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EAN : 9782882504401
190 pages
Noir sur blanc (04/11/2016)
3.8/5   5 notes
Résumé :
L'art du reportage se porte toujours à merveille en Pologne, de nouveaux noms apparaissent, les champs d'investigation se renouvellent d'année en année. La jeune génération ne cesse pourtant d'évoquer toujours la même source d'inspiration : Ryszard Kapuscinski et Hanna Krall, considérés comme les inventeurs du reportage moderne, dans sa branche la plus littéraire. Soumis à un contrôle permanent et sévère, le reporter de l'époque communiste ne pouvait témoigner de la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
D'après Margot Carlier, qui a réuni et présente en cet ouvrage les premiers textes de deux monstres sacrés de la littérature polonaise dans une spécialité propre au pays : le reportage littéraire. de cette forme artistique particulière, selon elle, Ryszard Kapuscinski et Hanna Krall sont considérés le père et la mère.

De Ryszard Kapuscinski, né en 1932 à Pinsk (à l'époque en Pologne, actuellement en Biélorussie) et décédé le 23 janvier 2007 à Varsovie, j'ai lu avec grand intérêt ses best-sellers "Ebène" ou ses aventures africaines ; "Le Négus" ou la biographie d'Haïlé Sélassié, empereur d'Éthiopie (1892-1975) et "Le Shah" ou la biographie de Mohammad Reza Pahlavi d'Iran (1919-1980). de Hanna Krall, je dois hélas avouer n'avoir lu aucun de ses livres, bien que dans la bibliothèque de Babelio y figurent quatorze.

Tout au long de leur longue carrière d'écrivain et de reporter, Kapuscinski et Krall ont été liés "par une solide et belle amitié". Dans "Autoportrait d'un reporter" de 2008 par Kapuscinski, dans la préface Hanna Krall note à ce propos : "Pendant des années, on se voyait avec Rysiek (son diminutif de Ryszard) toujours dans le même café, Place Bankowy. Sans rien demander, Sławek, le garçon, nous servait machinalement du Campari avec du jus d'orange. Nous échangions les dernières nouvelles, quelques potins, en pouffant de rire, et lorsqu'il se passait quelque chose d'important dans le monde, Rysiek m'expliquait la situation."
À la page 235 se trouve une belle photo des 2 artistes, tout sourire, à l'occasion de la Foire au livre de Leipzig en 2000 et la réception par Hanna du Prix de l'Entente européenne.

Margot Carlier, dans son introduction instructive et enthousiaste, spécifie que la plupart des textes contenus dans le présent volume sont inédits en France. Seulement 2 textes ont fait l'objet d'une publication antérieure, sur les 30 textes retenus, soit 15 d'elle et 15 de lui.

Quelles sont les caractéristiques principales des textes de ce duo ?
- Leur style est d'abord éminemment littéraire. Ils ont le souci de la narration tout en se servant des techniques de la fiction, comme le recours à l'ellipse, la métaphore, l'anecdote, l'ironie et à la poésie, mais toujours avec un très grand soin du détail.
- Écrits entre 1950 et 1970, ils reflètent la vie des gens ordinaires dans un système communiste oppressant aux conditions de vie souvent déplorables. Dans un contexte de grèves, de grisaille et d'injustices.

Il paraît qu'aujourd'hui en Pologne, le "krallovisme" et "à la Kapu" sont des termes encore toujours utilisés avec humour et respect par de jeunes écrivains et reporters pour qualifier le style de Krall et Kapuscinski.

Le titre du recueil trouve son origine dans une boutade de l'historien Adam Michnik : "Nous disions du reportage qu'il était l'art de voir la mer dans une goutte d'eau". Une façon de voir l'écriture sous la censure communiste.
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« La mer dans une goutte d'eau » de Ryszard Kapuściński et Hanna Krall, traduit par Margot Carlier (2016, Noir et Blanc, 246 p.)
Ryszard Kapuściński tout d'abord. (1932-2007) dont on dit qu'il était « le plus grand écrivain parmi les reporters, et le plus grand reporter parmi les écrivains ». Il écrit aussi des romans comme « le Négus » (2010, Flammarion, 228 p.), « le Shah » (2010, Flammarion, 241 p.), « le Christ à la carabine » (2010, Plon,216 p.) tous en format poche, ou mieux « Oeuvres » (2014, Flammarion, 1477 p.), le tout étant traduit par Véronique Patte. Ce sont donc des reportages plutôt que des romans ou des essais. Reportages sur l'Afrique ou le Moyen Orient, parmi les plus démunis. « le reportage sérieux exige que l'on soit un tout petit peu romantique ».
Naturellement dans les années 60, il n'était pas question de dénoncer les pratiques barbares ou corrompues des dirigeants ou du système, il convenait de restreindre les critiques via des descriptions sincères de la vie individuelle, vers le détail qui prendrait soudain une signification plus large, plus universelle, voire métaphorique. Il est donc considéré, avec Hanna Krall, comme les inventeurs du reportage moderne, dans sa branche la plus littéraire. Kapuściński évoque les années soixante, durant les années 1960-1970, principalement dans un hebdomadaire, « Polityka » alors que Hanna Krall décrit les années soixante-dix, en tant qu'animatrice d'une équipe de jeunes reporters dans le quotidien issu des changements « Gazeta Wyborcza ». Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de littérature disait d'elle « J'ai découvert le monde grâce à des gens comme Hanna Krall ».
La première partie s'ouvre sur un reportage de Kapuściński sur Nowa Huta (Nouvelle aciérie), cité industrielle qui vient d'être créée « To też jest prawda o Nowej Hucie » (C'est aussi la vérité sur Nowa Huta). Cité qui a promis « la félicité aux masses populaires ». Construit à partir de rien, c'était un bel exercice de style, une tentative de créer une ville idéale, en fait une utopie véritablement immature. C'est une image de lutte pour le bien-être commun qui se fracasse sur le mur de la réalité. Et au début, la magie opère. Les habitants des régions pauvres de toute la Pologne sont venus à Nowa Huta attirés par la promesse d'un avenir meilleur. Une fois sur place, la ville est loin de représenter le rêve idyllique prévu par la propagande. Selon les données de 1954, environ 35% des habitants qui sont venus à Nowa Huta étaient sous le coup de condamnations judiciaires. « Ils sont arrivés de la campagne, apportant avec eux une moralité paysanne qui ici a perdu tout sens ».
Le jeune reporter ne constate que des bâtiments déjà dégradés et des logements suroccupés. « Il n'y avait ni buanderie ni salle de séchage, il n'y avait qu'une seule cuisine pour chaque couloir, ce qui posait des problèmes de préparation des repas ». Les conditions dans les cantines du personnel étaient tout aussi mauvaises. Des couverts et des assiettes étaient volés quotidiennement. La distribution des repas se faisait avec d'énormes files d'attente dans lesquelles les gens faisaient la queue pour récupérer leurs portions. « La saleté et la puanteur causées par l'eau stagnante sur le sol de la salle à manger ont été créées à la suite de tuyaux cassés et d'eau sous-cutanée non nettoyée par personne, et les différentes cellules existantes qui sont utilisé comme toilettes, cela fait que les volontaires des brigades préfèrent manger à l'extérieur du bâtiment que dans la salle à manger ».
Un autre problème était la division des hôtels des travailleurs en dortoirs pour hommes et femmes. « Stefek S. me dit toujours : "Je ne me marierai pas, je ne me marierai pas, car dans ces conditions je devrais manquer de respect à ma femme" ». Les couples mariés sont forcés de vivre dans des chambres d'hôtel séparées. « Il existe de nombreux faits selon lesquels les maris viennent rendre visite à leurs femmes dans un hôtel, où les rapports sexuels les plus intimes ont lieu devant leurs enfants et leurs concitoyens. » D'où une explosion de la prostitution. « A Nowa Huta se trouve un appartement où une mère encaisse l'argent dans une pièce tandis que dans l'autre la fille dédommage les clients. Ce n'est pas le seul appartement où se pratique un tel commerce ».
Il note aussi l'absence de structures culturelles et sociales pour les ouvriers, sans lieux de loisirs ou de réunion. La manière dont se déroule la vie d'un jeune homme : « il se lève de bonne heure, il va au travail. Il revient, il est trois heures. C'est tout. A trois heures, sa journée est terminée. J'en ai visité des foyers de travailleurs. J'ai jeté un oeil dans les chambres : ils sont assis. C'est vraiment l'unique occupation qu'il leur reste être assis. Ils ne discutent même pas, à quoi bon parler ? Ils pourraient lire - ils n'en n'ont pas l'habitude. Ils pouvaient chanter - cela dérange les autres - ils pourraient se battre - ils n'en n'ont pas envie. Ils veulent rester assis ». Quant aux distractions, elles sont inexistantes pour des gens qui n'y sont pas habitué. « ll n'y a rien d'autre. Les clubs, quand ils existent dans les foyers, sont vides. Deux minuscules cinémas (400 places environ pour 80 000 habitants en tout). Pas une piscine, pas de terrain de sport. Bref, pas la moindre distraction ». Et pourtant le reporter voit un message d'espoir. « Les habitants de Nowa Huta sont des hommes authentiques. Honnêtes, travailleur et endurants. Des gens qui apprennent à vivre, des gens qu'il faut aider qui ont besoin d'aide. Ici, on pourrait écrire un récit sur l'homme authentique ». Mais à coté il y a les « passe-droits, crapuleries, indifférence, mensonges ».
Ce reportage parait le 30 septembre 1955 dans « Sztandar Młodych ». Il n'est pas très apprécié par les dirigeants de l'époque. Mais l'auteur a atteint son objectif, car la direction de l'usine a été changée. Kapuściński a reçu la Croix d'Or du Mérite, mais cette récompense est à double sens. D'une part, le talent du jeune journaliste a été reconnu, d'autre part, les autorités craignaient sa perspicacité et sa sensibilité aux questions sociales. On lui propose alors un poste de correspondant à l'étranger, donc en l'écartant des affaires polonaises. « On a l'impression qu'un monstrueux champignon bureaucratique a poussé ici, qu'il se propage et écrase tout, mais personne ne s'y intéresse, personne ne se sent concerné »
Les reportages suivants se terminent sur « le bush à la polonaise ». Ce sont pour la plupart des portraits ou des scènes prises sur le vif. Il y aussi de la réclame pour pâte dentifrice qui décrit un bal de province, avec quatre garçons pour quinze filles. Des paysans qui se sont organisés pour que le train passe chez eux, un radeau de bois sous le regard émerveillé de trois étudiants exaltés qui voient en lui une réincarnation de Zeus. « En sauvant leur terre, cinq hommes ont sauvé leur vie. Que pouvaient-ils espérer ? Pouvoir essayer encore une fois ». « le bush à la polonaise » fait référence aux séjours que Kapuściński a fait en Afrique, ici au Ghana. L'auteur discute avec Kofi au sujet de la Pologne. « En Pologne – il neige, les femmes s'exposent au soleil, pas de colonies, une guerre, on construit des maisons, quelqu'un apprend à lire à un autre ». Et les questions fusent. « Est-ce que toutes vos femmes sont blanches ?/- Toutes /- est-ce qu'elles sont belles ? /- très belles ».

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Ce livre propose à la fois un voyage dans le temps et un voyage en Pologne. Il compile les meilleurs articles de deux journalistes polonais de talent Hanna Krall et Ryszard Kapuscinski. Très belle lecture, très belle exploration.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
" Peu de grandes rencontres nous réserve la vie,
Mais celle d’un livre est de loin la plus belle. "

Hanna Krall, "Le Grand Jeu"

(page 135).
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« – Non, je ne crois pas. Elle vient plutôt de l’ennui, de cet ennui mortel en Pologne communiste. En fait, je luttais contre cette réalité en écrivant des textes moins ennuyeux que le monde qui les entourait. J’essayais de traiter des sentiments que chacun partageait, de ce que Kieślowski appelait le « surplus métaphysique ». L’amour, la peur, le courage, le bien ou le mal, sont de très grands sujets de reportages. Mais, bien sûr, l’amour passe mieux. La peur, par exemple, était un thème immédiatement bloqué par la censure ».
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Videos de Ryszard Kapuscinski (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ryszard Kapuscinski
25 octobre 2013
Quand Ryszard Kapuscinski arrive comme journaliste en 1958 à Accra, la capitale du Ghana, il ne peut soupçonner que ce voyage sera le début d'une passion qui ne le quittera plus jamais. Pendant des années, ce grand reporter doublé d'un écrivain sillonne le continent noir, habite les quartiers des Africains, s'expose à des conditions de vie qu'aucun correspondant occidental n'aurait acceptées. Observateur exceptionnel, il croise des potentats comme Nkrumah, Kenyatta ou Idi Amin, témoigne de coups d'Etat et de guerres civiles ; il essuie des fusillades, affronte des tempêtes de sable et supporte l'indescriptible chaleur africaine. Mais Kapuscinski s'intéresse surtout aux gens et sait gagner leur confiance. le tumulte de la vie quotidienne africaine le passionne davantage que les corruptions, les épidémies et les guerres meurtrières. Ce livre majeur, attendu depuis longtemps, a reçu en 2000 le prestigieux prix littéraire italien Viareggio. "(...) un chef-d'oeuvre hybride et bouleversant ; peu de livres ont fait sentir l'Afrique d'aussi près." Jacques Meunier - "Le Monde"
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