Comme le dit si bien une autre critique, ces voyages sont davantage une lecture intéressante que plaisante. Intéressante, d'un côté, par le rapport que l'on a aux autres, ceux qui nous ressemblent ou ne nous ressemblent pas. Dans un monde où la peur de la différence et en même temps de la similitude obsède, il serait peut-être bon de (re)lire Swift pour comprendre que l'"autre" a tout à nous apporter.
Le côté plaisant, de l'autre, ressort moins, certes. Simple effet de la traduction ou style fidèle du livre de voyage alors en vogue au XVIIIè siècle (et que Swift prend un malin plaisir à parodier), il est vrai que ce livre peut sur certains points nous apparait aujourd'hui un petit peu lourd...
Toujours est-il que ce livre passionne encore car on ne sait où le ranger. Récit fantastique, satirique et philosophique, "Swift, nous dit la quatrième de couverture, caricature avec humour les travers de la société anglaise, qui sont ceux de toute société humaine." Plus simplement, Swift surprend. Par ses lilliputiens, ses brobdingnags...sans oublier ses Houyhnhms, on se trouve plongé dans un autre univers, et pourtant dans une réalité déconcertantes (réalité notamment due aux explications minutieuses de Gulliver).
Bref, amusons-nous avec ce héros, rions des seins gigantesques d'une femme au pays de Brobdingnags, moquons nous des lois des Lilliputiens, savourons les réformes audacieuses proposées lors du voyage troisième et reconnaissons les vertus des Houyhnhms. Questionnons-nous, philosophons, en ayant la tête dans un autre pays tout en vérifiant que nos pieds sont bien sur terre. Remettons en questions, demandons-nous pourquoi. Et surtout, ne jetons pas Gulliver dans un pays de rois !
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Ce livre regroupe les quatre voyages censés avoir été réalisé par M. Gulliver. Ces voyages vont le mener dans des contrées toutes plus extraordinaires les unes que les autres, avec des populations et des moeurs ayant toutes un aspect "décalé". Un des premiers livres de Fantasy dans les univers imaginaires.
Mais au delà de cette approche de découverte et de voyage, c'est surtout une critique des moeurs ayant cours dans l'Angleterre du 18è siècle, pays de l'auteur, ainsi que des différentes facettes de l'Humanité qui ne lui conviennent pas.
Il va donc mettre en avant ces travers en créant des sociétés plus ou moins "utopiques" étant opposé à celle de l'époque, avec à chaque fois un point en particulier (système hierarchique, oppression, ...).
Une belle fresque engagée, avec une belle illustration sur le thème du voyage. Un ouvrage à lire et qui présente une belle réflexion.
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L’inventeur qui vivait dans cette pièce était le membre le plus ancien de l’Académie. Sa figure et sa barbe étaient d’un blanc jaunâtre ; ses mains et ses habits couverts de saletés. Quand je lui fus présenté, il me serra sur son coeur (genre d’effusions dont je l’aurais bien dispensé). Depuis son arrivée à l’Académie, il recherchait inlassablement le moyen de reconvertir les excréments humains à leur état initial de nourriture, en isolant leurs divers éléments, en leur ôtant le liant qu’ils reçoivent de la bile, en faisant se dégager leur odeur, et en les purifiant de la salive. Chaque semaine la société lui allouait un récipient plein d’ordures humaines de la taille d’un baril de Bristol.
Un autre essayait de réduite, par calcination, de la glace en poudre à canon. Il me montra également le traité qu’il avait écrit sur la malléabilité du feu et qu’il se proposait de publier.
Il y avait aussi un génial architecte, qui avait imaginé une nouvelle méthode pour construire les maisons, en commençant par le toit, et en menant les travaux de haut en bas jusqu’aux fondations. Il s’inspirait, me dit-il, de la technique mise au point par deux insectes de grande intelligence, l’abeille et l’araignée.
[Extrait de la troisième partie : Voyage à Laputa, Balbinarbi, Glubbdubdrib, Luggnagg et au Japon]
J’eus le grand plaisir, dans une autre chambre, de rencontrer l’agronome qui avait eu l’idée d’utiliser les cochons pour le labourage. Sa méthode, qui supprime l’emploi des charrues , des boeufs et des laboureurs, est la suivante : sur une surface à labourer d’un acre vous enfouissez à cinq ou six pouces de distance et à huit pouces de profondeur de grandes quantités de glands, dattes, châtaignes et autres fruits ou légumes dont les porcs sont particulièrement friands ; puis vous lâchez dans le champ six cents ou plus de ces animaux, lesquels, en cherchant leur nourriture, retournent le sol et le laisseront à la fois préparé pour les semailles et enrichi de leurs excréments. A vrai dire, l’expérience avait montré que le procédé était coûteux et d’une pratique difficile, mais il faut croire que cette invention est susceptible encore de nombreux perfectionnements.
But in order to feed the luxury and Intemperance of the Males, and the vanity of the Females, we sent away the greatest Part of our necessary Things to other Countries, from whence in return we brought the Materials of Diseases, Folly, and Vice, to spend among ourselves. Hence it follows of necessity, that vast Numbers of our People are compelled to seek their Livelihood by Begging, Robbing, Stealing, Cheating, Pimping, Forswearing, Flattering, Suborning, Forging, Gaming, Lying, Fawning, Hectoring, Voting, Scribbling, Stargazing, Poisoning, Whoring, Canting, Libeling, Free-thinking, and the like Occupations
Je l'assurai qu'il fallait bien faire trois fois le tour du monde pour qu'une femelle yahoo de la bonne société eût de quoi faire son petit déjeuner et trouvât une tasse pour le prendre. Il dit qu'un tel pays devait être bien misérable, puisqu'il ne pouvait pas produire de quoi nourrir ses habitants. Mais ce qui lui semblait le plus étonnant, c'était que ces vastes étendues que je lui avais décrites fussent entièrement dépourvues d'eau potable, et que les gens dussent envoyer des navires outre-mer pour trouver quelque chose à boire. Je répliquai que l'Angleterre (mon bien-aimé pays natal) produisait, d'après certains calculs, trois fois plus de choses à manger que ses habitants ne pouvaient en consommer, ainsi que d'excellentes boissons, qu'on fabriquait avec des graines, ou qu'on tirait des fruits d'un arbre, en les écrasant, et qu'il y avait la même abondance de tous les biens nécessaires à la vie. Mais afin de satisfaire la sensualité et l'intempérance des mâles, et la vanité des femelles, nous expédiions vers d'autres pays la plus grande part des produits qui nous sont nécessaires, et nous y achetions des tas de choses faites pour ré pandre des maladies, la sottise et le vice parmi nous.
Je dois avouer que rien ne m'a jamais autant répugné que cette monstrueuse poitrine que je ne saurais comparer à quoi que ce soit pour donner idée de sa masse, de sa forme et de sa couleur. Elle se dressait sur sept pieds et ne pouvait faire moins de seize pieds de circonférence. La tétine faisait la moitié de ma tête et sa couleur, comme celle du mamelon, était si altéré de taches, de boutons et de grains de beauté que rien n'aurait pu paraître plus dégoûtant.