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Claudia Ancelot (Traducteur)
EAN : 9782070737413
Gallimard (24/02/1993)
3.74/5   40 notes
Résumé :

Un coin du passé revit ici par la grâce de l'amour et de la mémoire. La voix de Maryska nous restitue une petite ville de Bohême du début des années vingt et la brasserie voisine, la malterie, le germoir, la cour où l'on grille le malt et où l'on goudronne les tonneaux. C'est aussi l'histoire du couple que forment Maryska et Francin : la jeune femme débordant de santé, fantasque, gloutonne, ne résist... >Voir plus
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Je fais la connaissance de Bohumil Hrabal avec La chevelure sacrifiée, petit roman autobiographique de 150 pages. Mais quel roman, quelle force narrative et poétique contenue en si peu de pages !
Maryska, probablement la mère de l'auteur, nous raconte, à la première personne, des aventures dignes des malheurs de Sophie, dans un petit village de Bohème, dans les années 1920, au moment de la naissance de la Tchécoslovaquie au sortir de l'effondrement de l'empire austro-hongrois. Elle compose un drôle de couple avec son mari Francin, gérant de la brasserie dans laquelle ils vivent, lui, sérieux, méticuleux, pondéré, voire timoré, et elle, vive, fantasque, exaltée, toujours prête à enfourcher son vélo, à faire de l'escalade sur la cheminée de l'usine, à manger et à boire goulûment les saucissons qu'elle confectionne avec le charcutier et de la bière.
Intrépide, elle aspire à une vie intense, et ne connaît pas les dangers. Elle a d'ailleurs failli se noyer à deux reprises quand elle était enfant, en tombant dans la rivière puis dans un puits.
Maryska, c'est avant tout une chevelure d'or, magnifique, indomptable, qu'elle porte comme un étendard, une chevelure dont le poids peut la faire basculer en arrière, dont la longueur peut se prendre dans les rayons de la bicyclette, une chevelure qui pourrait la faire s'envoler mais qu'elle choisira à la fin du roman, comme le titre l'indique, de sacrifier. Au nom de quoi la sacrifiera-t-elle ? de la liberté, de l'indépendance ?
Ce couple mal assorti, mais amoureux, est bientôt rejoint par le frère de Francin, un personnage tonitruant, haut en couleurs, dont les excès en tous genres vont rapidement conduire le président de la brasserie à le forcer à y travailler et s'y installer.
La chevelure sacrifiée, ce sont toutes ces péripéties drolatiques, nimbées de poésie, narrées à un train d'enfer, avec une langue riche et précise à la fois, dotée d'une grande puissance d'évocation.
Les magnifiques premières pages consacrées à l'entretien des lampes ventrues à mèche, les scènes de course folle de chevaux, de confection des charcuteries, de préparation des barriques, de réparation des chaussures par le frère de Francin, laisseront sûrement un souvenir durable.
Point de traces de propos politiques ou de critiques sous-jacentes du régime alors en place en Tchécoslovaquie quand le livre a été écrit. Pourquoi Bohumil Hrabal a-t-il dû l'éditer sous la forme de samizdat, ce système clandestin de circulation d'écrits interdits dans les pays du bloc de l'Est ? Cette chevelure folle, indisciplinée, à l'image de sa propriétaire, symbole de vitalité et de contestation risquait-elle d'entraîner le courroux des dirigeants de l'époque ?

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Commentaire exprimé dans le cadre d'une relecture nous suivons là les tribulations d'un couple Maryska et Francin, ce dernier travaillant dans une brasserie.
Maryska est la narratrice à la première personne et il est rare à cette époque de voir des personnages narrateurs féminins au travers de la plume d'un homme (on en connait des illustres que je ne nommerais pas). C'est d'autant plus étonnant dans un pays comme la République tchèque, assez conservateur et traditionnel. Mais ce prisme de narration est cohérent avec le propos de Hrabal, décrire une femme moderne, décrire un souffle qui s'empare de son pays et qui change les places de chacun. Si cette femme est moderne c'est parce qu'elle n'a pas conscience des codes sociaux ou du moins elle les ignore prodigieusement. Si elle est moderne c'est parce qu'elle dirige son couple et guide son mari d'une certaine manière une égalité est présente entre les deux, chacun faisant preuve de galanterie l'un envers l'autre.
On y voit un rejet du conservatisme, au travers du beau frère qui est resté prisonnier dans le juron du passé si je puis dire. La conclusion est paradoxale avec le coeur du livre et laisse penser que Hrabal considère l'avenir avec échec constamment renouvelé.
Une sorte de mélancolie, une fuite en avant qu'on sait stoppée d'avance.
Le style est superbe mélange d'argot et de tournures poétiques, une fausse simplicité au service d'une efficacité syntaxique rendent fluide ce récit pourtant très mouvementé.
Un grand récit de plus pour cet auteur tchèque, définitivement au sommet de mon panthéon personnel.
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Un récit à la première personne de Maryška, une jeune femme, qui est la vie personnifiée, mariée à un homme trop sage, épris de juste mesure et de maîtrise de soi. Maryška mord dans l'existence à pleines dents, au propre comme au figuré, ce qui crée des situation cocasses, et qui donnent bien du soucis à son époux.

Un livre drolatique, mais plein de poésie également et de nostalgie d'une vie qui n'existe plus au moment où le livre a été écrit, une petite ville de Bohême où il faisait bon vivre, plein de personnages truculents, qui n'arrivent pas à se discipliner. Un livre tout en sensations, un éloge de la joie de vivre.
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Bohumil Hrabal (1914-1997) est l'un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle. Après des études de droit interrompues à partir de 1939 en raison de l'occupation allemande, il exerce des métiers divers, ouvrier, voyageur de commerce, figurant de théâtre, cheminot... Il entre en littérature en 1963 mais après l'invasion soviétique de l'été 1968 qui met fin au Printemps de Prague, il connaît des ennuis avec la censure et est interdit de publication. Il connaitra à nouveau la censure entre 1982 et 1985. Finalement il meurt à Prague le 3 février 1997 en tombant – ou en sautant ? – de la fenêtre de l'hôpital où il est soigné. Son roman La Chevelure sacrifiée date de 1976.
L'action se déroule vers 1920 dans une petite ville de Bohème et c'est Maryska qui nous la conte. Maryska et Francin sont mariés et tiennent une brasserie. Lui, est un homme posé, discret, frugal, très amoureux de sa femme ; elle, est plus jeune de caractère, presque gamine, pleine de vie et d'énergie, « quand je mange, je ne mange pas, je dévore » avoue-t-elle ingénuement, dotée d'une très belle et imposante chevelure, l'un de ses principaux charmes pour Francin, « …ces cheveux dont il était tombé amoureux. » Deux caractères bien différenciés dont Francin a parfois du mal à s'accommoder, sa Maryska ne correspondant pas avec son idée « de la femme convenable ». le bouquin s'achève sur un caprice de Maryska se faisant couper les cheveux, signe d'un renouveau mais aussi début d'une nouvelle histoire puisque Francin lui promet « Alors ma petite fille, dit-il, on va commencer une nouvelle vie ».
Le roman enchaîne des scènes charmantes sur la vie d'une brasserie ou l'abattage du cochon, puis il y aura l'arrivée inopinée de l'oncle Jo, frère de Francin et cordonnier de son état, et ses frasques avec le personnel de la brasserie. Nous découvrons aussi l'entrée de la modernité dans le petit village, la radio et le gramophone, prétextes à de jolis paragraphes.
Le roman est bien écrit, l'écriture est dense, exubérante, bien rythmée, utilisant un vocabulaire très précis. Je ne sais pas pourquoi, mais la lecture de ce roman m'a fait penser à certains films d'Emir Kusturika. Les scènes se succèdent, mêlant le crédible à l'onirique voire au farfelu, « comme toujours M. Kropàcek était assis dans le side-car et conduisait sa moto d'un pied posé sur le guidon ».
On peut trouver dans ce roman une fraîcheur et une tendresse délicieuse, une certaine poésie, je le comprendrais, mais pour ma part néanmoins, je n'y ai pas trouvé beaucoup d'intérêt. Heureusement le texte n'est pas très long, et ceci compensant cela, on arrive facilement au point final et l'on referme le livre dubitativement.
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C'est une chronique de la vie quotidienne en Bohême au début des années 20, à travers la vie d'un couple et de ses relations aux autres. C'est un récit gai, simple, amusant chargé d'odeurs, de sensations où les objets deviennent visibles au lecteur et où l'on entend réellement l'inquiétude des lampes à pétrole, la course des chevaux le soir dans les rues.
Ce roman très frais requinque parce -qu'il est débordant de vie, de celle que nos sociétés ne connaissent plus. C'est un vrai coup de coeur et un bijou de poésie.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Dans le bureau Francin allumait deux lampes ventrues à mèches rondes, deux lampes ronronnant sans répit comme deux concierges, chauffant comme des petits poêles, lampes goulues qui lampaient le pétrole avec un appétit vorace. Les abat-jour verts de ces lampes dodues tranchaient presque comme à la règle la zone de clarté et la zone d'ombre, de sorte qu'en regardant par la fenêtre je voyais toujours un Francin découpé en deux : l'un aspergé de vitriol, l'autre avalé par la pénombre. Ces petites machines de laiton munies d'une vis horizontale qui rentrait ou sortait la mèche, ces petits paniers de laiton au formidable tirage, ces lampes de Francin, il leur fallait tant d'oxygène que lorsqu'il posait sa cigarette à proximité, la bague de laiton ajouré aspirait des rubans de fumée bleue ; cette fumée, arrivant dans le cercle magique des lampes ventrues, était impitoyablement avalée, sous l'effet du tirage du cylindre de verre elle était dévorée par la flamme brillant au-dessus du chapeau d'une lumière verdâtre comme celle qui émane d'une bûche en décomposition, une lumière de feu follet, comme le feu Saint-Elme, on aurait dit le Saint-Esprit descendu sous forme d'une petite flamme violette flottant au-dessus de la lumière jaune et grasse de la mèche ronde.
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Francin monta une électrode en forme d’écouteur, il l’approcha de mon front, je me regardais dans la glace et c’était un bien joli spectacle ! Je ressemblais à une belle nymphe, à l’une de ces demoiselles sur des gravures de la fin du siècle, violette, aux boucles roussies par l’étoile du soir ! Des boîtes sous vide enfermant l’orage violet de l’aurore boréale ! Et, de nouveau, Francin se penchait sur la mallette et enfonçait dans la poignée de bakélite un peigne en néon, ce peigne en néon brillait comme une réclame de boutique de frivolités à Vienne ou à Paris, puis Francin s’approcha de moi, enfonça ce peigne crépitant dans ma chevelure, moi je me regardais dans la glace et je savais que désormais je ne désirais plus rien que de peigner mes cheveux avec ce peigne.
(p.63-64)
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J'aime ces quelques minutes avant sept heures du soir, il fait bon pendant ces quelques minutes lever la tête pour voir la lumière se retirer des ampoules comme le sang d'un coq à la gorge tranchée, j'aime regarder cette signature pâlissante du courant électrique et je crains le jour où la brasserie sera raccordée au courant de ville, ce jour où l'on n'allumera plus toutes ces lampes tempête dans les étables, lampes aux petits miroirs ronds, lampes ventrues aux mèches rondes, le jour où personne ne se souciera plus de leurs lumières car toute cette cérémonie aura fait place à un commutateur semblable au robinet qui a remplacé les jolies pompes d'antan.
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… mais encore une fois je ne me suis pas noyée, une seule dame m’a vue, Mme Krsenkà qui était sur un fauteuil roulant depuis dix ans et qui avait des ulcères, c’est elle qui regarda par la fenêtre juste au moment où j’étais en train de tomber et le seul qui accourut fut M. Pokorny, le photographe, il sauta avec son couteau et sa fourchette et sa serviette autour du cou et me tira de l’eau (…) M. Pokorny me menaçait tantôt de sa fourchette, tantôt de son couteau, comme quoi, s’il retrouvait un déjeuner tout froid, il viendrait régler ses comptes avec moi, parce que les petites filles sages, lorsqu’elles ont envie de se noyer, elle le font plus tôt et pas juste à midi lorsque la première oie de la saison est sur la table.
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[Bohumil Hrabal : Une trop bruyante solitude]
A la Fondation Suisse de la Cité Internationale Universitaire de Paris, Olivier BARROT présente le livre du romancier tchèqueBohumil HRABAL : "Une trop bruyante solitude". Après en avoir lu les premières lignes, Olivier BARROT rappelle qui est Bohumil HRABAL, dans quelles conditions il a écrit et résume ce qu'il définit comme un conte philosophique.
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