Le manoir, tome 2 : Le domaine

Le domaine est la suite du roman le manoir. Parus en feuilleton dans le Jewish Daily Forward entre 52 et 55, ils composent, selon I.B.Singer, une trilogie avec La famille Moskat.
Le domaine est un livre protéiforme où l'on suit, à Varsovie et à New York, de nombreux personnages appartenant à plusieurs familles de la bourgeoisie juive polonaise pour la plupart d'entre elles, et à celle notamment de Calman Jacoby, juif pieux qui s'est remarié à la mort de sa femme avec Clara Kaminer.
J'ai lu le manoir il y a plus de vingt ans. Je l'ai beaucoup aimé mais il ne m'a pas laissé de souvenirs précis, et j'ai donc éprouvé quelques difficultés à me familiariser avec les protagonistes du Domaine et à en reconstituer la généalogie, ce qui, au final, n'a pas gâché ma lecture.
Le domaine, c'est, en premier lieu, une multitude d'histoires d'amours compliqués, de désamours, de divorces, de séparations, de liaisons, d'adultères, de remariages, de veuvages. Les hommes et les femmes sont souvent mariés plusieurs fois et ils ont des amants. Les familles sont recomposées et les enfants adoptés par le nouveau conjoint.
On retrouve là un thème central qui traverse la majeure partie de l'oeuvre d'I.B.Singer, celui des relations conjugales complexes et des êtres tiraillés entre plusieurs amours. Les amours, charnels, passionnels, guident et conduisent les comportements et les trajectoires des personnages. Bien souvent, l'argent et la recherche d'un statut social viennent se greffer sur les aventures amoureuses.
Le contexte est celui de la communauté juive de Pologne, dont les membres sont parfois en provenance de pays voisins, comme la Russie où ils ont connu les pogroms. I.B.Singer excelle dans la description des états d'âme et tergiversations de ces hommes et femmes, victimes de racisme et d'intolérance religieuse, déchirés entre l'observance des rites ancestraux, le désir d'assimilation, et l'aspiration à accompagner la modernité en route dans le pays et les progrès scientifiques et technologiques. Certains d'entre eux rejoignent les mouvements politiques naissants, comme le socialisme, et basculent parfois dans les mouvances terroristes.
Ils se sentent de passage dans ce pays revendiqué par la Russie, craignent la montée de l'antisémitisme, et choisissent parfois, le départ pour les Etats-Unis où ils essayent de faire fortune, ou la Palestine.
I.B.Singer révèle encore une fois ici son talent de conteur. Puisant dans ses souvenirs de jeunesse à Varsovie, avec des accents autobiographiques, il nous narre le bouillonnement culturel, ethnique, social en oeuvre dans la Pologne de la fin du XIXème siècle et il nous entraîne à suivre, avec humanité, la quête d'individus insatisfaits, en proie au doute existentiel et métaphysique.

Oui je l'ai lu aussi et je l'ai pareillement apprécié. Cette façon de faire revivre un monde disparu je trouve cela formidable.
C'était un merveilleux conteur et écrivain

La suite du Manoir suit les diverses destins des membres de la famille, restés en Pologne ou émigrés aux Etats-Unis, comme Singer et une partie de sa famille. Ecrire ces deux compte-rendus me rappelle l'existence d'un très beau livre de photos li. Il s'appelle justement "Un monde disparu" le nom de l'auteur est Roman Vishniac.

La suite du "Manoir" prolonge le plaisir de partager le destin des personnages en Pologne ou nouveaux arrivants aux Etats-Unis. Une peinture des sentiments et travers humains.