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EAN : 9791031903736
168 pages
L'Herne (18/01/2023)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Les textes de ce recueil proviennent des colloques des Intellectuels juifs de langue française, auxquels Vladimir Jankélévitch participa assidûment à partir de 1957.
Ces colloques se proposent de mettre à distance un certain pessimisme d'après-guerre et de (re)donner un sens à un judaïsme rescapé de l'anéantissement au travers de nouvelles réflexions et interrogations. Ainsi prennent place les conférences de Vladimir Jankélévitch tout en témoignant de son at... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Les textes de ce recueil sont issus de plusieurs discours tenus par Vladimir Jankélévitch lors de colloques regroupant des intellectuels juifs de langue française entre 1957 et 1963. La question qui servait de base et de prétexte aux débats concernait l'existence d'une identité juive.


Evidemment, celle-ci existe, nous disent les principaux concerés, mais, pour échapper au risque d'une réponse trop simple, Jankélévitch précise que cette identité est oscillation entre deux positions antagonistes : désir de se fondre dans la foule indifférenciée comme désir de se distinguer d'autrui ; désir de s'installer enfin en terre promise mais crainte de voir ainsi le confort dévorer l'inquiétude, contre le désir de poursuivre l'éternelle errance en arrachant ses préoccupations des contingences terrestres. Ayant eu envie de lire cet essai dans la perspective de mieux comprendre la tendance à l'origine de l'édification d'une oeuvre comme celle de Freud, par exemple et à tout hasard, Jankélévitch me permet d'en peut-être mieux deviner les origines puisque, finalement, le déchirement qu'il associe au judaïsme serait celui de devoir choisir entre satisfaire le désir ou le décevoir pour continuer de nourrir infiniment le désir lui-même. Désir réduit au niveau humain ou désir de désir éternellement reporté.


Tous les hommes, après tout, sont confrontés à ce dilemme. Les juifs cultiveraient cependant, selon Jankélévitch, ce goût de l'impossible, cet amour de la tragédie, porté à la plus haute conscience. La décision de choisir l'incarnation du désir, comme le fut par exemple Israël, devient ainsi presque plus douloureux que de continuer de penser : ce n'est pas cela. « le problème, presque métaphysique, qui se pose lorsqu'on médite sur l'existence de cet État, et qui est déjà immanent à la position même de ce problème, c'est de savoir comment se comportera la Terre sainte lorsque la Terre sainte deviendra la réalité du présent. Comment l'extrême passé fabuleux, à peine croyable, l'incroyable passé millénaire, et d'autre part l'extrême futur de l'espérance eschatologique, évolueront-ils dans la conscience de l'homme quand ils deviendront un présent tangible et visible ? Quand Israël invisible deviendra un Israël visible ? Est-ce qu'à ce moment-là ne naîtra pas une déception métaphysique [...] ? »


Le juif représenterait le principe de l'intranquillité, le principe anti-bourgeois qui se refuse à la satisfaction éphémère et illusoire, à l'avachissement décevant, aux compromis, ainsi peut-être devenant source d'animosité. de l'antisémitisme, Jankélévitch tient d'ailleurs un discours qui ne s'entend pas à tous les coins de rue puisqu'il déclare que sans les persécutions subies par les juifs au cours de la seconde guerre mondiale, lui comme de nombreux autres juifs n'auraient peut-être pas pris conscience de l'inclination de la pensée propre au judaïsme. Jankélévitch reconnaît en quelque sorte l'utilité maïeutique pour les juifs de l'antisémitisme comme persécution. le véritable antisémitisme, la manière la plus virulente qu'un goy aurait de haïr un juif, serait selon lui de lui demander de choisir définitivement, de cesser son oscillation d'inquiétude, et de cesser aussitôt également de développer toute circonvolution mentale autour de ce balancement.


Si le christianisme est également, originairement, intranquillité, il est certes d'une autre forme : non plus inconfort de la tension entre possible et manifeste, puisque le christianisme est après tout choix du Christ et acceptation d'un destin terrestre clos, mais inconfort de la tension entre bien et mal dans le sens où le bien serait adéquation du désir à l'être. Alors que les colloques qui virent la participation de Jankélévitch et d'autres intellectuels juifs se soutenaient initialement de l'interrogation à propos de l'existence d'une identité juive, Jankélévitch constate, dans son discours de clôture que « de nos entretiens, s'est dégagée une idée dominante, l'idée d'une dilution de la messianité ». le juif serait donc celui qui ne peut pas accepter de céder sur son désir pour l'avènement d'un Messie. « Notre attente vise l'accomplissement plus général d'un processus qui n'a pas de fin, un processus de transfiguration infinie, qui n'atteindra jamais son plérôme mais qui atteindra peut-être une plénitude ».
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Ce livre contient la transcription de 7 conférences de Vladimir Jankélévitch lors des colloques des intellectuels juifs de France, entre 1957 et 1963. Ces conférences avaient pour but, entre autres choses, réveiller la judéité de ceux qui l'avaient un peu perdu avant la guerre.

Il est important de se remettre dans le contexte de l'époque et même de la vie de Vladimir Jankélévitch pour mieux apprécier ce contenu.

La deuxième guerre était finie depuis peu de temps et les Juifs étaient encore en train de digérer ce passé. Nombreux étaient les Juifs qui ont, obligés, découvert leur judéité lors de la guerre par la menace qui leur est tombé dessus.

C'était même le cas de Vladimir Jankélévitch, fils d'intellectuels juifs ayant fuit la Russie à cause des pogroms. Sa famille ne pratiquait aucune religion. Peut-être par "la tentation" dont il a parlé dans une de ces conférences. On en reviendra.

Les aspects philosophiques de la judéité ou du judaïsme ne faisaient pas partie, en principe, des sujets d'étude de Vladimir Jankélévitch mais la révélation de ses origines par la guerre l'a obligé à y réfléchir. Ces conférences sont le résultat de ses réflexions. Et peut-être, et ce n'est que mon impression, il est devenu "plus juif" que beaucoup de ceux qui étaient un perdus et c'est ce qui l'autorisait à présenter ses réflexions dans ces colloques. Je livre ici quelques points qui ont retenu mon attention.

Les Juifs étaient, avant la création de l'État de Israël, un peuple apatride mais pas nomade. de là, la situation instable entre se fondre complètement dans la société où ils vivent et garder ses particularités de peuple Juif. On voit bien que beaucoup de Juifs prennent partie de notre société, oeuvrant sans mettre en avant le fait d'être des Juifs. La "tentation" de pencher vers un ou l'autre côté. Ceci a peut-être du toucher sa famille puisque, fuyant la Russie, ils se sont établis en France et ont, peut-être, voulant s'intégrer dans leur nouveau pays d'accueil ont peut-être partiellement succombé à cette "tentation".

Encore, de cette situation de presque double personnalité, les Juifs sont, à la fois, des Juifs et des pas Juifs. L'antisémitisme, pour Vladimir Jankélévitch, a la caractéristique de vouloir enfermer les Juifs dans leur côté juif en les empêchant d'assumer leur autre côté, celui de l'intégration.

Vladimir Jankélévitch réfute l'idée parfois soutenu comme quoi les terres de l'État de Israël ait été donné aux Juifs comme compensation d'un supposé état de victimes. Il est vrai que la plupart des Juifs des pays de l'est ont du trouver où aller puisqu'ils ne pouvaient plus rester où ils étaient avant. Mais il est aussi vrai que cette terre était réclamée depuis longtemps, des Juifs y habitaient déjà depuis des millénaires.

Ce livre date déjà, mais la plupart des sujets restent d'actualité. Pour les autres, la lecture reste toujours valable pour comprendre le contexte d'après guerre et la pensée de celui que est un des philosophes remarquables du XXème siècle.

Un autre livre de Vladimir Jankélévitch est "L'imprescriptible", avec deux textes : "Pardonner ?" et "Dans l'honneur et la dignité", où il livre ses réflexions sur la Shoah. La lecture en vaut la peine.

Je remercie L'Herne et Babelio de m'avoir fait connaître ce texte très intéressant.
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Ces conférences de Vladimir Jankélévitch sur le Judaïsme constituent un texte important pour appréhender la complexité de son oeuvre et de sa pensée. En effet, le lien particulier entre Jankélévitch et ce qu'il appelle sa judéité est ici détaillé. D'un point de vue plus général, c'est la place des Juifs dans la société d'après-guerre qui est interrogée, ainsi que la question de leur identité, et donc de l'identité de Jankélévitch. Ce livre comprend un aspect assez personnel de la réflexion de son auteur qui en facilite la compréhension, par rapport à d'autres de ses livres, et font de ce court ouvrage une étape nécessaire pour comprendre la pensée de ce grand philosophe. Car même si son identité juive n'est pas un thème fréquemment abordé dans son oeuvre, elle a été une question importante dans sa vie et dans la vie du peuple juif en général, après les horreurs de la Shoah. En résumé, c'est un livre nécessaire afin de comprendre certains aspects du XXe siècle, de l'histoire juive et de la pensée de Jankélévitch.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
(p.19)

Un homme n'est un homme que parce qu'il devient sans cesse ce qu'il est et parce qu'il est de ce fait sans cesse un autre. Mais il y a dans le fait d'être juif un exposant supplémentaire d'altérité qui réside dans le fait d'échapper à toute définition. Nous, qui revendiquons notre judaïsme, qui tentons de le retrouver en nous dans sa dimension essentielle, nous protestons lorsqu'on nous définit par cette qualité de juif, et nous estimons que c'est une des marques de l'antisémitisme que de vouloir enfermer le juif dans son étroitesse juive, de ne le définir que par cette qualité - que pourtant nous revendiquons. Comment se fait-il que les antisémites qui, après tout, abondent dans notre sens en nous parquant dans le judaïsme, méconnaissent aussi profondément l'essence du judaïsme ? Ils devraient être nos meilleurs amis ! En ce sens Hitler serait un bienfaiteur du peuple juif : il a permis à bon nombre d'entre nous de prendre conscience de leur judaïsme ! Et cependant les antisémites sont profondément, subtilement, machiavéliquement, disons diaboliquement antisémites, en ce sens qu'ils nous refusent la marque essentielle de l'esprit juif qui est de ne pas être seulement juif, d'être aussi un autre que soit. Ce que nous refusent les antisémites, c'est de n'être pas seulement nous mêmes.
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Mais il était écrit qu’Israël ne pouvait pas, ne pourrait jamais être un État comme les autres, et j’espère bien qu’il ne sera jamais un État comme les autres.
Le problème, presque métaphysique, qui se pose lorsqu’on médite sur l’existence de cet État, et qui est déjà immanent à la position même de ce problème, c’est de savoir comment se comportera la Terre sainte lorsque la Terre sainte deviendra la réalité du présent. Comment l’extrême passé fabuleux, à peine croyable, l’incroyable passé millénaire, et d’autre part l’extrême futur de l’espérance eschatologique, évolueront-ils dans la conscience de l’homme quand ils deviendront un présent tangible et visible ? Quand Israël invisible deviendra un Israël visible ? Est-ce qu’à ce moment-là ne naîtra pas une déception métaphysique [...] ?
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(p.8-9)

Pour certains, la guerre a été le révélateur de leur propre judaïsme, celui qu'ils avaient toujours nié, occulté ou tout simplement ignoré. C'est le cas de Vladimir Jankélévitch dont les parents, d'origine russe, ne pratiquaient aucune religion. Cet être fondamental lui a soudain été révélé. Choisir d'être aux côtés de ses frères, dans les épreuves, et, contre tout bon sens, choisir dans la nuit la liberté, lui parut essentiel car "le fait d'être juif ne s'efface, ni par la naturalisation, ni par la conversion", nous rappelle-t-il.
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Eretz-Israël n’est plus un mythe de tout repos : il s’agit désormais d’une option urgente déterminée par un fait historique qui exige de grands dévouements et des sacrifices constants et ne permet plus les réponses dilatoires. La sécularisation d’Israël pneumatique n’a pas mis fin pour autant à la fonction mobilisatrice du peuple déraciné, mais elle a rendu plus aigüe encore l’équivoque dialectique ; elle a seulement porté cette tension sur un autre plan... [...] Maintenant que l’irréalisable s’est réalisé, le conflit entre particularité nationale et vocation d’universalité atteint l’acuité critique d’un cas de conscience.
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Bergson, incontestablement tenté, sollicité toute sa vie par la tentation chrétienne. Bergson est plongé dans l’atmosphère chrétienne depuis toujours et il joue avec les sirènes de la séduction sans toutefois céder à l’incantation ; il écoute le chant des sirènes, il l’écoute mais il s’arrête sur le rebord extrême puisqu’il ne reçoit pas le baptême. Toute sa vie, il est sur le point de, en instance de, dans l’instant qui précède le pas décisif. Ce pas décisif, il ne le franchira jamais. C’est un homme dont toute la vie se passe sur le rebord aigu du baptême sans pourtant qu’il franchisse l’intervalle qui l’en sépare.
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En ces temps de crise, il nous faut résister à tout ce qui, chaque jour, nous entraîne vers le bas : la bêtise, les intégrismes divers, les compromis incessants, les lâchetés, les impostures… Mais comment apprendre à résister ?
« L'esprit de résistance » de Vladimir Jankélévitch, c'est à lire chez Albin Michel.
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