Autant l'avouer d'emblée, je ne suis ni spécialiste de poésie, ni de l'écriture des haïkus. J'aime lire l'une et les autres, en novice, juste pour entendre les sonorités des mots ou le rythme du phrasé. Et pour inventer en imagination des images, pleines de détails...Aussi aimer devient personnel et intuitif, seulement, sans indication de valeur !
Quand j'ai trouvé ce recueil sur les étagères de la bibliothèque que je fréquente, j'ignorais même que Jack Kerouac avait écrit des haïkus, c'est tout dire ! Il n'a pas voulu "japoniser" son écriture, si je puis dire, et du coup, ce sont des "arrêts sur les images du quotidien" vus de la part d'un occidental.
Ceux évoquant la nature sont particulièrement beaux...à mon avis.
Un petit livre à feuilleter au quotidien, ne serait-ce que pour enjoliver la journée qui commence et prendre la mesure de l'importance des petites choses de la vie.
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Pas une grande férue de haïku, mais une grande férue du Kerouac romancier... alors pourquoi ne pas commencer la lecture de son oeuvre poétique par un genre qui ne m'interpelle pas spécialement ?
D'emblée, le haïku de Kerouac est, comme il le dit très clairement, différent du haïku japonais dont il s'inspire, en ce qu'il est, déjà, formellement moins strict. Ainsi, de l'avis de l'auteur américain, le japonais a une fluidité syllabique difficilement atteignable dans les langues occidentales, il "propose que le haïku occidental dise simplement beaucoup en trois vers courts". Quant au sens et aux thèmes, "un haïku doit être très simple et dépourvu de tout artifice poétique et constituer une petite image et cependant être aussi aérien qu'une pastourelle de Vivaldi", l'on est au contraire au plus près de l'esprit japonais.
Et c'est bien ce que l'on retrouve dans ce recueil de haïku qui regroupe tous ceux écrits par l'auteur entre 1956 et 1966, bien que réunis et publiés en 2002 : une forme moins stricte, un fond qui, par un évènement du quotidien, une saison, une sensation... décrit un instant de vie paradoxalement puissant de par sa fugacité. de la solennité et du sérieux, parfois, mais aussi de la dérision, des jeux sur les sons et les sens, de plus en plus souvent au fil des années ; de la joie toute simple, mais intense, ou encore des moments de doute et de douleur, de plus en plus récurrents et forts.
Car au fil du temps, et de l'alcool qui emporte Kerouac avec lui, les haïku se font plus amers, davantage tournés vers la désillusion, vers la sensation que le monde n'est que vacuité, finitude, mort. En cela, ils sont précieux pour comprendre, aussi, son évolution romanesque.
Une lecture que j'ai trouvé pertinente en ce qu'elle m'a apporté une autre connaissance de Kerouac, mais qui ne m'a pas forcément réconciliée avec le genre du haïku, bien que moins abstrait.
Un petit florilège - en VO, ayant eu le plaisir de pouvoir les lire sans traduction, les éditions de la Table Ronde proposant une version bilingue du recueil :
The trees, already
bent in the windless
Oklahoma plain
The cow, taking a big
dreamy crap, turning
To look at me
The new moon
is the toe nail
Of God
Mad wrote curtains
of
poetry on fire
Dusk in the holy
woods -
Dust on my window
Came down from my
ivory tower
And found no world
The other man
lonesome as I am
In this empty universe
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Parfait clair de lune
gâté
Par des querelles de famille
Perfect moonlit night
marred
By family squabbles
Traversant le terrain de football,
de retour du travail,
L'homme d'affaires solitaire
Crossing the football field,
coming home from work,
The lonely businessman
Le son du silence
est toute l'instruction
Que tu recevras
The sound of silence
is all the instruction
You'll get
Les chagrins solitaires
égrainent le chant des décennies
Sur des lèvres humides
Lonesome blubbers
grinding out the decades
With wet lips
Swinging on delicate hinges
the Autumn Leaf
Almost off the stern
Oscillant sur de délicates jointures
la Feuille d'Automne
Presque détachée de sa tige
En 1959, Jack Kerouac parle de littérature et de la «Beat Generation»