Envie de lire des pages intelligentes sur le féminisme. Exhaussée.
La thèse de cet essai, c'est que le recul de la condition des femmes (et du discours féministe dans les dernières années) est dû à un retour de la représentation différentialiste de la femme (liée à une "nature", une "essence" voire à la biologie) : Tota mulier in utero (p. 21).
Une fois la condition féminine remise en perspective historique, la question se pose en termes philosophiques sur l'opposition entre liberté et identité (de très belles pages sur la manière dont celle-ci s'est hypertrophiée au détriment de celle-là). Autre conséquence, le rétrécissement (et relative dévalorisation, j'ajoute) des espaces du "neutre", pendant que les gender studies semblent se fourvoyer sur le flottement, l'indétermination sexuelle et autres sexualités "queer", difficilement défendables et surtout ramenant vers le biologique.
Pars construens : revenir à la maxime de Simone de Beauvoir : "On ne naît pas femme, on le devient", et à Françoise Héritier selon laquelle le fondement de la domination masculine réside dans "la volonté de contrôle de la reproduction de la part de ceux qui ne disposent pas de ce pouvoir si particulier" (cit. p. 124).
Je suis en désaccord avec l'auteure sur la question de la prostitution (qu'elle réprimande sans songer à la voir pénalisée) : sa démarche est religieuse bien qu'elle le refuse. Elle parle de "la dimension sacrée du corps" (p. 180), et finit par avouer que "la discussion sur la prostitution est sans fin, aussi vaine que celle qui met parfois aux prises un croyant et un athée [...]" (p. 185)
Le style est celui que l'on connaît de cette auteure, avec cependant une argumentation plus systématique et rigoureuse que dans d'autres ouvrages moins bien réussis.
PS : Autre point de désaccord avec l'auteure : sa répréhension du voile des femmes musulmanes. Elle a, dans son chapitre "Jeunes filles encapuchonnées", un discours d'une désolante superficialité, où s'alignent les plus faciles stéréotypes (style "Ni putes ni soumises", mouvement loué au passage, p. 96) aux relents d'islamophobie. le plus drôle, c'est qu'elle tombe en contradiction dans son argumentation même :
"Pour se donner une chance de comprendre comment le genre nous conditionne, il faut tenir compte de la variété des situations sociales et penser les femmes non comme un groupe indistinct de victimes mais comme incluses dans la société." (p. 97)
Variété de situations sociales donc, justement...
Essai sur la condition féminine, l'égalité des sexes, les différences entre hommes et femmes, les rapports hommes-femmes, le désir. Naît-on femme ou le devient-on ?
En 36 chapitres pour autant de thématiques, Belinda Canonne poursuit la réflexion de Simone de Beauvoir dans « le deuxième sexe ».
L'oeuvre de Belinda Canonne, féministe, essayiste, romancière, est centrée sur l'amour, le désir, la rencontre. Elle défend un regard émerveillé sur le monde. Elle réfléchit, tente de faire évoluer les mentalités, comme Eva Illouz, Olivia Gazalé, Marcella Iacub, Vrirginie Despentes, et bien d'autres. Des femmes qui cherchent à donner du sens.
" Mais je suis convaincue que le désir est l'expérience la plus forte de l'existence, qu'il constitue le moment le plus intense du sentiment d'exister. Ne réfléchissez pas à ce que je viens d'écrire, souvenez-vous…"
Voir en "Citations" d'autres extraits.
Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?