur la liberté d'expressionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Monsieur François Héran, sociologue et anthropologue, professeur au Collège de France, est un grand intellectuel aux titres incontestables. Au lendemain de l'assassinat de Samuel Patys, il a publié à chaud une « lettre aux professeurs » portant sur le contexte de cet assassinat ; dans cet ouvrage, il reprend , commente et élargit ses thèses de l'époque en terminant par une défense et justification du wokisme qui n'est pas ce qu'un bon peuple réactionnaire pense (et qui d'ailleurs n'existe pas, la preuve c'est qu'on l'enseigne). Mais n'allons pas trop vite.
A première vue, le thèses de l'auteur sont pertinentes ; il entend démontrer la pertinence du concept d'islamophobie, conçu comme racisme, des rapports indissociables entre la croyance et le croyance qui justifient le concept de blasphème, il se livre à une exégèse éblouissante et étayée par un vaste appareil critique des textes fondateurs de la laïcité, des différentes déclarations des droits de l'homme, française, américaine, européenne, des législations qui les complètent, de l'histoire et de la politique française, de l'histoire coloniale, que sais-je encore, qui emporte presque l'adhésion.
Ainsi je ne juge pas, a priori, indispensable que les fameuses caricatures soient érigées en objet d'études dans l'éducation nationale (à une réserve près, que je dirai plus loin), et je trouve sale et écoeurant le dessin représentant Mahomet nu et prosterné, avec son commentaire et ses sous-entendus.
Lorsu'il énumère les turpitudes et palinodies intellectuelles des contempteurs du concept d'islamophobie (au premier rand desquels Taguieff, auquel il voue une hainse vigoureuse),il cite la théorie dite de la pente savonneuse, qui serait selon lui un paralogisme, et qui consiste en gros à dire, pour ce qui s'agit de l'Islam, que si vous acceptez qu'on s'en prenne aux caricatures, que vous défendez le voile islamique, vous finirez par admettre la charia (en l'espèce, ce n'est pas si faux).
Mais il applique parfaitement lui-même cette technique ; j'ai commencé par admettre que la caricature du prophète était répugnante, et qu'il n'était pas indispensable de la commenter dans less écoles ; et si je l'avais suivi, j'aurais été conduit à admettre que la critique d'une religion, particulièrement de l'islam, constituait une forme de racisme anti-musulman parce qu'il n'était pas possible de dissocier le musulman de sa religion et de critiquer l'une sans haïr l'autre, et que dès lors , sans vouloir l'interdire, il était difficile de tolérer le blasphème (un bel exemple de double pensée, d'ailleurs ;
Sur le blasphème cependant, qui serait une offense insupportable, une violence pour les croyants justifiant presque son interdiction, je ferai cependant observer que je suis catholique et croyant, et que, bien avant de s'en prendre au prophète, Charlie avait publié des caricatures de même farine consacrée à ma religion et en beaucoup plus grand nombre (je crois même qu'un Pape y avait été représenté dans la même posture que Mahomet) sans que beaucoup de gens s'en soient émus , et sans même que nous réagissions particulièrement ; nous avons l'habitude.
(d'ailleurs, le catholicisme étant la religion des dominants – dominant quoi, j'aimerais bien le savoir- le concept de catholicophobie ne saurait être pertinent ; la preuve, les woke ne l'ont même pas nommé)
Et je n'ai jamais crié au blasphème, parce que l'idée même de blasphème est un non-sens ; elle présuppose qu'une créature aussi insignifiante qu'un caricaturiste puisse offenser Dieu, et que, quand bien même ce serait le cas, Il ne pourrait pas se défendre tout seul.,
Cela dit, il existe un moyen bien simple d'échapper au spectacle des caricatures : ne pas acheter et ne pas lire Charlie ; bon, vous me direz : et l'enseignement des caricatures à l'école, là les enfants ne peuvent choisir de les voir ou pas ; alorsje veux bien reconnaître que ce n'est peut-être pas indispensable. Cependant, c'est à cause de ces caricatures qu'on a déjà tué par deux fois ; alors faut-il céder ? Je m'interroge mais la question est ouverte
Et puis il y a ce que l'auteur dit de Samuel Paty ; la caricature qu'il aurait montré aux enfants (en précisant d'ailleurs que ceux d'entre eux qui craignaient d'être choqués pouvaient sortir, mais cela même lui fut reproché comme discriminatoire) serait précisément celle où Mahomet est montré nu et à genoux. C'est une information. Mais ensuite il s'interroge sur le « cheminement « qui a conduit le professeur à « montrer à ses élèves de quatrième ce dessin particulièrement choquant » 
Moi, c'est cette interrogation qu me choque, car cela laisse à penser que le malheureux professeur aurait pu nourrir des intentions inavouables
Comme si le comportement de la victime pouvait excuser le crime en quoi que ce soit.....
La dernière partie du livre est un long plaidoyer pro domo, lu mille fois, sur la pertinence des études postcoloniales et décoloniales (il paraît que ce n'est pas la même chose, on en apprend tous les jours), le racisme systémique, le privilège blanc, l'intersectionnalité, que sais-je encore, qui tend à démonter que toutes ces choses sont normales, et même louables, et qui ne convaincra que les convaincus.
Je dirai quand même en conclusion que le livre mérite d'être lu, car il représente un travail rigoureux, très supérieur aux pamphlets affligeants qu'on lit habituellement sur ces sujets, mais dont il faut avoir conscience que c'est un livre orienté, écrit à partir d'un point de vue politique.
Sinin gare à la pente savonneuse !
Commenter  J’apprécie          52


Videos de François Héran (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de François Héran
François Héran, professeur du Collège de France sur la chaire Migrations et sociétés, introduit son cours de l'année 2023-2024 : Colonisation et migration
Découvrez la suite du cours : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/cours/colonisation-et-migration/introduction
Abonnez-vous à la chaîne @Sciences-sociales-CdF du Collège de France et retrouvez la playlist de ses enseignements !
Le Collège de France est une institution de recherche fondamentale dans tous les domaines de la connaissance et un lieu de diffusion du « savoir en train de se faire » ouvert à tous. Les cours, séminaires, colloques sont enregistrés puis mis à disposition du public sur le site internet du Collège de France.
Découvrez toutes les ressources du Collège de France : https://www.college-de-france.fr
Suivez-nous sur : Facebook : https://www.facebook.com/College.de.France Instagram : https://www.instagram.com/collegedefrance Twitter : https://twitter.com/cdf1530 LinkedIn : https://fr.linkedin.com/company/collègedefrance
+ Lire la suite
autres livres classés : politiqueVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (25) Voir plus




{* *}