Dénoncer les Juifs sous l'Occupation

Il y a eu ceux qui sont restés indifférents, sans toutefois, ne rien tenter pour leur nuire, les passifs, compatissants de loin, de trop loin, ceux qui ont eu quelques gestes furtifs, prosaïques d'humanité ou d'attention , de fraternité , de charité , ceux qui les ont vraiment aidés, ceux qui les ont cachés, ceux qui les ont sauvés, ceux qui ont perdu leur vie pour eux. Eux, ont bien joué leur rôle, ils ont fait leur « métier d'homme » , celui défini par Camus dans Noces à Tipasa .Parmi ceux-ci, certains ont été honorés du titre de Juste. Il y a aussi les jaloux, les envieux, les racistes, les collabos purs et durs,… eux ont dénoncé. Mouchardage sordide du bout des lèvres, anonyme ou délations réitérées avec un acharnement féroce, inhumain . Il y a aussi les délateurs cupides qui ont dénoncé pour pouvoir toucher les primes offertes de 100 francs au départ, pouvant atteindre 5 000 francs. Ce sont leurs pratiques que Laurent Joly étudie à partir d'inventaires officiels, de chroniques judiciaires, d'archives personnelles.
Au total, selon les chiffres les plus récents, environ 74 150 juifs furent déportés de France dans le cade de « la solution finale », on dénombre
3 300 rescapés. Les opérations menées durant 1942 furent les plus dévastatrices. Rien que pour la rafle du Vel d'Hiv , il y eut 13 000 arrestations.
Certains de ces dénonciateurs payèrent de leur vie leur comportement, ils furent fusillés, emprisonnés, déchus de leur droit civique, d'autres, et cela reste toujours de mise, passèrent au-travers des mailles du filet, d'autres encore , et cela fait partie aussi des « règles sociétales » ! s'ensortirent bien, parfois avec honneur ! … Quelques- uns furent punis sans que la justice humaine intervienne, comme les parents de Jean Jausion qui dénoncèrent la fiancée juive de leur fils , celui-ci désespéré, suicidaire s'engagea dans la Résistance et perdit (volontairement ?) la vie.

Un travail de historien avec beaucoup de références et notes. Fait à partir des archives historiques - lettres de dénonciation, décisions de justice après la Libération, ... Reconstitution de la structure administrative en rapport avec les dénonciation.

On apprend les profils des personnes en relation : les dénonciateurs et les dénoncés. Parmi les dénonciateurs, on retrouve l'image stéréotypée de la concierge, mais aussi beaucoup d'autres. Les dénonciateurs peuvent être des personnes juste antisémites, collaborateurs convaincus de faire leur devoir de dénoncer mais aussi des raisons sordides : jalousie, intérêt personnel, vol des biens des dénoncés, ... Un cas assez dramatique, ou plutôt étonnant, est celui d'un médecin qui dénonce une femme juive avec qui son fils voulait se marier. Elle est déportée et lui s'engage dans la résistance, une forme de chercher la mort.

Les dénonciateurs ont été jugés lors de la Libération. La difficulté a été avec les lettres anonymes, la plupart. Beaucoup se sont, donc, échappés. Les peines ont varié entre quelques années de détention à la peine capitale, passant par des travaux forcés.

Finalement, le plus grave de cette facette de l'histoire est le côté sordide de la dénonciation. Complètement au contraire des Justes qui, eux, ont tout fait pour protéger les Juifs.

Comme le dit l'auteur, ce travail est une contribution encore incomplète, mais qui donne un contenu objectif et chiffré à ce que l'on savait déjà exister. D'autres contributions viendront sûrement.