Rappelez vous, Elisabeth Bennet, sa mère infernale, mélodramatique et obsédée par le mariage réussi (donc riche), ses quatre soeurs plus ou moins sages, son père pragmatique et un brin cynique….
Vous voyez ?
Elisabeth et ses préjugés un peu orgueilleux, il faut bien le dire, mais qui a finalement franchi tous les obstacles (les préjugés donc, l'absence de fortune, les commérages, la méchanceté des bien-pensant et les redoutables représentantes féminines de la bonne société anglaise du XIXe siècle) pour réussir le plus inattendu des mariages, quelque part entre le Derbyshire et l'Hertfordshire.
P.D. James nous convie au coeur de l'un des plus notables monuments de la littérature anglaise, pour une immersion en forme d'hommage, inattendu lui aussi : plonger la tranquille petite société de
Jane Austen au coeur d'une intrigue policière, et de la pire des manières, le meurtre … !
Jouant à merveille avec les codes de la littérature classique, James prend un plaisir évident à recréer l'ambiance du roman original pour en faire le cadre de son enquête. Et elle y réussit parfaitement. Invitant quasiment tous les personnages « austeniens », elle s'offre un luxe de détails pour poursuivre leur destinée là où son illustre devancière les avait laissé. Tous sont là, et c'est avec plaisir que l'on renoue avec cette grande famille, au propre comme au figuré car les divers mariages issus du premier volet ont plus ou moins lié chaque foyer à tous les autres.
Elisabeth est donc devenue Mrs Darcy et coule des jours heureux auprès d'un homme qui l'aime et la comprend, de leurs deux petits garçons et de la soeur de son époux, miss Georgiana Darcy. C'est à elle maintenant d'être entourée de prétendants, ayant heureusement atteint l'âge requis, car il ne saurait y avoir de suite à
Jane Austen sans un mariage potentiel dans l'air !
Elle est toujours aussi proche de sa soeur Jane, maintenant Mrs Bingley, mère de trois bambins, et de son père Mr Bennet, qui lui rend visite aussi souvent que possible, tant pour consulter sans relache la très riche bibliothèque de son gendre que pour fuir son hydre de femme et ses lamentations perpétuelles.
Mais alors que les maîtres de Pemberley s'apprêtent à recevoir une foule pour le traditionnel bal de Lady Anne ressurgissent dans leurs vies, et pour leur plus grand désarroi, la soeur terrible d'Elisabeth, Lydia et son indésirable époux, ennemi intime de Darcy, le séduisant mais malhonnête Mr Wickham !
Ne se contentant pas d'arriver sans invitation, mais se payant le luxe d'être accusé du meurtre de son seul ami, ce satané Wickham va causer bien du tort à sa belle famille, pour notre grand bonheur de lecteurs.
Phyllis Dorothy James a bien entendu mis sa « patte » à cet enquête en créant nombre de nouveaux personnages, et en approfondissant grandement la psychologie de ceux qu'elle reprend, et l'on retrouve tout son talent à créer des univers dans la minutie qu'elle a mis à inventer le petit monde de Pemberley.
Spécialement experte en huis clos, c'est dans ce domaine qu'elle excelle, avec cependant une grande fidélité au style de son modèle. Leurs deux plumes se mèlent littéralement et on se dit de miss Austen aurait pu écrire elle-même les passages sur la domesticité de Pemberley ou les notable du Derbyshire, pour peu qu'elle ait eu un tant soit peu de goût pour les intrigues policières.
Ce qui n'était probablement pas le cas, comme le fait remarquer l'auteur dans sa note introductive, en citant son aînée qui écrivait dans
Mansfield Park : « Laissons à d'autres plumes que la mienne le soin de s'attarder sur la culpabilité et le malheur. J'abandonne promptement des sujets aussi détestables, car je suis impatiente de faire retrouver à ceux qui n'ont pas grand-chose à se reprocher une certaine tranquillité, et d'en avoir terminé avec les autres. »
Mais si Mrs James se sent obligée de présenter ses excuses symboliques à l'ombre de
Jane Austen, elle n'a vraiment pas à voir honte de sa prestation, qui ravira sans doute leurs lecteurs à toutes deux.
Peut-être certains trouveront-ils seulement les passages consacrés à l'enquête proprement dite un peu courts, et les inconditionnels du polar resteront-ils légèrement sur leur faim. Les codes sont pourtant respectés, le crime, l'enquête, le procès et le dénouement final s'enchaînent parfaitement, au rythme de la campagne anglaise et entrecoupés de longs passages sur les émotions des uns et des autres, leurs doutes et leurs choix complexes, entravés par les si lourds codes sociaux du début du XIXe siècle.
du suspens, des sentiments et une étude de moeurs intelligente, la joie de retrouver un univers familier si fidèlement adapté et la plume parfaitement maîtrisée de
Phyllis Dorothy James, voilà les ingrédients qui feront de ce roman un plaisir bienvenu à la veille des vacances.
S.L.
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